KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Il est midi sonnant, et les six enfants de Marie Jose Lombo sont assis en rond autour d’une grande assiette dans laquelle le riz, le haricot et l’isombe se marient comme c’est le cas dans la plupart des ménages. Ces enfants savent une chose: se laver pour pouvoir mieux enfoncer la main et prendre une pincée à porter à sa bouche. Des fourchettes, la famille en a à gogo, mais ils ne veulent pas s’en armer car tous savent que cette recette offre le meilleur de sa saveur si elle est mangée directement à la main.
« Ils aiment trop ma cuisine », confie Lombo, souriante. « Ils ne vont rien laisser sur cette assiette, et tu vas voir. J’ai marié quelques morceaux de viande avec l’isombe pour un meilleur goût ».
Pourtant, comme ses enfants s’attaquent à la bouffe, le sourire de Lombo s’estompe car, glisse-t-elle, le riz ne sera plus disponible le lendemain.
Pour bien nourrir ses enfants chaque jour, il lui faut quatre tasses de riz. Il fut un temps, pas si lointain en 2017, cela coûtait 1 200 francs congolais. Et aujourd’hui, il faut débourser 2 400 francs pour cette même quantité.
Selon Lombo, elle vend des légumes et gagne 3 000 francs chaque jour.
Ces derniers mois, le prix du riz a monté en flèche, car les routes qui relient les communautés dans la province de la Tshopo dont le chef-lieu est Kisangani, se sont détériorées au point qu’il faut aujourd’hui trois à cinq jours pour parcourir seulement 58 kilomètres. Les routes n’étant pas asphaltées, chaque saison des pluies qui passe ne fait qu’approfondir des creux par-ci, par-là. Il y a quelques mois, il fallait un jour pour parcourir ce même trajet, ce qui était déjà une aubaine vu le temps qu’il faut pour parcourir les trajets de longueur semblable ailleurs en RDC.
Avec des routes en piètre état, l’acheminement même du riz produit localement, encore moins dans des régions plus éloignées, vers Kisangani n’est pas chose aisée.
Selon les responsables des transports locaux, ils ne sont concernés que par les routes régionales plus petites, car, affirment-ils, le maintien des routes principales appartient au gouvernement central.
« Ce n’est un secret pour personne que de nombreuses routes dans la province de la Tshopo se sont détériorées, constituant ainsi un frein au développement de la province », explique Dany Mongo, chef de la division de transport du gouvernement provincial.
Selon M. Tambwe Madard, coordonnateur adjoint des services provinciaux chargés de l’inspection agricole, la province de la Tshopo enregistre deux récoltes de riz par an mais produit un peu moins de 130 000 tonnes.
À en croire le département de l’agriculture des États-Unis, c’est à peu près la même production que celle de l’ensemble du territoire du Rwanda. Le Rwanda est un pays beaucoup plus petit, mais ses infrastructures de transport sont beaucoup plus fiables.
Si la province de la Tshopo pouvait facilement acheminer son riz, les récoltes pourraient nourrir une partie importante du pays, révèle Madard.
Elysée Mongo Amisi, vendeuse de riz à Kisangani, affirme devoir se déplacer jusque dans de petits villages juste au-delà du centre urbain de la ville pour s’approvisionner. Pourtant, même ces petites routes sont de plus en plus impraticables.
« Les routes qui, autrefois, nous permettaient d’aller acheter du riz dans les villages sont dans un état pitoyable aujourd’hui », déplore-t-elle.
Selon ses dires, elle est obligée de demander 130 000 francs pour un sac de riz qu’elle proposerait à 75 000 francs dans les conditions normales.
« Sinon, nous ne pouvons pas réaliser un profit », affirme-t-elle.
Les vendeurs de riz sur les marchés, à leur tour, font payer le prix fort à leurs clients. Selon Aminata Lomalisa, 30 ans, elle vend aujourd’hui une seule tasse de riz à 600 francs contre 300 francs, il y a quelques mois.
Selon ceux qui misent sur le riz pour nourrir leurs familles, le riz coûte un prix fou.
« La quantité de riz que je pouvais me permettre d’acheter il y a trois mois n’est plus la même aujourd’hui », explique Solange Ndembo, femme de ménage de 43 ans.
Aujourd’hui, dit-elle, ses huit enfants n’ont plus droit à autant de nourriture qu’avant.
C’est « une source de vive préoccupation pour nous les parents qui avons beaucoup de bouches à nourrir », fait-il savoir.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.