LUBERO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — À 7h45, des salles de classe perchées en haut d’une colline dans cette zone rurale sont ouvertes. Et à l’intérieur, des apprenants sont affairés à pratiquer la couture, la menuiserie, la maroquinerie et d’autres métiers. Et le travail ne peut s’arrêter avant 13h00.
Cette école, connue sous le nom de Centre de formation professionnelle de Kayna, ouvre ses portes aux enfants des environs mais aussi aux enfants autrefois membres de groupes armés.
Bachaulene Kasereka, 16 ans, affirme avoir grossi les rangs d’un groupe armé appelé Maï-Maï Nduma Defense of Congo après la massacre de sa famille dans des affrontements entre ce groupe et un autre groupe appelé Maï-Maï Mazembe.
Maï Maï est un terme générique utilisé pour désigner les groupes armés locaux en RDC qui voient souvent le jour pour protéger ou contrôler certains villages ou zones.
« J’ai choisi d’intégrer le groupe armé principalement pour défendre les membres de ma communauté qui n’avaient pas péri dans des affrontements », déclare Kasereka.
Son groupe Maï-Maï Nduma ayant été pourchassé par l’armée régulière de la RDC, déclare Kasereka, il fut pris de terreur à la suite des coups de feu non-stop et choisit de quitter le groupe pour de bon.
« J’ai fui pour aller m’installer chez ma tante à Kayna. Elle m’a ensuite orienté vers ce centre de formation professionnelle des métiers de l’Apetamaco où je suis une formation en menuiserie », explique Kasereka.
Depuis des années, le territoire de Lubero est devenu une terre de prédilection des groupes armés. Certains groupes se permettent de payer des soldes – un atout majeur dans une région où les emploient se font rares. Nombre de groupes enrôlent des enfants de force. D’autres enfants, pourtant, se voient promettre la lune et le luxe de frivolités et s’engagent volontairement.
Enrôlés de gré ou de force, en eux domine l’espoir que ces groupes prendront un jour le contrôle de tout le territoire.
Habitant de Kirumba, l’un des villages reculés dans la province du Nord-Kivu, Hoseya Mutambo explique que cet espoir disparaît dare-dare.
« Certains, et plus particulièrement les jeunes, s’enrôlent de gré dans des groupes armés sans hésiter », déplore-t-il. « Seulement, certains sont déçus et retournent dans leurs familles quand l’espoir de prendre le pouvoir s’évapore ».
Une fois rentrés dans leurs familles, beaucoup de ces ex-enfants soldats manifestent une réelle soif d’apprendre.
Il y a aujourd’hui 15 ex-enfants soldats âgés de 12 à 18 ans au sein du Centre de formation professionnelle de Kyana, explique Alexis Kambere Matata, directeur du centre. Trois d’entre eux sont des filles. Ils sont soit orphelins, soit en proie à la vulnérabilité. Et aujourd’hui, l’école a déjà formé 280 élèves au total, affirme Matata.
Ouvert en 2013, le centre propose des formations dans les domaines aussi variés que l’électricité, la mécanique automobile, la menuiserie, la tannerie, la maroquinerie, la couture, la pâtisserie, la maçonnerie, l’agronomie et l’artisanat.
Ces élèves se voient également offrir de la nourriture et des soins médicaux, révèle Matata. Au nombre de ces organismes d’aide qui font don d’huile de cuisson et d’autres nécessités figure le Programme alimentaire mondial.
Pour ces élèves, la fourniture de nourriture est essentielle.
Kambale Makasi, 15 ans, est un ancien membre de Maï-Maï Mazembe, groupe armé qui fait aujourd’hui la loi dans au moins un village. D’après lui, il a rejoint le groupe après la promesse d’une nourriture au goût exquis.
« On nous disait que l’on y mangeait que de la viande chaque jour », déclare-t-il. « En y arrivant, nous avons été déçus car on ne mangeait que de la patate douce, du manioc et du maïs ».
Après six mois, dit Makasi, lui et son ami ont pu s’évader pour retourner dans leurs familles avant de s’inscrire à Apetamaco.
« Nos parents nous y ont orientés pour y trouver refuge », précise-t-il.
Si l’on croit à la promesse du Programme alimentaire mondial, il est prévu que ce programme demeurera opérationnel au moins jusqu’en 2019, mais rien ne permet de confirmer avec certitude s’il se poursuivra au-delà de cette année.