Democratic Republic of Congo

Malgré les milliards de recettes d’exportations minières en RDC, les populations locales se lamentent d’être laissées pour compte

La région centrale orientale de la République démocratique du Congo regorge d’abondantes ressources minières mais la population local n’en tire aucun profit : Pas un seul kilomètre de route asphaltée, pas d’eau potable ni d’électricité.  Et pourtant, en vertu les dispositions de la loi congolaise, les sociétés minières étrangères sont tenues de réinvestir dans les communautés locales. La corruption officielle a conduit à une quasi-absence d’impact visible de l’immense financement étranger. Toutefois, une société canadienne a pu trouver une solution au problème en signant un accord direct avec les chefs de villages en faveur du développement communautaire.

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Amid Billions of Dollars in Mineral Exports From DRC, Locals Say They Are Left Behind

Noella Nyirabihogo, GPJ DRC

Bakundabo, 20 ans, habite  à Rubaya et travaille dans l’industrie minière, transportant de lourdes charges de coltan de la colline à la rivière où se fait l’élevage de minerais.  Il dit qu’il gagne 3 $ par jour.

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RUBAYA, MASISI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO —Il est juste avant l’aube et des dizaines de mineurs avec des torches à la main se préparent à monter vers Muderi, montagne qui abrite la mine d’où ils extraient le coltan, minerai utilisé dans les téléphones portables et autres appareils électroniques.

Trimballant leurs pelles, pioches, marteaux-piqueurs, pelles et brouettes, ils quittent leurs maisons en bois d’eucalyptus fragiles et empruntent les rues en terre dans la lumière qui précède l’aube.

Rubaya, localité de la région de Masisi dans la province du Nord Kivu, regorge de coltan.

Les communautés de Rubaya sont pauvres, ce qui contraste avec la richesse que devraient apporter ces minerais.

Pas un seul réseau électrique et la sérénité de Rubaya est perturbée jour et nuit par le ronronnement profond des groupes électrogènes alimentant les salons de coiffure et les stations de recharge pour téléphones portables sous des parapluies géants rouges ou bleus le long du bord de la route.

Les jeunes femmes parcourent la ville avec des jerricans en quête d’une ressource naturelle introuvable dans cette région: l’eau.

Les richesses qu’abritent les terres de la RDC ont été exportées  depuis longtemps et profitent  souvent aux étrangers, même si chaque société minière est tenue par la loi de la RDC de réinvestir dans les communautés locales.

Selon les habitants, les dollars étrangers n’ont guère d’impact visible à Walikale, le plus grand territoire de la province du Nord-Kivu. Peut-être, disent-ils, les sociétés  ne paient pas ce qu’elles devraient normalement payer ou l’argent est volé et finit dans les poches des individus au fur et à mesure  qu’il passe par un système corrompu.

Le temps est venu de demander aux sociétés minières de rendre des comptes, déclare Prince Kyamwami Kihangi, Secrétaire général du Bureau d’études et d’appui au développement du territoire de Walikale (BEDEWA), association ayant pour vocation de promouvoir le développement dans la région.

« Walikale est trop reculé par rapport à ce qu’il devrait être, compte tenu des ressources qui s’y trouvent, » dit Kihangi.

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Noella Nyirabihogo, GPJ DRC

La plupart des Congolais vivant dans la zone minière de la RDC sont pris au piège de la pauvreté chronique. À Rubaya, principale collectivité minière, l’accès aux infrastructures y compris l’électricité et l’eau est presque inexistant.

La localité est l’épicentre du secteur minier de la RDC. Entre 2009 et 2012, le pays a enregistré environ 8 milliards de dollars d’investissements dont une grande partie consacrée à l’exploitation minière. Le résultat? Selon l’US Geological Survey,  55  pour cent de la production mondiale du coltan en 2012 ont été enregistrés ici. L’or, le diamant, l’étain, le tungstène et même le pétrole sont abondants ici sans oublier que la prospection réalisée récemment a révélé des gisements d’uranium, affirme Kihangi.

En 2013, les recettes d’exportations minières par la RDC ont rapporté environ  10,9 milliards de dollars.

Dans le même temps, l’accès aux routes asphaltées est inexistant dans la grande partie de la RDC, et ce, malgré l’abondance de graphites et de laves solidifiées pouvant servir  à la construction de ces routes. Moins de la moitié des Congolais ont accès à l’eau potable. Très peu de gens ont accès à l’électricité.

Josette Mwavita, 41 ans, a vécu à Walikale toute sa vie. Elle dit qu’elle ne savait pas que les sociétés minières sont tenues d’investir localement. À sa connaissance, pas un seul dollar n’a été dépensé pour aider la population locale.

«Personnellement, j’aimerais voir de mes propres yeux les changements conduisant au développement de mon territoire,» dit-elle. «La situation est toujours la même, j’espère que les choses pourront changer dans les années à venir. »

Les représentants des sociétés minières affirment investir localement. Mais il peut être difficile de vérifier l’impact de ces fonds.

Les représentants de la Société Minière de Bisunzu (SMB) et de la Coopérative des exploitants artisanaux miniers de Masisi, COOPERAMMA en sigle, toutes deux engagées dans l’exploitation du coltan à Rubaya, affirment que les sociétés respectent leurs obligations de développement communautaire.

La SMB prétend avoir offert au gouvernement une somme de 310. 304 $ en 2015 pour le développement de Rubaya, mais personne ne peut justifier le sort de ces fonds. S’exprimant sous couvert d’anonymat, les fonctionnaires locaux pointent du doigt  la corruption généralisée par laquelle les fonds finissent dans les poches des autorités plutôt que d’être affectés au développement communautaire.

Robert Habinshuti Seninga, président de la COOPERAMMA, affirme que sa société contribue à hauteur de 300 dollars par tonne de coltan. Cet argent  est donné au gouvernement pour le développement de la communauté locale, dit-il.

Deux ponts, à savoir le pont de Bihambwe d’une capacité portante de 32 tonnes  et mesurant 14 mètres de longueur et  6 mètres de largeur et le pont de Mema ont été construits en utilisant cet argent, ajoute Robert. Le pont de Bihambwe est d’une valeur d’environ 187 000 $ alors que celui de Mema vaut environ 178 000 $, dit-il.

Ces ponts sont actuellement utilisés.

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Noella Nyirabihogo, GPJ DRC

Les routes à Rubaya ne sont pas asphaltées et se transforment en piège de boue lors de la saison des pluies. La région regorge de ressources naturelles abondantes et la population locale s’insurge du fait que ces richesses ne sont pas mises au service de son développement.

Pourtant, les investissements directs sont rares en RDC. Un représentant de l’industrie minière locale, confiant sous couvert d’anonymat, affirme que la corruption est devenue un phénomène endémique. Seule une petite portion de fonds payés par les sociétés minières profite à la communauté alors que la grande partie de ces fonds est détournée.

«La population croupit dans la misère alors qu’elle devrait vivre une vie meilleure», explique Etienne Kambale, rapporteur général de la société civile provinciale.

Les parlementaires locaux devraient faire le suivi de l’utilisation du trésor public pour s’assurer que l’argent est utilisé aux fins prévues, conseille-t-il.

«Je ne peux donc affirmer qu’un tel service ou telle personne sont impliqués dans la corruption. Mais ce qui est vrai, c’est  que l’on assiste à une mauvaise gestion des recettes tirées du secteur minier, » soutient Kambale.

Une société semble avoir trouvé une solution à ce problème.

En avril 2016, Alphamin Resources Corp., société canadienne qui exploite, entres autres, les mines de coltan, a conclu un accord avec les chefs de villages en vertu duquel cette société minière devait créer un fonds de développement communautaire sans but lucratif.

Cet accord est le premier en son genre car Alphamin a contacté directement les populations locales en plus de signer un accord avec le gouvernement.

Le fonds, une fois créé, son mandat consistera à investir dans les infrastructures dans la région.

«Nous envisageons de contribuer au développement de la communauté locale,» explique Richard Robinson, directeur général d’Alphamin.

Alphamin veut entretenir de bonnes relations avec la communauté, dit-il.

La société a même déjà commencé à faire des investissements localement avant la création du  fonds. Elle a déjà posé la première pierre pour la construction d’une école du village et est en train de procéder à la collecte de données locales pour 44 villages de Walikale, ce qui aidera à éclairer ses  futurs projets tels que les routes, les hôpitaux et d’autres écoles, confie Robinson.

Ce premier investissement a été réalisé à la demande de la population locale qui voulait que la société fasse un geste montrant qu’elle pourrait tenir ses promesses.

«La population que je représente ne peut attendre la signature finale sur le papier pour profiter du développement,» dit Twaha Mizaba (CQ), chef communautaire de Walikale.

En vertu de son accord avec les autorités gouvernementales, la société est appelée à financer les adductions d’eau et les centrales hydroélectriques en plus d’un appui continu aux infrastructures agro-pastorales.

Selon cet accord, Alphamin dépensera 280 000 $ en 2016 et 780 000 $ par an en 2017 et 2018. Ces investissements représentent 4% des coûts opérationnels de la mine.

Mizaba  affirme qu’Alphamin a respecté ses obligations prévues par son accord avec la population locale.

La société a formé des experts locaux pour gérer les projets de développement dans chacun des 44 villages de la région, dit-il, ajoutant qu’il est confiant que le nouveau fonds permettra de développer les villages environnants.

Mizaba ajoute que la société  a commencé à construire l’école du village à Logu à la lumière des consultations avec les chefs communautaires et a financé l’entretien d’une route principale qui pourrait ouvrir le territoire à d’autres régions dans la province du Nord Kivu.

Il dit que le comité signataire de l’accord fait le suivi des progrès vers la création du fonds.

En dépit de ces investissements, de nombreux habitants croient toujours qu’ils sont laissés à l’écart des richesses de la région.

Fidele Ishimwe, 42 ans, habite  à Rubaya avec sa femme et ses huit enfants. Depuis son enfance, dit-il, il n’a jamais vécu dans une maison où il y a de l’électricité. Pour lui avoir de l’électricité serait comme vivre au  paradis.

Tout changerait si les sociétés minières investissaient dans les collectivités locales, dit-il.

Les choses changeraient  si ceux qui venaient exploiter les richesses minières  investissaient dans Rubaya, martèle-t-il.

«J’aimerais que les gens qui viennent exploiter les minerais ici considèrent Rubaya comme leur deuxième domicile,» dit-il. «Et ainsi penser à construire des routes, apporter l’énergie électrique et faire d’autres bonnes choses.»

Traduit de l’anglais par Ndayaho Sylvestre, GPJ.

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