Mongolia

Les lycéennes se révoltent contre le « test de virginité »

Les élèves et les parents déclarent que ces examens forcés, dénoncés par les Nations Unies, traumatisent les filles. Un groupe d'élèves militants demande que cette pratique cesse.

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Female Students Revolt Against ‘Virginity Tests’

KHORLOO KHUKHNOKHOI, GPJ MONGOLIE

Une élève, qui a demandé à ne pas être identifiée par crainte d'être indûment stigmatisée, affirme que les médecins de son école ne demandent pas le consentement des filles avant de les soumettre à des tests de grossesse et de dépistage de maladies sexuellement transmissibles.

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EERDENET, PROVINCE D’ORKHON, MONGOLIE : Ce jour d’octobre 2019, la cloche de l’après-midi a retenti, et les filles ont pensé que les cours étaient terminés. Alors qu’elles s’apprêtaient à rentrer chez elles, leurs professeurs leur ont dit de rester. Elles devaient se rendre au cabinet du médecin.

Khaliun Khurelbaatar, alors élève de seconde, était surprise. Personne n’avait dit aux filles pourquoi elles devaient se rendre chez le médecin, et personne n’avait demandé leur consentement.

Elles ont fait la queue devant le cabinet, entrant l’une après l’autre. Selon ses souvenirs, deux médecins portaient des blouses blanches et des gants jetables. Une chaise et un mini appareil à ultrasons se trouvaient côte à côte. Le médecin a demandé à Khaliun d’enlever son pantalon et son slip.

« Pendant l’examen, je voulais seulement remettre mon pantalon et mon slip », dit Khaliun, dont la voix habituellement pleine d’assurance est devenue basse et empreinte d’anxiété, avant d’ajouter : « Nous étions toutes contrariées ».

Elle était si fâchée qu’elle a rejoint une action de protestation pour mettre fin à ces soi-disant « tests de virginité ».

En 2018, les Nations unies avaient déjà condamné cette pratique mondiale en l’assimilant à un acte de violence qui dégrade les adolescentes, leur inflige des traumatismes psychologiques et viole leurs droits sexuels. Or, les filles de Mongolie affirment que les examens restent d’actualité.

« Tout le monde semblait s’en foutre des examens de ces filles à l’école », explique Myagmarsuren Gansukh, 18 ans, leader du Groupe Voix des jeunes, une initiative nationale de protestation à laquelle Khaliun a adhéré : « Nous avons décidé de nous battre contre cela par nous-mêmes. »

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MYAGMARSUREN BATTUR, GPJ MONGOLIE

Myagmarsuren Gansukh, une élève de Terminale, dirige le Groupe Voix des jeunes, une organisation scolaire nationale qui a protesté contre la pratique des fameux « tests de virginité ».

En théorie, les médecins vérifiaient si Khaliun et ses camarades de classe étaient enceintes ou souffraient de maladies sexuellement transmissibles : une pratique qui s’est répandue en Mongolie dans les années 1990. Ces examens commencent lorsque les filles sont âgées de 15 ans et sont pratiqués chaque année jusqu’à ce que les élèves terminent leurs études secondaires. Bien qu’il n’existe pas de politique nationale officielle, ces examens sont encore largement pratiqués dans les écoles.

Par le passé, la Mongolie était loin d’être un cas isolé. Dans leur « appel international à l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles en tout lieu », l’Organisation mondiale de la santé, l’ONU Femmes et la Commission des droits de l’homme des Nations unies ont noté que les examens constituaient « une tradition de longue date qui a été recensée dans au moins 20 pays de toutes les régions du monde ».

Dans leurs déclarations, elles qualifient ces examens de « pratique médicalement inutile et souvent douloureuse, humiliante et traumatisante [qui] doit cesser ».

L’année dernière, le groupe de Myagmarsuren a mené un sondage intitulé « Voix de filles » en partenariat avec l’organisation internationale Save the Children et un groupe national de conseil, de défense et de formation, du nom de Princess Center to Protect the Rights of Girls and Young Women.

Le sondage a confirmé ce que les jeunes filles mongoles savaient déjà : la pratique du test de virginité se poursuit dans les écoles. Soixante-douze pour cent ont déclaré qu’elles n’avaient pas consenti à ces examens. Deux tiers des participants s’opposent à cette pratique, quelles que soient les circonstances.

« Aucune information n’est donnée aux filles avant l’examen », déclare Ujin Sainkhuu, 14 ans, élève de quatrième. L’enseignant leur dit : « Fais-le, point final. »

Alors que Khaliun et ses camarades de classe attendaient leurs examens en octobre 2019, elles étaient confuses et anxieuses, raconte-t-elle. Dans le cabinet, un médecin lui a dit de ne pas paniquer. Ça ne fera pas mal, a-t-il dit.

Après l’examen, elle a fait une échographie. L’ensemble du processus a duré 10 minutes environ, au terme desquelles le médecin lui a dit de faire entrer la fille suivante.

« C’est gênant et laid d’enlever son slip devant des inconnus et de se faire examiner », dit Khaliun, à présent âgée de 18 ans. « Au moment où je ne portais pas de vêtements, j’étais nerveuse et effrayée, me demandant ce qui se passerait si quelqu’un d’autre entrait. »

Elle avoue qu’elle n’avait parlé à personne de son examen jusqu’à récemment.

Les parents des élèves de l’école disent qu’ils n’étaient pas au courant. Ariunjargal Lkhaasuren, mère de quatre filles, déclare : « Nous ne l’apprenons qu’une fois l’examen terminé. Je ne veux plus que mes filles soient soumises à l’examen sans mon consentement. »

Les responsables du ministère de l’Éducation et des Sciences ont refusé de répondre aux questions. En 2018, le ministère a ajouté l’éducation à la santé, notamment la santé reproductive, au programme scolaire. Pourtant, selon le sondage Voix de filles, la majorité d’élèves ont déclaré qu’elles n’en apprenaient pas assez sur les questions de reproduction et de sexualité.

Badamkhand Tumurbaatar, spécialiste en charge de l’éducation à la santé des enfants et des questions relatives à la jeunesse à l’Agence pour le développement de la famille, de l’enfance et de la jeunesse de la province d’Orkhon, située dans le nord de la Mongolie, est favorable à ces examens : « Il [est] utile de procéder à des examens médicaux réguliers. »

C’est également le cas pour Ganchimeg Bilegsaikhan, un médecin de l’école de Khaliun. Selon lui, les examens permettent de prévenir les grossesses et les maladies sexuellement transmissibles, et profitent à la recherche quantitative.

« Cela doit être fait correctement », dit Ganchimeg, précisant que « c’est bénéfique pour la santé des filles ».

Bon nombre d’élèves ne sont pas d’accord. Le Groupe Voix des jeunes, un des principaux défenseurs de la fin de cette pratique, regroupe 250 filles dans 28 écoles secondaires et universités de Mongolie. L’année dernière, cette organisation âgée de six ans a lancé un programme intitulé « L’école n’est pas un hôpital » en collaboration avec des organisations professionnelles.

Le projet vise à enseigner aux filles la santé reproductive. Il existe un cours d’apprentissage en ligne et une page Facebook, où un chatbot fournit des informations et des conseils aux adolescents sur la reproduction. Plus de 2 000 adolescentes ont demandé l’aide du bot.

Selon Myagmarsuren, les écoles doivent commencer à inclure les adolescents dans les politiques relatives aux questions de reproduction. Pour elle : « Le fait que les adultes ne prennent pas en compte l’opinion des adolescents est un signe de la violation de leurs droits fondamentaux. »

Khuslen Badamjav, 16 ans, élève en seconde, s’est déjà fait examiner une fois. Après avoir participé au sondage et au projet « L’école n’est pas un hôpital », elle a compris que « les filles ne devraient pas se faire examiner sans autorisation ».

Elle compte dire « non » la prochaine fois que les médecins de l’école voudront l’examiner.

Хөхнохойгийн Хорлоо нь Глобал Пресс Жоурналын Монгол дахь сурвалжлагч.


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