Haiti

S’affronter dans un concours de connaissances, ce choix des lycéens à l’heure où Haïti s’emploie à relever les niveaux d’éducation

Faibles taux d’alphabétisation et insuffisance des dépenses publiques, voilà deux maux qui rongent le secteur éducatif à Haïti. Le gouvernement et les ONG étant à l’œuvre pour relever le niveau d’éducation, un concours de connaissances encourage l’apprentissage chez les élèves de la région, y compris Port-au-Prince, capitale d’Haïti.

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Students Battle in Knowledge Competition, as Haiti Works to Raise Education Levels

Anne Myriam Bolivar, GPJ Haïti

Deux équipes d’élèves participent à un quart de finale du concours de génie interscolaire municipal annuel. Ce concours oppose les élèves vivant dans une région métropolitaine connue sous le nom de commune de Carrefour.

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PORT-AU-PRINCE, HAÏTI – Angela Joseph, 17 ans, ne peut contenir son exaltation se déplaçant dans une foule qui franchit les portes d’une grande salle d’une école au sud de Port-au-Prince, capitale d’Haïti. Une fois à l’intérieur, les élèves s’engagent dans une bousculade en quête des sièges de la première rangée. Selon Joseph, élève en classe terminale qui en est à sa deuxième participation au génie interscolaire municipal, elle a passé la nuit précédente avec tellement d’enthousiasme qu’elle ne pouvait dormir.

Le génie interscolaire municipal est un concours essentiellement organisé pour les élèves âgés de 15 à 19 ans dans le Carrefour, l’une des 145 communes que compte Haïti. Il porte sur les connaissances générales. Aux dires de Joseph, ce concours est à la fois une source d’apprentissage et un tremplin.

« Cette expérience est importante, car nous apprenons de nouvelles choses », confie-t-elle. « Et elle nous facilite aussi de réussir nos concours d’entrée à l’université, ce qui nous donne un avantage sur ceux qui n’ont pas participé ».

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Anne Myriam Bolivar, GPJ Haïti

Jean Lionel Luxama, élève au lycée Louis Joseph Janvier, réfléchit sur une question posée lors du concours.

De l’avis des experts, le système éducatif haïtien tente aujourd’hui d’améliorer son potentiel de développement, mais la qualité de l’apprentissage laisse encore à désirer. Le Portail du savoir, un organisme local sans but lucratif, organise ce concours annuel pour renforcer les connaissances des élèves, apportant ainsi sa pierre aux efforts du gouvernement et d’autres organisations.

Se caractérisant non seulement par de faibles taux d’alphabétisation et l’insuffisance des infrastructures scolaires, mais aussi par le manque d’enseignants qualifiés, le secteur éducatif à Haïti a toujours été le cadet des soucis du gouvernement. Les dépenses publiques consacrées à l’éducation ont toujours été si faibles que les niveaux de dépenses du pays figurent, en termes relatifs, parmi les plus bas au monde.

Selon les données publiées en 2006 par la Fondation canadienne pour les Amériques, un think thank, les dépenses publiques consacrées à l’éducation représentaient, en 2010, environ 2 pourcent du produit intérieur brut du pays. Selon un rapport de l’Institut des États-Unis pour la paix (United States Institute of Peace), seulement 20 pourcent des dépenses destinées au système éducatif sont allouées en faveur du milieu rural haïtien où vit 70 pourcent de la population. Malgré le sous-financement, le gouvernement a élaboré des politiques visant le redressement du secteur, l’accent étant mis sur les enseignants et les élèves.

On assiste à la hausse des taux de scolarisation avec 90 pourcent des enfants en âge de scolarité primaire étant scolarisés. Pourtant, une faible participation en classe freine le progrès scolaire. Dans les classes, en moyenne 28 pourcent du temps de classe est passé avec six élèves ou plus réfractaires aux activités de classe, lit-on dans le rapport d’une étude réalisée conjointement par la Banque mondiale et le gouvernement haïtien.

Pour relever ce défi et stimuler l’apprentissage en dehors des salles de classe du pays, le Portail du savoir a lancé le concours de génie interscolaire municipal, il y a 4 ans. Ce concours est entièrement financé par l’équipe de neuf jeunes professionnels de l’éducation qui a fondé cette organisation. Ce concours porte sur des matières allant de la chimie à l’histoire et, outre un trophée, le lauréat repart avec un ordinateur portable ou une tablette.

Environ 160 étudiants de 16 écoles ont participé au concours ce mois-ci, explique Makenson Phanor, coordinateur général de cet organisme.

Anne Myriam Bolivar, GPJ Haïti

Des élèves du lycée Louis Joseph Janvier dans le Carrefour étudient dans l’une des salles de classe de l’école en préparation au génie interscolaire municipal.

Anne Myriam Bolivar, GPJ Haïti

Makenson Phanor, coordinateur général du Portail du savoir, une association locale qui organise le génie interscolaire municipal, pose des questions de connaissances générales aux équipes d’élèves lors du concours de cette année.

Anne Myriam Bolivar, GPJ Haïti

Whenchel Chery Jeanty (à gauche), élève du secondaire âgé de 17 ans, répond à une question lors du concours de génie interscolaire municipal dans la commune de Carrefour.

Anne Myriam Bolivar, GPJ Haïti

Lamy Jean Baptiste, représentant le lycée Henry Christophe, répond à la dernière question du concours.

Anne Myriam Bolivar, GPJ Haïti

Des élèves du lycée Henry Christophe discutent d’une réponse à une question posée lors du concours de génie interscolaire municipal.

Comme l’affirme Wendryghés Jean, vice-coordinateur de l’organisation, les élèves se sentent aujourd’hui incités à approfondir leurs connaissances et à développer leurs capacités d’analyse critique en dehors de la classe.

« Cette activité encourage les élèves à faire des recherches », fait-il savoir. « Nous avons remarqué que le niveau des élèves ayant participé au génie interscolaire municipal a augmenté de façon systématique, et les responsables ont déclaré que quand leurs écoles participent, c’est toute l’école qui se met en branle en question de recherche ».

Whenchel Chery Jeanty, 17 ans, lauréat du concours de l’année dernière, affirme que son succès est l’aboutissement de sa préparation de plusieurs semaines avec ses camarades de classe de son école qu’est le Lycée Louis Joseph Janvier.

« Le génie interscolaire municipal, c’est comme être à une deuxième école », glisse-t-il. « On apprend plus et tout le temps on se concentre pour être compétitif et s’entraider l’un l’autre dans l’équipe pour pouvoir faire l’honneur de notre école ».

Selon Jean Jean Roosevelt, chanteur haïtien et lauréat des Jeux de la Francophonie en 2013, un concours artistique regroupant les citoyens des pays francophones, ce concours offre également aux jeunes talentueux un éventail d’opportunités éducationnelles et professionnelles susceptibles de leur permettre de devenir des acteurs clés du développement national.

Pourtant, n’étant pas scolarisés, pas moins de 400 000 enfants haïtiens sont privés de telles opportunités, explique Pierre Josué Agénor Cadet, ministre de l’Education nationale. Selon Jude Edouard Pierre, maire de la commune de Carrefour, à seulement 17 kilomètres de la capitale, les responsables sont en train d’examiner les voies et moyens de collaborer avec le Portail du savoir pour rendre l’expérience d’apprentissage plus accessible aux élèves à travers le pays.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.