Haiti

La production et la préservation des semences, éventuel remède pour éliminer la tristement célèbre déforestation à Haïti

La déforestation à Haïti a eu un impact profond non seulement sur le paysage du pays, mais également sur la vie quotidienne des Haïtiens. Et aujourd’hui, des agronomes produisent des semences pour un avenir plus forestier et fructueux.

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Seed Cultivation and Preservation May Help Undo Haiti’s Infamous Deforestation

Marie Michelle Felicien, GPJ Haïti

Des agronomes ont fait pousser des plantules à l’intérieur de huit ombrières dans ce centre de germoplasme de la région du grand sud d’Haïti pour aider au retour des produits agricoles les plus prisés tels que le grenadier et l’arbre à pain.

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CAMP-PERRIN, HAÏTI — À l’heure où la majeure partie du sud des États-Unis se remet des ravages causés par l’ouragan Michael du mois dernier des agriculteurs et scientifiques partout à Haïti s’affairent toujours à redonner vie à la flore et aux forêts détruites par un autre ouragan – l’ouragan Matthew – en 2016.

Têtes baissées et les yeux rivés sur des granulés répandus sur le sol, un groupe d’agronomes de Camp-Perrin dans la région du grand sud du pays sont plus que jamais déterminés à concrétiser leur projet de centre de germoplasme. L’espoir qui est le leur, c’est que ce projet aidera à la restauration des forêts locales.

Aux dires de Bernadin Jean Bosco, agronome et chef du centre de germoplasme, ce projet est le plus grand cadeau que le gouvernement a offert à la région du grand sud. Le germoplasme s’entend des semences conservées en vue de favoriser la reproduction et la préservation des plantes. Ce genre de centres abritent des millions de semences qui, selon Jean Bosco, contribueront à la reforestation de son pays.

Le centre s’étend sur 14 hectares et comprend huit ombrières d’une superficie supérieure à 250 mètres carrés chacune. À l’intérieur, on y trouve plus de 4,5 millions de plantules. Du grenadier aux oranges et à l’arbre à pain, le centre s’efforce de redonner vie à l’agriculture dans la région. Plus important encore, affirme Jean Bosco, ils travaillent à faire repousser des dizaines d’espèces d’arbres dont l’acacia, le moringa, la noix de coco, le café et les citronniers.

« La reforestation de Haïti est essentielle pour l’avenir du pays », déclare-t-il.

Le récit de la déforestation à Haïti dépeint un problème complexe, mais son débat est souvent simplifié outre mesure dans l’actualité internationale, affirme Andrew Tarter dans son essai intitulé Haiti is Covered with Trees publié en 2016.

Une photo aérienne de la frontière entre Haïti et la République dominicaine apparaît souvent dans des médias sociaux. Ornant une double page centrale du magazine National Geographic publiée en 1987, cette photo offre un fort contraste entre la forêt luxuriante de la République dominicaine et le paysage aride d’Haïti. Et ni le récit ni les données n’ont guère changé depuis, explique Tarter.

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NASA/Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio

Une image aérienne de la frontière entre Haïti et la République dominicaine contraste de façon frappante entre la forêt luxuriante de la République dominicaine et le paysage aride d’Haïti.

Également citées par Jean Bosco, des statistiques que l’on ne cesse de répéter révèlent que la couverture forestière d’Haïti n’est que de 2 pourcent.

Quoique le manque d’arbres dans le pays soit souvent imputable à la production de charbon de bois, Jean Bosco et d’autres affirment que l’incapacité de leur pays à se reconstruire après des assauts répétés de tempêtes et de catastrophes naturelles est la principale cause des pertes agricoles. Face aux progrès politiques superficiels et au manque d’investissements, on doit attendre une décennie pour se remettre de toute tempête.

Les pertes agricoles totales causées par l’ouragan Matthew ont été estimées à plus de 600 millions de dollars en 2016.

Joseph Ronald Toussaint, directeur de cabinet du ministre de l’Environnement, a déclaré que la reforestation reste une priorité. Il a précisé que 13 centres de ressources génétiques, dont celui de Camp-Perrin, étaient en construction dans tout le pays, grâce à un investissement de 2,5 millions de dollars de Taiwan.

« Le gouvernement haïtien ne cessera jamais de remercier le gouvernement taïwanais d’être le seul partenaire à croire fermement en ce projet dès le début, ce qui en a fait une réussite », déclare Toussaint. Et grâce à eux, d’autres bailleurs ont emboité le pas et ont fini par céder en nous aidant à créer d’autres centres de germoplasme », renchérit-il.

L’on ignore cependant le montant total de l’aide reçue par Haïti spécifiquement dans le cadre de ses efforts de reforestation.

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Marie Michelle Felicien, GPJ Haïti

Ce centre de germoplasme compte, au total, plus de 4,5 millions de plantules.

Guillaume Cheng-hao Hu, ambassadeur de Taiwan à Haïti, déclare que l’environnement et l’éducation sont les deux aspects les plus importants de tout pays.

« La protection de l’environnement est universelle », dit-il. « L’environnement figurant en tête des priorités de Taiwan, nous voulons également faire d’Haïti une priorité dans nos efforts de reboisement », déclare Hu. « Souvent, je reçois des ambassadeurs d’autres pays et les encourage à investir dans les autres centres de germoplasme afin d’aider Haïti à sortir de sa crise environnementale ».

Aux dires des habitants, ces centres suscitent l’admiration.

Selon Liliane St Preux, 36 ans, qui habite près du centre de Camp-Perrin, elle a hâte de voir l’arbre véritable faire son retour.

« Le fruit de l’arbre véritable était autrefois très présent dans notre vie quotidienne », révèle-t-elle, ajoutant que les gens non seulement en boivent le jus, mais aussi s’en servent pour faire une grillade. « Nous sommes très reconnaissants du fait que les gens pourront de nouveau en faire un régal d’ici quelques années ».

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre.