Democratic Republic of Congo

Aucun camion de sapeurs-pompiers pour les 1,4 million d’habitants de Kisangani

Avec un réseau électrique de piètre qualité, les domiciles et les commerces courent de gros risques d’incendie, mais les populations doivent utiliser des méthodes rudimentaires et inefficaces pour combattre les flammes.

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In Kisangani, 1.4 Million Residents and No Firetruck

Zita Amwanga, GPJ RDC

Dans les locaux de l’hôtel de ville de Kisangani, un camion de sapeurs-pompiers est garé. C’est en 2019 que les autorités provinciales ont acheté ce véhicule, mais il est arrivé avec des pièces manquantes, et demeure à ce jour hors d’usage.

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KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Par une nuit d’octobre, Jérôme Nsala, un agent de sécurité fait retentir une alarme qui rompt le silence ; un incendie venait d’attaquer le magasin de vêtements dans lequel il travaille à Kisangani, et un épais nuage de fumée s’élevait dans les airs.

Il était 23 h 30. Les quelques rares personnes de passage ont fait une halte pour prêter secours ; un voisin s’est engagé à faire des va-et-vient avec des seaux remplis d’eau et de sable. Des efforts toutefois minables. À l’arrivée d’Isaac Musafiri, le propriétaire, la boutique n’était plus qu’un amas de cendres. « Il n’y avait plus rien que je puisse épargner », a-t-il déclaré.

Un camion de pompiers aurait pu sauver son commerce des flammes, mais aucun ne s’est signalé, car à Kisangani, métropole abritant 1,37 million d’âmes, il n’y en a pas un seul depuis plus d’une décennie.

Au cours d’un mouvement de protestation contre l’insécurité en 2012, lorsque le groupe armé M23 s’est emparé de la ville de Goma, une foule en furie a mis le feu au dernier camion d’incendie dont disposait la cité. Les autorités provinciales en ont acheté un nouveau en 2019, mais il est arrivé avec des pièces manquantes, demeurant dès lors inopérationnel. Il se trouve garé à l’hôtel de ville de Kisangani.

Eugénie Wandadi,( bourgmestre) maire adjointe, fustige les précédentes administrations auxquelles elle reproche ce malencontreux achat, ajoutant que les autorités provinciales et nationales devraient intervenir.

Matheus Kanga, assistant du gouverneur de la province de la Tshopo, dont Kisangani est la capitale, affirme que des mesures ont été prises pour qu’avant la fin de cette année, Kisangani dispose de camions de sapeurs-pompiers.

Dans l’intervalle, les populations doivent se contenter de méthodes rudimentaires et inefficaces pour combattre les flammes.

En 2022, la cité a enregistré 20 incendies dévastateurs, rapporte Blaise Mitangala, responsable du département de l’Habitat.

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Zita Amwanga, GPJ RDC

Dans la commune de Kabondo, la façade reconstruite de la maison de Kavira Mugeni, après qu’un incendie l’a ravagée.

L’organisation de la société civile Nouvelle Dynamique de la Societé Civile, fait partie des rares groupes de pression qui tirent la sonnette d’alarme. « La situation ne cesse d’empirer. Les populations sont désespérées, et nul ne sait qui sera la prochaine victime », déplore Jordan Saidi, président de l’organisation dans la Tshopo.

Musafiri avoue tout ignorer des causes de ce brasier dans sa boutique. « L’agent de sécurité estime qu’il s’agirait d’un incendie électrique, mais ma boutique n’était pas alimentée en courant à ce moment-là. J’ai du mal à expliquer ce qui s’est réellement passé », conclut-il.

À Kisangani, l’instabilité du réseau énergétique, avec pour corollaire de constantes défaillances électriques, est un problème séculaire.

En novembre 2021, c’est vraisemblablement un incendie électrique qui a ravagé un entrepôt utilisé par plusieurs commerçants, laissant ces derniers complètement démunis. « J’ai tout perdu en 2021, des biens d’un montant total de 3 millions de dollars. Je ne sais pas de quelle manière continuer d’avancer et venir à bout de cette tragédie. Je suis encore sous le choc », dit Bambara Jules, l’une des victimes.

Certains habitants de Kisangani, à l’instar de Kavira Mugeni, ménagère et mère de six enfants, ont presque perdu leurs maisons. Pour elle, cet incident constitue la plus affreuse expérience de sa vie. « La chaleur des flammes nous a réveillés. Il faisait vraiment chaud à l’intérieur, et je devais trouver le moyen de faire sortir mes enfants. Je loue le Seigneur, qui nous a aidés à échapper sains et saufs », confie-t-elle. « Néanmoins, nous avons littéralement tout perdu dans l’incendie, y compris la maison. »

Zita Amwanga est journaliste à Global Press Journal et vit à Kisangani, en RDC.


NOTE À PROPOS DE LA TRADUCTION

Traduit par Kouethel Tekam Néhémie Rufus, GPJ.