Haiti

Haïti : des jeunes mettent la main à la pâte pour combattre le problème de déchets solides

Vivre côte à côte avec des eaux stagnantes et des terres mouvantes à l’origine de la vulnérabilité aux glissements de terrain et aux maladies, tel est le sort des habitants des quartiers de Port-au-Prince sur les rives des ravines d’eaux pluviales remplies de déchets. Des bénévoles œuvrent à améliorer la vie de ces communautés et à aider Haïti à se délester du passif de la pollution urbaine.

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Young Haitians Combat the Country’s Solid Waste Problem

Marie Michelle Felicien, GPJ Haïti

Des bénévoles de Crée Haïti aident des habitants à évacuer les déchets de la ravine à Port-au-Prince. Ce groupe vise à atténuer le problème de pollution urbaine auquel le pays est confronté.

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PORT-AU-PRINCE, HAITI : En quête de pitance, des caprins et des porcins se voient à travers Ravine Georges, une communauté nichée sur les rives d’une canalisation évacuant les eaux pluviales hors de la ville.

Depuis longtemps, ce petit quartier de Port-au-Prince sert de demeure des habitants migrant des zones rurales d’Haïti à la recherche d’opportunités dans la capitale.

La vie sur la rive de la ravine est pourtant loin d’être rose. De petite taille et construites avec des morceaux de tôle et d’autres matériaux de construction, certaines maisons ici sont dans un état de délabrement, et des habitants vivent côte à côte avec des eaux stagnantes et des terres mouvantes.

La ravine s’emplit d’immondices provenant des maisons qui bordent ses rives, allant des déchets ménagers en plastique aux vieux vêtements et appareils.

L’eau stagnante se transforme en foyer de maladies et des maisons restent une proie facile des inondations.

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Marie Michelle Felicien, GPJ Haïti

Des canalisations remplies de débris à Port-au-Prince peuvent menacer la santé de la population et détruire l’environnement. Aux dires des responsables haïtiens, ils aimeraient en faire beaucoup plus pour lutter contre le problème des déchets dans le pays, mais leurs fonds restent insuffisants.

« Chaque année, la situation s’empire », explique Mackenzy Guillaume, un habitant du quartier autour de Ravine Georges. « Chaque saison pluvieuse, c’est la peur des écoulements de terrain et, surtout, beaucoup d’immondices ».

Ravine Georges reste un exemple type qui montre à quel point Haïti est aux prises avec la pollution urbaine qui, non seulement détruit l’environnement, mais aussi constitue une menace pour la santé des habitants les plus vulnérables du pays. Il est également l’illustration de la manière dont les initiatives communautaires locales peuvent contribuer à pallier l’un des problèmes persistants d’Haïti.

Steevens Bélamé, 24 ans, ingénieur en développement et théologien, gère une petite équipe d’étudiants universitaires qui travaillent à l’amélioration de la vie des communautés comme Ravine Georges.

Ce groupe, dite Crée Haïti, aident les habitants à assainir ces zones et à protéger leurs maisons à l’aide de pierres sèches – une technique de construction qui n’exige pas l’usage du mortier de jointoiement – et de sacs de sable.

Ces bénévoles se mettent à la besogne ensemble avec les habitants du quartier pour préserver les terres sous leurs habitations pour les protéger contre tout glissement de terrain consécutif aux fortes pluies.

Ces travailleurs, munis de seaux et de pelles, remplissent leurs grands sacs de terre tenus par des habitants qui se sont joints à l’équipe pour acquérir de l’expérience dans l’évacuation des déchets. Et ils font usage de la terre pour renforcer les fondations de leurs maisons.

« L’érosion envahit nos terres, [et] les mornes sont désaxés avec des constructions anarchiques », s’alarme Bélamé. « Les ravins deviennent des endroits où les gens se débarrassent de leurs déchets sans penser aux conséquences ».

« Je crois qu’il est grand temps pour nous, la jeunesse de ce pays, de nous réveiller de ce sommeil d’insalubrité et de dire « non » à la mauvaise gestion de l’environnement ».

Le groupe a suspendu certaines de ses activités de sensibilisation à l’environnement en raison du coronavirus, mais demeure engagé dans la distribution de savons et de masques aux communautés rurales.

D’après les données de la Banque mondiale, la pollution urbaine est depuis longtemps un problème en Haïti, qui a produit plus de 2 millions de tonnes de déchets en 2015. Selon ce même rapport, Port-au-Prince ne collecte que 12% de ses déchets solides, l’un des taux les plus bas d’Amérique latine et des Caraïbes.

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Marie Michelle Felicien, GPJ Haïti

Des bénévoles remplissent des sacs avec du sable pour renforcer les rives de la ravine. Des habitants risquent de perdre leurs habitations en raison de glissements de terrain causés par de fortes pluies.

Les maladies infectieuses susceptibles de se propager dans des conditions insalubres aggravent les risques liés aux inondations. Il s’agit entre autres du choléra, qui a eu un effet dévastateur sur le pays, fauchant des milliers de vies depuis son introduction dans le pays par des agents des Nations unies après le séisme dévastateur de 2010.

« Le problème de déchets en Haïti est complexe », confie Allwich Joly, porte-parole de la mairie de Port-au-Prince. Il n’y a pas assez d’espace pour la récupération de déchets, ajoute-t-il, « de plus, la population n’est pas assez éduquée pour savoir que faire de la rue une décharge est néfaste pour leur santé ».

Joly affirme que le gouvernement tient à redoubler d’efforts pour régler le problème de déchets, mais que le budget est trop limité.

Michael Verdueu, technicien agricole, vit à Bouda Chita, un quartier de Léogâne, une commune côtière à l’ouest de Port-au-Prince. À l’en croire, la communauté a beaucoup souffert ces dernières années à cause d’une canalisation d’eaux pluviales qui traverse le quartier, appelé Ravine Dioblain.

Chaque fois qu’il pleut, déclare Verdueu, des tonnes de terre et de roches sont forcées de descendre à travers la ravine et dans la communauté, obstruant le passage de motocyclistes, de bétail et de bus. L’activité reste à l’arrêt à Bouda Chita et le quartier devient paralysé jusqu’à ce que les déchets soient évacués, déplore-t-il.

En juin 2019, Verdueu a rejoint Crée Haïti pour curer la ravine pour éviter des glissements de terrain, la renforçant avec des gravats qui avaient été emportés par les inondations précédentes.

« C’était pour nous un jour nouveau », raconte Verdueu. « Nous ne savions pas que ces pierres pouvaient aussi être la solution à nos problèmes ».

Verdueu affirme que lui et les autres membres de sa communauté sont aujourd’hui prêts à agir en cas d’inondations à venir et savent comment se protéger.

Selon Mulaire Calixte, ingénieur agronome et coordinateur adjoint de Crée Haïti, il importe de protéger le sol des ravines à la fois en amont et en aval.

« Le curage en amont protège le sol, permet de stabiliser les sédiments et empêche l’eau de pluie de laver le ravine », assure-t-il. « En aval, il diminue le risque d’inondation, ce qui empêche les pertes en vies humaines ».

Avec peu d’aide de la part du gouvernement pour la lutte contre le problème croissant des déchets en Haïti, Bélamé, responsable de Crée Haïti, affirme qu’il appartient aux habitants d’assumer la responsabilité de leurs communautés.

« Haïti se réveille chaque matin avec un cri de désespoir face au niveau alarmant de la dégradation de l’environnement », fait-il savoir. « Et chacun reste les bras croisés, en attendant la solution de l’autre ».

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.