Democratic Republic of Congo

Milieu rural en RDC: quand le rêve d’une route asphaltée pourrait être la fin du calvaire pour des voyageurs et la source de prospérité une fois devenue réalité

Walikale, ville minière reculée, regorge de ressources naturelles. Et pourtant, on y entre et on en sort par une seule route devenue un bourbier qui, en saison des pluies, ressemble plus à un fleuve de boue qu’à une route.

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In Rural DRC, Paved Road Could End Travel Frustrations and Bring Prosperity

Judith Faida Luuko, GPJ RDC

Pendant la saison des pluies, la route, qui pourrait avoir le potentiel d’être une artère régionale d’envergure une fois entretenue, devient un lit de rivière, avec l’eau de pluie qui coule rapidement chaque fois que les gens tentent de conduire.

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WALIKALE, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Emprunter la route partant de l’ouest de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, n’est autre chose qu’un esprit d’aventure.

La région de Masisi, ville à environ 80 kilomètres de Goma, est pleine de montagnes dont la descente est une chance pour des voyageurs qui y découvrent des prairies de savane, un vrai régal pour les yeux qui s’offre avant de tomber sur une forêt vierge.

Walikale, territoire le plus étendu du Nord-Kivu et le plus riche de la province en ressources minérales est le lieu de destination pour la plupart d’entre eux. Aussi le territoire compte-t-il près d’un million d’habitants qui, non seulement pratiquent l’agriculture et l’élevage, mais produisent également des biens.

Toutefois, en dépit d’incroyables ressources naturelles et atouts agricoles de la région, Walikale reste extrêmement difficile d’accès. Et le tronçon le reliant à Goma est d’environ 230 kilomètres.

À en croire les outils cartographiques en ligne, la durée du trajet est d’un peu moins de sept heures. Mais, en réalité, le voyage peut durer des jours (en cas de motos) ou des semaines (pour des voitures ordinaires). Et des chauffeurs de poids lourds affirment passer des mois sur le tronçon.

La route, bien qu’une artère privilégiée pour le commerce, n’est pas asphaltée et se transforme souvent en une immense étendue de boue. Et face à l’eau qui coule en saison des pluies, les voies de circulation ne font que s’éclipser.

Le piteux état de la route suscite des mises en garde vivement effroyables de la part de grands voyageurs.

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Judith Faida Luuko, GPJ RDC

La route qui relie Walikale, région rurale riche en ressources minérales en RDC, à Goma, chef-lieu de la province, reste en terre et se transforme en une fosse de boue pour la majeure partie de l’année.

« La route de Walikale est un véritable calvaire. Pour voyager, on doit mettre son cœur à l’abri de toute impatience. Sinon, on perd cette bataille de voyage », lance Alain Salumu, 27 ans, chauffeur de taxi moto.

Mais pour les nombreux voyageurs désespérés – et ceux qui voyageraient s’ils avaient des moyens de tenir tête à ce supplice –  il existe d’ores et déjà une lueur d’espoir: la promesse d’asphaltage de la route.

Le gouvernement congolais et les communautés vivant le long de la route ont adressé une pétition à la MONUSCO, mission des Nations Unies pour la stabilisation dans ce pays ravagé par la guerre, pour réfectionner cet axe autoroutier pour qu’il réponde aux normes modernes.

La mission onusienne s’est montrée favorable à cette demande tout en rappelant qu’une route asphaltée aiderait également beaucoup à réaliser son agenda.

« Cette réhabilitation va permettre non seulement à nos forces mais aussi aux forces armées de la RD Congo de se déplacer plus facilement dans la région », explique Sy Koumbo Ghali, porte-parole de la MONUSCO.

Si les choses avancent au mieux, les travaux pourront débuter en 2018, ajoute M. Ghali, précisant que les sociétés minières présentes dans la région contribueront à financer le projet. À ce stade, les détails budgétaires restent confidentiels, révèle-t-elle.

Valentin Hangi, conseiller financier du gouvernement provincial, décrit une situation un peu plus complexe. Il est des partenaires locaux qui commenceront les travaux alors que le financement étranger est finalisé, dit-il.

« Nous collaborons directement avec nos partenaires pour voir comment trouver une solution rapide avant que celle durable n’arrive », confie-t-il.

Alphamin, une société minière canadienne qui exploite une importante usine d’étain à Bisie, région isolée près de Walikale, a été désignée comme partenaire financier potentiel. Cette société a déjà construit des routes plus petites à ses propres fins, lesquelles routes sont également utiles pour les communautés locales. (Cliquez ici pour en savoir davantage sur les travaux miniers d’Alphamin.)

Si le projet d’asphaltage va de l’avant, il pourrait produire un effet énorme.

Le tronçon le reliant Walikale à Goma est d’environ 230 kilomètres. Mais le voyage peut durer des semaines.

« Il ne faut pas être un si grand génie pour comprendre que là où se limite la route, c’est là ou se limite aussi le développement », explique David Muhimya Bonda, président de de la jeunesse dans la région de Walikale.

De l’avis des populations locales, les durées de voyage en voiture sur une route asphaltée entre Walikale et Goma sera au maximum de 10 heures.  Selon leurs propres dires, les durées de voyage aussi courtes présenteraient des avantages pour toute la région, tout en stimulant l’économie et en rendant la vie plus facile à tous les niveaux.

« Aujourd’hui, la vie à Walikale n’est pas une sinécure car le coût de la vie a monté en flèche dans presque tout le territoire », déclare Prince Kihangi Kyamwami, secrétaire général du Bureau d’études, d’observation et de coordination pour le développement de Walikale ( BEDEWA), une organisation locale œuvrant en faveur de l’amélioration du secteur de commerce et des infrastructures de Walikale.

La cherté des biens essentiels font qu’ils demeurent hors de prix pour la majorité des plus démunis de la région.

Un sachet de sel qui pourrait coûter 500 francs congolais à Goma se vend jusqu’à environ 2500 francs à Walikale, dit-il. Une bouteille de bière coûte environ 5000 francs congolais, soit trois fois plus cher qu’à Goma. Et qu’en est-il d’un sac de ciment? Pas moins de 45 dollars contre 13 dollars à Goma.

Quoique chanceux de vivre dans une région au sol riche, des agriculteurs et des commerçants peinent à transporter leurs récoltes sur les marchés.

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Judith Faida Luuko, GPJ RDC

En raison du piteux état de la route, le voyage entre Walikale et Goma peut prendre des semaines ou plus alors que la distance n’est que de 230 kilomètres.

« Auparavant, je vendais des choux, des haricots et des pommes de terre. À présent, je ne fais que vendre des vêtements d’occasion », lance Wivine Machozi, commerçante âgée de 37 ans. « La pourriture demeurait le seul sort de mes marchandises à cause de longues durées de voyage sur des routes en piteux état ».

À Walikale, croyez-le ou non, de nombreux habitants sont si pauvres dans une région si riche en ressources naturelles. Et pourtant, la région est un logis de cassitérite, de diamants, d’or, de bauxite et de moult autres minéraux et éléments convoités en abondance.

Pourtant, aujourd’hui seules les sociétés minières au portefeuille bien garni peuvent se permettre des coûts d’acheminement de ces ressources vers des marchés lointains. On s’attend généralement à ce que la mine d’étain d’Alphamin soit rentable avec le démarrage de sa production en 2019.

Toutefois, les populations locales ne peuvent trouver des moyens financiers requis pour transporter de telles ressources hors de la zone vers des acheteurs quoiqu’elles soient en mesure de créer sociétés minières locales financièrement capables.

« Malheureusement, l’espoir de mettre les richesses du territoire au service du bien-être étant encore bien loin, les populations demeurent embourbées dans une bulle de misère », explique Vicard Batundi, 40 ans, natif de Walikale et militant de la société civile locale.

De nombreux Congolais ne flanchent jamais face à cette épreuve, et c’est comme ça depuis des générations.

Selon Machozi, ses enfants ne peuvent trouver quelque chose à mettre sous la dent à moins qu’elle ne prenne la route pour aller vendre ses vêtements d’occasion. Alors, habillée en athlète, la commerçante monte sur un taxi moto pour prendre la route.

« C’est ça le Congo, que faut-il faire d’autre »? demande-t-elle.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.