Democratic Republic of Congo

RDC : quand une pénurie d’eau dans une communauté se mue en malheur des uns et fait le bonheur des autres

Madula, communauté en croissance rapide non loin de Kisangani, en RDC, connaît une grave pénurie d’eau. Pourtant, celle-ci s’est muée en manne pour ces habitants qui en font une opportunité d’emploi.

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Water Scarcity Creates Hardship for DRC Community, But Some Find Opportunity Instead

Zita Amwanga, GPJ RDC

Madula, une communauté non loin de Kisangani en RDC comptant environ 40 000 habitants, s’en remet à une seule source aménagée situé au bout d’un chemin escarpé en terre battue que l’on retrouve sur la photo ici. Pendant la saison des pluies, ce chemin devient glissant et boueux, mais à en croire les habitants pour qui il est le seul salut, c’est le seul endroit où coule l’eau potable.

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KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Avec le poids d’un jerrycan de 25 litres sur son dos, Cathy Ekili, 51 ans, dévale un chemin escarpé et glissant qui mène à une source.

« Je suis obligée de prendre cette colline tous les jours pour puiser de l’eau à cette source », confie-t-elle. « Vraiment, c’est la pire souffrance que nous subissions ».

D’autres en souffrent aussi. À Madula, chef-lieu du secteur de Bakumu Mandobe, à environ 23 km de Kisangani, les quelque 40 000 habitants sont toujours en quête de sources d’eau. Chaque jour, nombreux d’entre eux passent plusieurs heures à faire l’aller-retour entre leurs domiciles et une source d’eau, transportant l’eau à leurs domiciles ou lieux d’activité.

Aujourd’hui, au plus fort de la saison des pluies, les chemins qui mènent à la source sont boueux et glissants, rendant leur tâche encore plus pénible.

« Quel chemin » ! S’alarme Ekili.

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Zita Amwanga, GPJ RDC

Des femmes transportent des jerrycans entre leurs domiciles et la source. Aux dires des responsables de la communauté, l’aménagement d’une autre source d’eau potable coûterait 9 000 dollars.

Kisangani, une ville de la région centrale de la RDC, et ses environs connaissent une croissance rapide. La population de la ville a doublé entre 2000 et 2018, passant d’environ 590 000 à 1,1 million d’habitants. Selon les projections, la population de la ville atteindra 1,9 million de personnes d’ici 2030.

À Madula, la croissance y est au rendez-vous aussi. Pourtant, la seule source d’eau disponible pour sa population croissante est celle à laquelle Ekili se rend, et qui a été aménagée en 2015 par un programme baptisé Village Assaini. (Auparavant, ces habitants dépendaient d’eau de puits non traitée pour leur approvisionnement.) La source n’est, comble d’ironie, qu’à quelques kilomètres de la Régie de distribution d’eau (Regideso).

Selon Richard Florentine Azelito Payo-Saka, inspecteur provincial du développement rural, une seule source dessert généralement environ 500 ménages. Le coût d’aménagement d’une source peut s’élever à 9 000 dollars, révèle-t-il.

Le gouvernement national doit soit aménager davantage de sources naturelles, soit forer des puits, explique Pierre Bondo Bin-Amundala, chef du secteur de Madula. Les députés doivent en faire une priorité, conseille-t-il.

La seule autre option possible pour Ekili, c’est de payer quelqu’un d’autre pour aller puiser l’eau pour sa maison et ainsi de débourser 2 000 francs.

« Pas une mince affaire, car je suis veuve et sans moyens », lâche-t-elle.

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Zita Amwanga, GPJ RDC

Certains habitants ont fait du transport d’eau un business, mais nombre de leurs semblables n’ont aucun centime pour payer leurs services. Par contre, cette source s’érige en point de rencontre important pour la communauté de Madula.

Tenant un restaurant de fortune à Madula, Love Ngomba affirme débourser entre 3 000 et 4 000 francs par jour pour payer ceux qui puisent de l’eau pour elle, car il lui est nécessaire de faire tourner son business.

« Ça ne me fait pas trop de peine pour trouver de l’eau », fait-elle savoir.

Ce triste sort des uns fait le bonheur des autres, ouvrant de nouvelles opportunités d’emploi.

Jean Bangala puise de l’eau pour ses voisins comme Ngomba pour se faire du fric. « Moi, je me réjouis de cette situation, car cela m’aide à avoir de l’argent pour assurer la survie de ma famille », lâche-t-il. « Il n’y a rien pour rien, car grâce à cette carence, je me retrouve aussi ».

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.