Democratic Republic of Congo

Face aux incendies de plus en plus fréquents, les jeunes de la ville en RDC s’improvisent sapeurs-pompiers amateurs

Birere, bidonville de Goma, non seulement foisonne de risques d’incendie y compris des bougies et des lampes à pétrole mais aussi l’eau y reste rare s’ajoutant à l’insuffisance de services d’urgence ou de routes décentes. La surpeuplement contribue lui aussi aux affres d’incendies mais un groupe de jeunes du quartier se sont portés volontaires pour créer un service d’intervention en cas d’incendie.

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Frequent House Fires Have City Youths Forming Amateur Firefighting Crews in DRC

Mariam Aboubakar Esperence, GPJ DRC

Children gather sheet metal and other supplies they’ll use to rebuild a small house in which to live as they wait for additional assistance.

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GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO – Birere se démarque comme le bidonville le plus sale et le plus désorganisé de la Ville de Goma, capitale de la Province du Nord-Kivu en RDC.

Ici, des familles vivent entassées dans des maisons en bois trop petites et surpeuplées.

À l’intérieur, les murs de la plupart de ces maisons sont recouverts de bâches pleines de couleurs pour donner de l’éclat. Mais à l’extérieur, le bois teinté noir révèle un sombre secret. Le bois est noir parce qu’il est enduit d’huile à moteur usagée qui le rend résistant aux attaques d’insectes xylophages.

Ces maisons sont facilement inflammables.

INSIDE THE STORY: Reporting on people who have just experienced a devastating tragedy is a difficult job for a journalist. One reporter in the Democratic Republic of Congo explains how she came to both do her job and show compassion.

Dans ce quartier, une maison de deux pièces avec un salon et une petite chambre peut abriter une famille de huit personnes tandis que celle de deux pièces abrite souvent une famille de 12 personnes. Le salon sert de cuisine pour la plupart des maisons.

À l’instar de la plupart d’autres quartiers de Goma, Birere souffre également du manque d’électricité et l’usage de bougies et de lampes à pétrole reste le seul moyen dont disposent les habitants pour s’éclairer. Aussi pendant la cuisson, les casseroles sont-elles posées sur des flammes nues.

En effet, les incendies sont devenus monnaie courante ici.

Bahati Sikudjuwa est mère de cinq enfants. Après 15 années vécues à Birere, elle a, en décembre dernier, vu avec horreur le feu engloutir sa maison.

« Je me suis réveillée et me suis rendue au marché comme d’habitude et ce n’est que vers midi que j’ai entendu des bruits et vu des gens se précipiter vers mon quartier,» dit Sikudjuwa.

Elle dit qu’elle a rejoint la foule qui courait vers sa maison.

« J’en ai eu la chair de poule,» poursuit-elle. « Et j’ai senti un torrent de frisson pénétrer dans mon corps à cause de la triste surprise de voir ma maison en flammes. »

Heureusement, explique-t-elle, personne n’était à la maison au moment de l’incendie.

« Mais tous nos habits, ustensiles, vivres et quelques sommes d’argent ont été entièrement réduits  en cendres. J’ai cru que ma vie était foutue et je devais la recommencer à partir de rien, » témoigne-t-elle, les yeux pleins de larmes.

«Je sens qu’il est de mon devoir de venir en aide à ceux qui sont en détresse. Je ne peux pas rester les bras ballants et regarder les maisons de mes voisins être réduites en cendres à la suite d’incendies dévastateurs. »

Selon les voisins, l’incendie s’est déclenché dans une cuisine d’une maison voisine quand une femme a laissé cuire à feu les haricots sans surveillance. Ces petites maisons du quartier étant très serrées les unes contre les autres, l’incendie s’est propagé et cinq maisons ont pris feu et été réduites en cendres ce même jour.

La ville de Goma est confrontée à l’insuffisance de services d’urgence et les habitants de Birere affirment qu’en cas d’incendie, l’intervention s’avère lente. Pour remédier à ce problème, un groupe de jeunes du quartier ont créé un service d’intervention en cas d’incendie.

«Je sens qu’il est de mon devoir de venir en aide à ceux qui sont en détresse», dit Franck Eustache, l’un des sapeurs-pompiers volontaires. « Je ne peux pas rester les bras ballants et regarder les maisons de mes voisins être réduites en cendres à la suite d’incendies dévastateurs. »

Ces sapeurs-pompiers volontaires sont âgés de 15 à 20 ans. Ils empruntent des cruches auprès de leurs voisins pour collecter du sable et l’eau qui est une denrée rare pour se préparer aux futurs incendies.

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Mariam Aboubakar Esperence, GPJ DRC

Homes in the Birere slum are built haphazardly, and some sections of the neighborhood don’t have formal roads.

Ce groupe s’est engagé à sauver des vies et des biens, mais leur pari est jalonné d’énormes difficultés.

Les maisons que l’on trouve dans le bidonville de Birere ne se conforment pas aux normes en matière de construction urbaine.

L’entassement de maisons et la violation de la régulation sur la taille des parcelles ont contribué à la récente vague d’incendies dans Birere, dit Jérémie Mundama, chef de la division Urbanisme et Habitat de Goma, qui supervise l’habitat  et la construction.

Mundama ajoute que, selon les normes en vigueur, un bâtiment ne peut occuper qu’un sixième de la surface totale de la parcelle et que la taille minimale de la parcelle est de 15 mètres x  20 mètres.

Pourtant, la réalité nous apprend qu’il n’en va pas forcément ainsi dans Birere.  On y trouve des parcelles aussi petites que 10 mètres x 12 mètres, dit-il, et les bâtiments ─ parfois plus d’un par parcelle ─ peuvent occuper toute la surface de la parcelle.

« Si une parcelle doit disposer de suffisamment d’espace c’est  parce que l’on a besoin d’un endroit où  les enfants peuvent jouer en toute sécurité, un endroit où placer la cuisine, la douche et parfois un jardin avec des  arbres fruitiers en vue de lutter contre le réchauffement climatique,» dit Mundama.

Mariam Aboubakar Esperence, GPJ DRC

A candle was the source of a fire that destroyed this house and the ones around it in Goma’s Birere slum, local people say.

Mariam Aboubakar Esperence, GPJ DRC

Squeezed for space in their homes, some residents place kitchen supplies in the corners of bedrooms or living rooms.

Mariam Aboubakar Esperence, GPJ DRC

Two sisters wash kitchen tools in front of their house in the Birere slum.

Mariam Aboubakar Esperence, GPJ DRC

People buy food at this small market in Birere. A popular meal here is fufu with small fish.

Mais les habitants du quartier affirment que ces normes ne sont que pure fiction pour Birere. Bien qu’il existe peu de statistiques démographiques disponibles pour la ville de Goma, le bidonville de Birere compte les populations les plus pauvres de la ville.

Il n’existe toutefois aucune trace quant au nombre d’incendies dans Birere. Un employé de la ville chargé d’intervention en cas d’incendie estime qu’au moins 10 incendies se sont produits au cours des trois premiers mois de 2016, avec un seul incendie ayant détruit à lui seul jusqu’à 15 maisons en bois.

Les services d’urgence officiels sont extrêmement limités ici.

Selon un membre du personnel de la division des services d’urgence de la ville, qui est géré au sein de la mairie, la ville de Goma dispose de quatre véhicules  équipés de petits réservoirs d’eau utilisés dans la lutte contre les incendies, mais deux d’entre eux sont hors service et ont  besoin d’être réparés.

Cet employé, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat par  crainte d’être licencié pour avoir parlé à la presse sans autorisation, a déclaré que les défis liés à la lutte contre les incendies dans Birere sont légion.

La seule source qui alimente la ville en eau est le lac Kivu. Souvent, en cas de survenance  d’une urgence d’incendie, dit-il, les travailleurs doivent quitter les lieux pour aller remplir leurs petits réservoirs d’eau.  Et parce qu’ils assistent souvent à la pénurie de carburant ici aussi,  ils tardent parfois à intervenir en cas d’incendies car ils sont obligés de s’arrêter pour faire le plein de carburant des  véhiculeurs de la ville. Et, dit-il, il n’y a pas assez d’équipement notamment les tuyaux et les uniformes.

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Mariam Aboubakar Esperence, GPJ DRC

Some people whose homes were destroyed by fire can’t afford to build new wooden structures, so they fashion houses from used sheet metal.

Les jeunes sapeurs-pompiers de Birere offrent presque toujours des services supérieurs à ceux de la ville sur les lieux d’incendies, dit l’employé de la ville.

« Il y a un groupe de jeunes que nous rencontrons toujours sur les lieux d’incendies,» dit-il. « Ils essaient de mettre fin à l’incendie avant même notre arrivée. Et les choses se passent presque toujours ainsi. »

Et le travail de ces jeunes n’est pas sans difficultés.

« Il n’est pas facile d’y parvenir, car cela nous demande vraiment beaucoup de courage surtout qu’il y a beaucoup de risques. On peut, entre autres, se blesser par un clou ou une planche peut vous tomber dessous. On peut se brûler les pieds quand on piétine sans le savoir quelque chose qui brûle. Donc il y a beaucoup de risques mais nous n’avons pas de choix. Nous devons le faire car aujourd’hui c’est mon voisin et demain ce sera peut-être moi.»

Si la ville parvenait à investir dans Birere, tout pourrait changer, dit Mundama.

« Aussi longtemps qu’on n’aura pas les moyens d’urbaniser le bidonville de Birere, il y aura toujours des incendies car il y a pas de routes ou d’avenues d’accès qui facilitent des véhicules de secours à mettre fin à l’incendie, » déplore-t-il.

Rachel Rugura, habitante de Birere, affirme que la ville n’est pas à blâmer pour la lenteur des interventions en cas d’incendies. Les incendies sont dus à l’imprudence, dit-elle.

« Nous, les habitants de Birere, avons parfois du mal à avouer la vérité. Mais la vérité est que c’est nous-même qui provoquons souvent les incendies à cause de l’imprudence de quelques-uns d’entre nous, qui laissent les bougies allumées ou qui préparent la nourriture à l’intérieur de la maison, près de bâches ou de matelas,» dit-elle.

Mundama affirme qu’une étude du bidonville de Birere est en cours et qu’elle permettra de faire la délimitation des propriétés. Cette étude sera suivie d’une campagne d’éducation qui, comme il l’espère, mettra un terme aux incendies dans Birere.

« Nous sommes en train de faire la cartographie pour donner l’orientation de la future extension et l’occupation du sol. » dit-il. « Mais aussi nous sensibiliserons les gens sur la nécessité d’avoir l’autorisation de bâtir car ce lui qui ne l’aura pas, ne pourra pas se faire délivrer un certificat d’enregistrement. »

En attendant, les habitants continuent de construire des structures hautement inflammables.

Sikudjuwa et sa famille ont pu reconstruire leur maison avec l’aide des voisins qui leur ont fait don de fournitures.

« Après une épreuve douloureuse Dieu ne nous a pas abandonnés, car il n’abandonne jamais les siens,» dit-elle. « Quelques personnes animées de bonne volonté   nous sont venues en aide en nous donnant quelques bâches, des tôles et des planches en bois. »

Sikudjuwa dit qu’ils ont été obligés d’enduire les planches d’huile à moteur usagée avant de construire leur nouvelle maison.

Traduit de l’anglais vers le français par Ndayaho Sylvestre.