BASILI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Dans cette communauté reculée, le sol des rives de la rivière Ituri est remué sans relâche. Des hommes et des femmes triment sans répit dans une terre boueuse à la recherche d’un trésor sous la surface du sol : l’or.
S’érigeant au début en une découverte par laquelle tout le monde cherche son propre butin, cette zone minière s’est vite transformée en une coopérative dotée d’équipements de sécurité auxquels s’ajoute l’interdiction du travail des enfants.
Résultat : ceux qui sont à la hauteur de ce défi affichent leur enthousiasme. Chose rare surtout dans cette partie de la RDC où la subsistance est la meilleure chose que certains peuvent se permettre.
« Ce n’est que par le travail que l’on mesure la valeur d’un homme », déclare Jean Pierre Singoma, mineur sur ce site.
Cette région reculée est source de ressources aurifères depuis des générations. Le gouvernement congolais, lui, s’est taillé une partie des terres à des fins d’exploitation minière, faisant appel à des investisseurs miniers étrangers. Des mineurs artisanaux s’y sont, eux aussi, donné rendez-vous.
Entre 1998 et 2003, la guerre s’est étendue à l’ensemble de cette région. Et occupant la province de l’Ituri pendant quelque temps, l’Ouganda a raflé une grande partie de l’or de cette région.
Le gouvernement congolais a peu à peu nationalisé la filière aurifère dans cette province. Des lois nationales sont en place pour réglementer l’exploitation minière, mais rares sont ceux qui se plient à leur teneur. Des zones minières sont, dans bien des cas, contrôlées par des groupes armés Maï-Maï actifs dans toute cette région, souvent dans leur soif de prendre le contrôle des zones géographiques ou des ressources naturelles.
Fait particulièrement remarquable : la mine de Basili demeure entre les mains de la population locale. Selon une base de données tenue par l’International Peace Information Service, un institut de recherche indépendant basé en Belgique, des dizaines de mines dans la seule province de l’Ituri sont ou ont été entre les mains des groupes Maï-Maï.
Jean-Claude Muhuni, l’un des cadres supérieurs de la mine, figure parmi les membres du groupe ayant fait la découverte de l’or sur le site.
« Il nous fallait ambuler un peu partout essayant de trouver des endroits potentiels où prélever des échantillons de sol à la recherche de l’or, mais en vain. Pourtant, nous n’avons jamais perdu courage », confie Muhuni. « Ce n’est que par pur hasard si nous sommes tombés sur un gisement d’or ».
C’était en mai. En l’espace de quelques mois, Muhuni et le reste de ce premier groupe ont mis en place une structure de camp servant de lieu de travail pour 120 personnes au nombre desquels figurent environ une vingtaine de femmes.
Chaque mineur loue une concession de 10 mètres carrés, explique Marc Herabo, responsable du camp. Certains mineurs choisissent d’embaucher d’autres gens devant travailler pour eux ou d’étendre leur concession en prenant en location d’autres terres.
Selon Herabo, chaque mineur jouit des droits exclusifs sur tout ce qui se trouve dans sa concession.
Et 55 000 francs congolais le gramme d’or, c’est le prix qu’on donne localement, révèle Herabo. Dans des villes, ce prix monte à 70 000 francs.
Aussi le camp met-il des casques à la disposition des mineurs, ajoute-t-il.
Des femmes, elles, ont trouvé un boulot, cuisinant pour ces mineurs. Elles gagnent chacune 55 000 francs par mois.
Aux dires des travailleurs dans le camp, la discipline sans faille est inscrite dans les veines de chacun d’entre eux. Des pauses, elles, sont strictement chronométrées, ne laissant à ces mineurs, cuisiniers et autres employés que de peu de temps pour flemmarder.
Fila Ntombana, cuisinière à la mine, explique que son mari, membre de l’armée congolaise, ne peut subvenir aux besoins de la famille avec son solde.
« Ce que je gagne est un supplément qui s’ajoute au solde de mon mari, ce qui nous permet de subvenir à certains de nos besoins », déclare-t-elle.
Selon Jean Selemani, chef de village local, la mine a permis de réduire non seulement le taux de chômage, mais aussi la criminalité. Avec plus de gens occupant des emplois respectables, le désespoir qui pousse certains à la criminalité s’est dissipé.
Pourtant, tout travail qui exige de creuser le sol s’avère pénible. L’exploitation minière reste un facteur de risque supplémentaire inhérent à l’utilisation du mercure, métal qui est presque toujours au rendez-vous dans les sites artisanaux.
L’or s’extrait de l’amalgame par chauffage du mercure. Certains mineurs artisanaux et à petite échelle se servent souvent du mercure sans protection appropriée, ce qui les expose à l’inhalation des toxines. Au nombre des symptômes d’empoisonnement figurent des problèmes respiratoires, la pneumonie, des malformations congénitales, pour ne citer que ceux-là.
Toutefois, à la lumière des entretiens que GPJ a eus avec des mineurs, ces derniers ignorent ces risques.
La mine d’or de Basili jouxte la rivière Ituri et se retrouve, dans certains cas, dans la rivière. Une fois exploités, ces gisements d’or alluvionnaires peuvent être à l’origine de graves problèmes sanitaires et écologiques.
L’exploitation minière dans des rivières peut entraîner le rejet de limon et de métaux lourds dans l’eau. L’envasement des rivières peut, à terme, causer des inondations et l’épuisement des stocks de poissons.
La plupart des mineurs, pourtant, n’accordent plus d’attention qu’aux risques les plus immédiats. Pour eux, la mort ne les guette que lorsqu’ils descendent dans des tunnels pour chercher de l’or.
Si un mineur loue une concession et rentre bredouille, ce risque est pris pour rien, lâche Franck Tebabo, un mineur.
« Nous avons investi l’argent, et nous pouvons finir par réaliser des pertes ou des profits, car avec ce type de travail, on ne sait jamais ce qui peut arriver », avoue Tebabo.
Adapté à partir de sa version originale en swahili par Ndahayo Sylvestre, GPJ.