Democratic Republic of Congo

La mousson, épreuve à venir pour une route principale dans une zone reculée de la RDC dont la réhabilitation est l’œuvre d’une entreprise congolaise

La réhabilitation de la route principale Butembo-Beni par plusieurs entreprises étrangères dans l’Ituri, une province reculée de la RDC, était devenue impossible au lendemain des inondations liées à la mousson annuelle qui ont rendu cette route impraticable. Cette année, pourtant, une entreprise de construction détenue et exploitée par des Congolais a réussi cette œuvre. Mais cette dernière résistera-t-elle à l’épreuve de la prochaine saison des moussons?

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Congolese Firm Fixes Key Road in Remote DRC Area – but a Monsoon Test Awaits

Pascaline Kavugho Mwasi Saambili, GJ RDC

Pendant la saison des pluies, la route Butembo-Beni s’éclipse, des voitures et des camions restant bloqués pendant plusieurs jours. Cette route a été réhabilitée par une entreprise de construction congolaise, mais quitte à résister à l’épreuve de la saison des moussons.

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KISALALA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Sur la route, le trafic est intense et des voitures se disputent la chaussée. Motos, bicyclettes, piétons et commerçants sont aussi nombreux sur cette route principale Butembo – Beni qui relie l’Ituri, province reculée de la RDC, au reste du pays et des pays voisins.

La région se retrouvait privée de son axe routier d’envergure en 2017 lorsque la saison des moussons d’octobre à décembre avait déchaîné sa furie. Frappant la région, ces moussons ont fait tomber des arbres, la route restant coupée par des chutes de ces derniers. La rivière Kimemi, elle aussi, débordant, elle a ensuite inondé certains tronçons clés de cet axe routier. Et la route devenant impraticable, les habitants des dizaines de villes et de villages devaient faire un détour de 150 kilomètres entre Butembo et Beni, un trajet de 58 kilomètres sur la route principale.

Aux dires de Kakule Kakororo, chef de Kisalala, une ville dont l’économie est tributaire de cette route, des inondations similaires ont rendu impossible le trafic sur cette route pendant six mois d’affilée.

Par le passé, l’Office des Routes a fait appel à plusieurs entreprises étrangères qui ont fini par briller par des retards dans la réhabilitation de la route Butembo-Beni, déclare Kakororo. Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a ensuite confié ces travaux à des sociétés étrangères. Ces retards ont souvent persisté, et la réhabilitation n’a pas empêché les dégâts causés par les tempêtes de la saison qui a suivi.

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Pascaline Kavugho Mwasi Saambili, GJ RDC

Pour réhabiliter la route, Jerryson Construction, une entreprise détenue et exploitée par des Congolais, a détourné les eaux de ruissellement pour empêcher le débordement de la rivière Karnali. Les habitants attendent de s’assurer de l’efficacité de leur solution lors de la prochaine saison des pluies.

SOPECO, une entreprise chinoise, a vu son contrat résilié en 2017 pour cause de non-réhabilitation de la route, révèle Kakororo.

Ensuite, le gouvernement a fait appel à Jerryson Construction, une entreprise de construction détenue et exploitée par des Congolais.

Jouissant d’une expérience de travail auprès des entreprises de construction étrangères, la plupart des employés de Jerryson ont décidé de créer leur propre entreprise afin de faire usage des savoirs locaux pour reconstruire leur pays, explique Gérome Kasereka Bakwanamaha, propriétaire de Jerryson Construction.

Au début de 2018, Jerryson Construction a pris le relais pour la réalisation des travaux de réhabilitation de la route Butembo-Beni qui étaient devenus un véritable casse-tête pour ses multiples prédécesseurs, souligne Kausa Muhindo, ingénieur civil qui travaille pour Jerryson. Et quelques mois lui ont suffi pour rendre la route encore praticable.

Selon Muhindo, la clé du succès pour assurer la durabilité de la réhabilitation consistera à détourner les eaux coulant des rivières et des collines de la région.

« Les eaux de pluie qui dévalent des collines et les pluies qui font déborder la rivière Kimemi et ses affluents sont les principales causes de dégâts sur la route », explique-t-il.

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Pascaline Kavugho Mwasi Saambili, GJ RDC

Pendant la saison des pluies, des voitures sont souvent bloquées et les activités dans la région sont interrompues.

Les membres de cette équipe étaient déterminés à servir leur patrie, dit-il, et leur compréhension du paysage de la région a été l’un des ingrédients de leur réussite.

Kakule Bwanamuziri, habitant de Kisalala, affirme que l’état délabré de la route après chaque saison des pluies avait été à l’origine de graves difficultés à conduire.

« Aujourd’hui, la route est très propre et en bon état », témoigne-t-il. « Or, par le passé, des voitures étaient souvent bloquées sur la route ».

Il s’imposait donc, d’après Kakororo, de disposer d’une équipe d’ingénieurs conscients de l’importance de la route qui relie les habitants non seulement aux provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, mais aussi à l’Ouganda, au Rwanda et au Burundi.

« Motivés par l’amour de leur nation, ils ont choisi de reconstruire leur patrie », dit-il à propos des ingénieurs et des ouvriers de Jerryson. « Ils ont non seulement les moyens mais aussi la volonté de reconstruire notre pays ».

Outre les voyageurs, cette route demeure aussi une bouée de sauvetage pour des commerçants pour qui son impraticabilité rend leur commerce infaisable. En cas de blocage de cette route, la faim fait des gens sa proie, affirme Malekani Kasereka, épicier qui vend des légumes au bord de la route.

« Aujourd’hui, des progrès importants ont été réalisés dans la réhabilitation de la route, ce qui a entraîné la baisse des prix des denrées alimentaires et permis aux membres de ma communauté d’avoir de quoi manger », déclare-t-il.

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Pascaline Kavugho Mwasi Saambili, GJ RDC

La route Butembo-Beni est praticable aujourd’hui grâce aux travaux de réhabilitation réalisés par une entreprise congolaise.

Après la réhabilitation rapide de ce tronçon difficile, Jerryson Construction s’est vu confier par le gouvernement de réhabiliter d’autres routes dans la province de l’Ituri, notamment la route de Bunia, la route d’Isiro et celle de Mangurujipa qui, généralement, restent impraticables après la saison des moussons. Le démarrage des travaux est prévu après la saison de la mousson de cette année, confirme Bakwanamaha.

« En tant que peuple congolais, nous sommes prêts et aptes à reconstruire notre pays », assure-t-il. « La sécurité, c’est tout ce dont nous avons besoin ».

Le succès de leurs travaux sur la route Butembo-Beni sera prouvé lors de la prochaine saison des moussons qui commence généralement en octobre.

Adapté à partir de sa version originale en swahili par Ndahayo Sylvestre, GPJ.