KITOBINDO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Cela fait plus d’un mois que Kasereka Kolinzo, 50 ans, a installé sa femme et ses six enfants en plein milieu d’un champ.
Ils ont construit un abri en chaume au milieu des plants de manioc et des bananiers, mais sans âme qui vive alentour.
« Je campe au champ avec ma famille de peur d’être contaminés par le coronavirus », explique Kolinzo.
Dans cette partie reculée de la province du Nord-Kivu en RD Congo, le coronavirus a provoqué un vent de crainte et de panique parmi les habitants.
Jamais, aux dires des gens d’ici, pareilles extrêmes précautions n’ont été prises par les autorités gouvernementales, même en cas d’Ebola ayant menacé cette région à plusieurs reprises.
Au plus fort de la plus récente épidémie d’Ebola dans le pays qui a fauché plus de 2 000 vies l’année dernière, les habitants n’ont pas été priés de rester chez eux et vaquaient librement à leurs occupations. En plus, souligne Kolinzo, il existe un vaccin anti-Ebola.
Ici, des stations de radio ne cessent de diffuser le nombre de malades et de mourants dans le monde, quoique seulement 106 personnes en RD Congo aient succombé à la COVID-19, maladie causée par le coronavirus, surtout à des centaines de kilomètres à Kinshasa, capitale de la RD Congo. Seuls 54 cas ont été signalés dans le Nord-Kivu, province qui compte plus de 6 millions d’habitants.
Mais aujourd’hui, Kolinzo est l’un des habitants de plus en plus nombreux dans la région à prendre des précautions extrêmes dans l’espoir d’échapper à la COVID-19. La peur du nouveau virus est si forte que les habitants sont prêts à supporter plusieurs autres risques, allant des maladies transmises par les moustiques aux attaques de groupes armés locaux – qui sont tous moins redoutables, précisent-ils, car ce sont des maux connus.
Les pays comme l’Italie et les États-Unis étant les plus durement frappés par la maladie, cela exacerbe aussi les craintes.
« Nous avons peur de cette maladie, car elle a d’abord ravagé les blancs », explique Samuel Kambale Isekalinga, 52 ans.
Et Kolinzo persiste et signe, il ne quittera jamais ce champ à moins que la fin de la pandémie ne soit déclarée.
« Même si nous avons d’autres maladies, nous pouvons nous soigner facilement avec des herbes qui nous entourent », souligne-t-il. « Il n’y a rien de pire que le coronavirus qui est extrêmement dangereux ».
Les écoles et les églises fermées, les regroupements de plus de 20 personnes interdits et la distanciation sociale encouragée ; telle est la mesure prise par le gouvernement congolais à l’image d’une bonne partie du reste du monde. Les Congolais vous le diront : toutes ces restrictions sont inédites.
Des médecins locaux donnent un poids accru à ces messages.
Kambale Tsongo Jean de Dieu, médecin chef de la zone de santé locale de Kayna, encourage ces gens qui évacuent les zones densément peuplées pour s’installer dans leurs champs.
« Le fait de camper au champ peut protéger à 100% contre le coronavirus », confie Tsongo.
S’agissant d’autres risques sanitaires que comporte la vie dans ces champs tels que l’exposition accrue au paludisme, au choléra et à la typhoïde, il en reconnaît l’existence. Selon l’Organisation mondiale de la santé, ce genre de maladies évitables ont été à l’origine de plus de 3 millions de décès en RD Congo au cours des cinq dernières années.
Cela n’a pourtant pas infléchi le choix de Zephanie Kakule.
« J’ai tellement peur. Cette maladie est plus grave que toute autre », affirme Kakule, 36 ans, qui a lui aussi installé sa famille dans un champ des environs.
Selon Kakule, il sait que des groupes armés circulent librement dans cette région et que les gens ayant fait de ces champs leur demeure ont été victimes de vols ces dernières semaines.
À ces risques s’ajoutent des intempéries. Et l’eau potable y fait défaut au grand dam de sa famille.
Ici, la peur du nouveau virus éclipse toutes les autres menaces.
« Corona! Quel est ce genre de maladie qui frappe tous les continents en même temps ? » demande Kakule Kasemengo, agriculteur âgé de 50 ans.
Peu d’autres actualités internationales arrivant dans cette région, la ferveur est peu susceptible de se refroidir sous peu.
« Cette maladie se propage rapidement. Sa dangerosité nous fait peur », explique Potiphar Tamwite, qui vit dans les environs dans la ville de Kirumba. « Je ne veux simplement pas être infecté. Nous n’avons jamais rien vu de pareil ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.