CITÉ SOLEIL, HAÏTI — Diana Désir, 13 ans, s’agite sur son pupitre à l’école se confiant sur le pourquoi de son choix de se rendre souvent dans cette ville côtière à environ 5 km au sud-est de la capitale du pays, Port-au-Prince.
« Lors des violences entre bandes armées, ma famille a déménagé pour aller chez ma tante », se désole-t-elle.
Et quand ces violences entre bandes armées refaisaient surface, sa famille se devait de déménager encore et toujours. Diana et sa famille étaient chaque fois affairées à trouver, ne serait-ce qu’à titre temporaire, un endroit où vivre, bref, celui leur assurant un peu de quiétude.
Selon elle, elle n’avait personne avec qui parler de sa mauvaise passe avant qu’elle n’intègre un groupe de thérapie de son école, la Maison de l’Espérance. Là-bas, étudiants et enseignants se donnent rendez-vous chaque vendredi pour échanger sur la façon de mieux gérer le stress.
Ces séances sont animées par un groupe de professionnels de la santé mentale connu sous le nom d’Unité de service psychologique et d’appui à la recherche (USPAR).
Depuis 2016, Unité organise de telles séances dans des écoles à Cité Soleil, une région ayant la réputation d’être l’une des plus dangereuses dans le pays. Aussi ce groupe propose-t-il aux enseignants une formation leur permettant d’organiser à leur tour des séances de thérapie.
« Les enfants ont tendance à refléter les situations vécues dans leur vie à l’extérieur de l’école » affirme Beneste Desrosiers, enseignant formé par une équipe d’USPAR.
À en croire Desrosiers, cette formation l’a aidé à comprendre l’impact du stress sur ses élèves afin qu’il puisse les aider à le combattre.
L’image d’une terre pauvre et violente colle à la peau de Cité Soleil. L’Institut international pour l’environnement et le développement qualifie cette région de « zone de non-droit », où « des bandes armées font la loi au grand jour ». Selon Human Rights Watch, cette région est « l’une des plus violentes » de Port-au-Prince.
Unité, une organisation à but non lucratif, a vu le jour ici en 2012 pour offrir un accompagnement psychologique d’ordre général. « Il y a deux ans, notre organisation recentrait son action sur les enfants victimes de violence ou de conflits familiaux, révèle Jean Philipe Moise, président d’USPAR.
Aujourd’hui, cette organisation offre une thérapie dans 10 écoles, dont la plupart se trouvent à Cité Soleil. Des gens peuvent bénéficier de cette thérapie individuellement, mais ce genre de thérapie est le plus souvent axée sur des groupes d’enfants ayant subi dans leur vie des facteurs de stress psychologique similaires, explique Moise.
Dans son rapport 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme que la dépression touche plus de 300 millions de personnes dans le monde tandis que 260 millions d’autres sont atteintes de troubles anxieux. Les taux de prévalence des problèmes de santé mentale sont particulièrement élevés à Haïti, où plus d’un tiers des 120 personnes interrogées dans le cadre d’un rapport publié en 2017 par l’International Journal of Social Psychiatry ont déclaré avoir connu des épisodes dépressifs majeurs ou souffert du syndrome de stress post-traumatique.
Environ 90 pourcent des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir bénéficié de soins de santé mentale.
S’il faut en croire les estimations de l’OMS, les institutions de santé mentale haïtiennes comptaient 180 lits en 2011, ce qui représente 1,7 lit pour 100 000 habitants dans le pays.
Depuis lors, l’accessibilité des soins de santé mentale s’est améliorée, déclare Delano Jean, psychologue et professeur à l’Université d’État d’Haïti. Pourtant, ces soins sont souvent financièrement inaccessibles aux enfants dans des zones comme Cité Soleil, poursuit-il.
Aux dires des enfants qui bénéficient des séances d’Unité à l’école, ils ont subi une transformation.
« C’est avec beaucoup de joie que nous avons participé à de telles séances », exulte Emile Berthony, 12 ans, participant à des séances de groupe.
Diana affirme être devenue une personne différente grâce à sa participation régulière à ces séances.
« Je ne me bats plus avec mes amis, car les psychologues m’ont aidé en m’apprenant à aimer mes amis et à me respecter », assure-t-elle.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.