KAMANDI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Nichée sur le flanc d’une montagne, cette communauté se distingue par son sol rocheux et sa brise rafraîchissante qui souffle du lac Édouard. Et on y trouve autre chose : une école et un camp de l’armée nationale.
À environ trois kilomètres d’ici, aux confins du village voisin de Vuhoyo, Muhindo Karupiya, chef traditionnel de 65 ans, s’est retrouvé dans un différend de délimitation de terrain. Cette communauté, où la terre est souvent le symbole de richesse le plus palpable, grouille de ce genre de conflits.
Selon Karupiya, il a dû se pourvoir devant les autorités locales de Kamandi. Ensuite, fait-il savoir, le différend a été déféré à Bingi, dans la chefferie des Batangi, une communauté située à environ 55 kilomètres. Karupiya et l’autre partie au différend ont fini par saisir le tribunal de grande instance de Butembo, situé à environ 150 kilomètres.
Là-bas non plus, affirme Karupiya, le différend n’a pas été réglé.
« On nous recommandait de donner de l’argent jour après jour, mais le jugement a été insatisfaisant parce que l’autre partie avait corrompu les juges », se désole-t-il.
Dans les tribunaux locaux en RDC, comme pour la plupart des cas de corruption, il n’existe guère de preuves concrètes de pratique courante de versement de pots-de-vin. Or, il arrive souvent que l’argent passe souvent de mains en mains parmi des fonctionnaires ici, affirment certains habitants.
Karupiya affirme qu’il a fini par retourner à Kamandi pour s’en remettre au Cercle international pour la défense des droits de l’homme, la paix et l’environnement (CIDDHOPE), une organisation locale qui offre des services de médiation depuis 2013. Aujourd’hui, le CIDDHOPE œuvre dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. (Cliquez ici pour en savoir plus sur les interventions du CIDDHOPE).
Le CIDDHOPE, révèle Karupiya, a vite fait d’ouvrir une enquête. Et peu de temps après, le différend a été résolu sans bourse délier.
Les services du CIDDHOPE sont gratuits, déclare Salomon Kakule Kaniki, porte-parole du CIDDHOPE. Cette organisation, confie-t-il, est financée par Amnesty International.
Selon Kaniki, le territoire de Lubero, où se trouve Kamandi, est un foyer de conflits fonciers et d’autres différends. Cette organisation offre des services de médiation pour environ un conflit par mois. Non seulement il s’agit d’un gain de temps et d’argent pour les populations locales, mais on écarte le risque de voir de petites querelles dégénérer en problèmes graves. Ce processus de médiation est entre les mains des habitants respectés au sein de la communauté, au rang desquels figurent des chefs religieux, des chefs terriens et autres.
À titre d’exemple, affirme Kaniki, trois familles dans une communauté située à environ 5 kilomètres de Kamandi ont eu un différend de délimitation de terrain qui s’était tellement aggravé qu’elle pouvait dégénérer en actes de violence. L’affaire était restée pendante devant un tribunal à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu en RDC, sans rien pouvoir obtenir. En 2018, affirme Kaniki, le CIDDHOPE a pris cette affaire en main et y a trouvé une issue.
Le CIDDHOPE règle 70% des affaires dont il se charge, révèle-t-il.
On se met à l’abri des lenteurs bureaucratiques qui, aux dires des habitants, s’invitent à leur grand dam s’il faut recourir au système judiciaire.
« Les services étatiques corrompus nous plongent dans des conflits perpétuels et nous n’avons plus confiance en eux », déclare Siméon Kambale Katughuta, cultivateur de 30 ans. « Le CIDDHOPE gère les conflits de façon que les deux parties restent amis ».
Selon Katughuta et d’autres, le CIDDHOPE use des stratégies de médiation permettant aux deux parties de préserver leur dignité. Le système judiciaire, par contre, exige presque toujours que les deux parties déboursent de grosses sommes d’argent, y compris du fric pour corrompre des fonctionnaires alors qu’il doit toujours y avoir un gagnant et un perdant.
« Pas de discrimination ni de corruption chez le CIDDHOPE », déclare Kumba Muhindo Mughanda, chef de quartier âgé de 68 ans. « Il n’exige aucune somme d’argent dans le jugement. On peut lui être seulement reconnaissant ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.