KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Âgé de 17 ans, le fils de Jean-Louis Bangala est écroué à la prison centrale de Kisangani dans une cellule pour adultes et attend son procès devant un tribunal pour enfants.
Selon Bangala, il s’y trouve depuis trois mois. Et pour cause : il a été accusé d’avoir volé un téléviseur de son voisin. Faire appel à un avocat pour le faire sortir de la prison, tel a été le souhait de sa famille, glisse-t-il, mais les honoraires sont au-dessus de leurs moyens.
Quand il visite son fils en prison, les larmes lui montent aux yeux.
« Quand je vois où il passe la nuit avec des conditions médiocres, je ne supporte pas », se désole-t-il.
Kisangani, l’une des plus grandes villes de la RDC, accuse un manque de centre de rééducation pour mineurs inculpés de crimes. Ces mineurs sont condamnés à des séjours dans les mêmes cellules que les délinquants adultes à la prison centrale de Kisangani dans l’attente de leur procès.
D’après des documents consultés au tribunal par Global Press Journal, 10 mineurs se retrouvent aujourd’hui dans cette prison en attente de jugement. Vingt-cinq autres y purgent des peines.
À entendre Bangala, ce n’est pas normal. Selon lui, les enfants devraient rester chez leurs parents ou tuteurs s’il n’y a pas d’établissement approprié pour les accueillir, surtout avant le procès.
Le tribunal pour enfants de Kisangani a vu le jour par ordonnance présidentielle en 2013, mais fonctionne à peine aujourd’hui. Fidèle Muya, président du tribunal, explique que faire fonctionner cette instance demeure un défi constant. Son bâtiment n’a pas de système de climatisation. Non seulement il n’est pas suffisamment aéré mais, en outre, ses sièges ne sont pas appropriés. Muya est le seul juge du tribunal, assisté d’un greffier. Selon lui, le gouvernement a souvent du mal à payer leurs salaires.
Un centre de détention pour mineurs, datant de plus de 100 ans, se trouve toujours de l’autre côté du fleuve Congo, en face de Kisangani, déclare Muya, mais il a été abandonné depuis 2000. Muya affirme avoir demandé à maintes reprises au gouvernement de rénover ce centre, mais il n’a, à ce jour, reçu aucune réponse.
En 2018, GPJ a signalé que la prison centrale de Kisangani était confrontée à un grave problème de surpopulation – conçu pour accueillir 600 détenus, l’établissement en comptait 1 500. Une telle promiscuité ne fait que favoriser la propagation rapide des maladies – 70% de la population carcérale a reçu un diagnostic de tuberculose en 2017.
Arnaud Simba, 17 ans, est un autre mineur détenu à la prison dans l’attente de son procès pour vol. Il est sous les verrous depuis cinq mois. Sa famille n’ayant pas les moyens de faire appel à un avocat, affirme-t-il, le tribunal ne l’a pas encore jugé.
Selon Patient Yuma, avocat au barreau de Kisangani, il s’agit d’un problème commun aux enfants accusés de crimes.
Aux dires de Simba, il préfère mourir que de continuer à vivre dans la prison. Il affirme que ses compagnons de cellule adultes le passent à tabac et qu’il est forcé de faire des travaux forcés. « Il n’y a pas grand-chose à manger », déplore-t-il.
« C’est une grande souffrance pour moi. Je n’ai pas d’assistance, et je reste ici dans ces mauvaises conditions. Je risque de perdre ma vie », s’alarme-t-il.
Mamie Moseka Alimasi, 43 ans, mère de six enfants et commerçante au marché central de Kisangani, déclare que sa fille de 15 ans a été jugée et condamnée par le tribunal pour enfants pour agression et trafic de drogue. Aujourd’hui, elle purge une peine de 15 mois aux côtés de femmes adultes.
« Une fille mineure ne peut pas passer la nuit ensemble avec les prisonniers adultes. C’est dangereux pour elle », lâche Moseka.
Ayant préféré garder l’anonymat, la fille de Moseka avoue infractions qui lui sont reprochées.
« Je sais que j’ai commis un crime », avoue-t-elle. « Mais je ne mérite pas d’être dans cet endroit ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.