Rwanda

Avec des initiatives écologiques à l’origine de la montée des coûts de l’énergie, certains Rwandais restent des laissés-pour-compte

Partout dans le monde, des pays intègrent la promotion des initiatives écologiques dans leur agenda pour réduire leurs émissions de carbone et remodeler leur consommation de combustibles – et le Rwanda ne fait pas exception. Pourtant, des efforts de reboisement dans le pays entraînent la hausse du prix des sources d’énergie traditionnelles à base de bois, et certains Rwandais sont en panne d’idées lorsqu’il faut trouver le combustible pour leur prochain repas.

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Eco-Friendly Initiatives Lead to Rise in Energy Costs

Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Djamira Murekatete se sert du bois de chauffe pour cuisiner chez elle dans le secteur de Rugerero dans le district de Rubavu au Rwanda. Murekatete compte sur le bois de chauffe parce que, selon elle, les bouteilles de gaz sont trop chères.

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RUGERERO, RWANDA – Avant de préparer le repas du soir chez elle à Rugerero, l’un des secteurs du district de Rubavu, au nord-ouest du pays, Emérite Nyirandinkabandi envoie le troisième de ses sept enfants chercher du bois de chauffe. Âgé de 17 ans, l’enfant revient avec une poignée de petites branches, juste assez pour cuire les patates douces que Nyirandinkabandi a lavées et mises dans une grande casserole en acier noires de suie.

« Pour nous, manger devient impossible si mes enfants ne passent pas des heures dans des champs ramassant de petites branches tombées des arbres ou grimper aux arbres à la recherche de branches séchées », explique la mère de 48 ans en train de préparer son seul repas de la journée.

Pour des jours où faire la cuisine est impossible, confie Nyirandinkabandi, je débourse 100 francs rwandais pour acheter une louche de haricots, et j’en réserve une portion pour le lendemain.

Étant des sources d’énergie importantes au Rwanda, le bois de chauffe et le charbon de bois sont devenus des biens rares dans certaines communautés et hors de prix dans d’autres. Le gouvernement a choisi de promouvoir l’utilisation des sources d’énergie non polluantes et on assiste à la hausse des prix des combustibles à base de bois. Pour ceux qui ne sont plus capables de résister à la cherté des combustibles à base de bois, il existe des solutions de rechange y compris des bouteilles de gaz de pétrole liquéfié et des braseros à biomasse fabriqués par l’Inyenyeri, affirment les autorités.

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Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Des habitants achètent et vendent des sacs de charbon de bois sur un marché situé le long de la frontière entre le Rwanda et la RDC. Un sac de charbon de bois se vend à 13 000 francs.

La biomasse, terme qui désigne la matière organique utilisable comme source d’énergie, domine le secteur de l’énergie au Rwanda avec 86 pourcent du total de l’énergie consommée, selon un rapport de 2014 publié dans l’International Journal of Renewable Energy Development. Des résidus agricoles et la tourbe sont également les types de biomasse les plus consommés après le combustible à base de bois. La production et la vente de biomasse sont une source de revenus pour beaucoup. Pourtant, de l’avis des autorités et des experts locaux, cela n’est pas sans conséquences sur l’environnement.

Les forêts du Rwanda sont en train de disparaître. Entre 1960 et 2007, on a constaté la disparition d’environ 64 pourcent du couvert forestier du pays, peut-on lire dans le rapport rendu public en 2015 sur l’état et les perspectives de l’environnement au Rwanda. Et avec la forte demande de nourriture, de plantes médicinales, de bois de chauffe, de charbon de bois et de bois souvent utilisés pour la fabrication des produits commerciaux, la déforestation ne fait que s’accélérer.

Toutefois, le gouvernement se fixe pour objectif d’étendre le couvert forestier national actuel à 30 pourcent d’ici 2020. Au titre de ses efforts, une politique énergétique favorable à la réduction des émissions de carbone a été introduite en 2010 et des activités de reboisement sont en cours dans certaines communautés rurales. Aussi l’abattage des arbres sans autorisation emporte-t-elle une peine d’emprisonnement de deux ans au plus, d’une amende de 2 millions de francs au maximum ou les deux.

Ladite politique a pour volet essentiel le passage à des méthodes de cuisson ne reposant pas sur la consommation excessive de bois de chauffe et de charbon de bois. Et malgré la cherté des combustibles à base de bois, certains préfèrent ne pas leur tourner le dos. Sur les marchés, un sac de charbon coûte souvent 13 000 francs, soit une augmentation de 4 000 francs depuis 2015.

Le prix du charbon de bois grimpe suite à l’intensification des efforts du gouvernement visant à mettre fin à l’abattage illégal des arbres, explique Samuel Nshimiyimana, vendeur de charbon de bois. Pour ceux qui autrefois coupaient des arbres sans autorisation, ils ont aujourd’hui du mal à renouer avec cette pratique sans se faire attraper par des autorités locales, ajoute-t-il.

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Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Des bouteilles à gaz, vendues dans plusieurs parties du secteur de Gisenyi, sont une source d’énergie pour certains.

Selon Nyirandinkabandi qui fait de petits boulots pour subvenir aux besoins de sa famille, elle ne peut pas se payer un sac de charbon de bois ou une bouteille de gaz de 13 kilos qui se vend à 15 000 francs. Elle ne peut faire autrement que de ramasser du bois de chauffe partout où elle et ses enfants peuvent trouver cette manne. Mais l’accès au bois de chauffe sur des propriétés privées n’est pas permis, déclare-t-elle.

« Il arrive que nos enfants rentrent bredouilles lorsque les propriétaires des champs s’en prennent à eux et les chassent », confie-t-elle. « Eux aussi, ils ont besoin du bois de chauffe chez eux ».

D’autres comptent sur des bouteilles de gaz mais, selon leurs dires, le gaz est cher aussi. Margueritte Mukasine, qui achète des bouteilles deux fois par mois, dit que le gaz contenu dans ces bouteilles est tellement insuffisant qu’il ne l’aide pas à préparer trois repas par jour pendant un mois.

« Pour éviter de me retrouver sans combustible de cuisson avant la fin d’un mois, je dois avoir cette bouteille de gaz de 13 kilos et un demi sac de charbon de bois », déclare-t-elle. « Pour des produits alimentaires prenant plus de temps pour cuisiner, comme les haricots et l’isombe [un ragoût local de feuilles de manioc à la pâte d’arachide], j’utilise un brasero à charbon de bois. Je recours au gaz pour une cuisson rapide ».

Selon certains, l’usage des braseros fonctionnant avec une petite quantité de biomasse se révèle moins coûteux. En partenariat avec le gouvernement, l’Inyenyeri, une société d’énergie renouvelable fondée par des Américains mais gérée par des Rwandais, met ces braseros à la disposition des régions rurales du pays. Ces braseros, proposés à des clients sous forme de leasing, servent à cuire avec des pastilles de biomasse fabriquées à partir de sciure de bois ou de petites branches et feuilles séchées. Selon Tom Price, directeur des initiatives stratégiques au sein de cette société, les propriétaires de braseros peuvent ramasser des branches séchées sans avoir à couper des arbres parce que ces branches peuvent être trouvées dans leurs communautés. Ensuite, ils peuvent les emmener chez leur détaillant local de l’Inyenyeri (CQ), où elles sont transformées en pastilles de combustible, dit-il. À Rubavu, on y trouve deux détaillants, et ces derniers proposent aux utilisateurs un kilo de pastilles à 200 francs ou leur offrent des pastilles en échange de branches et de feuilles qu’ils ramassent, ajoute-t-il.

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Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Ndagijimana Kadogo prépare un repas avec un brasero Inyenyeri à l’extérieur de sa maison à Gisenyi, l’un des secteurs du district de Rubavu.

Jacqueline Muhorakeye, 44 ans, mère de cinq enfants se sert du charbon de bois depuis des années, mais elle a récemment loué un brasero Inyenyeri. Muhorakeye utilise ce brasero depuis un peu plus d’un an et affirme que ce dernier est économiquement avantageux, propre et facile à utiliser.

« Un kilo qui se vend à 200 francs brûle pendant une demi-heure, alors que le charbon de bois du même prix ne peut servir qu’à faire bouillir de l’eau et rien d’autre », dit-elle. « De plus, il est sans fumée et il ne reste plus de cendres après la cuisson ».

Selon Price, plus de 2 000 Rwandais ont acquis des braseros sous forme de leasing depuis décembre. Le secteur de Gisenyi dans le district de Rubavu compte à lui seul la moitié de ces utilisateurs, ajoute-t-il.

Aux dires de certains, ces braseros sont une façon d’aider des districts à augmenter la consommation des sources d’énergie non polluantes parmi les habitants, ce qui est un engagement énoncé dans la politique énergétique favorable à la réduction des émissions de carbone.

Gilbert Habyarimana, maire du district de Rubavu, déclare que le gouvernement local s’emploie à rendre l’énergie non polluante accessible aux habitants des zones reculées ainsi qu’à ceux qui ne possèdent pas de terres où ils peuvent ramasser du bois. Il est tout aussi important d’éduquer les habitants sur les avantages de l’utilisation de gaz et de petites quantités de biomasse pour cuisiner.

« On va continuer à sensibiliser les gens à la protection de l’environnement et à collaborer avec des investisseurs pour faire baisser les prix du gaz et introduire des bouteilles de gaz bon marché », assure-t-il.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.