GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Malaika Gakuru a une priorité qui lui tient à cœur: amener les femmes congolaises à faire don de leur sang.
« Venez tous, et donnez une simple goutte de votre sang pour sauver nos vies », lance Gakuru, biologiste âgée de 38 ans, aux femmes rassemblées autour de son activité de sensibilisation au don de sang.
Avant que ne sonne l’heure de clôture de sa réunion, Gakuru, ayant vécu à Goma toute sa vie, donne son sang sous les yeux du groupe, pour montrer combien le don de sang peut se faire facilement et sans douleur.
Ce n’est qu’en mars que Gakuru a créé Blood Aid, une organisation qui milite pour le don de sang, lorsque le centre provincial de transfusion sanguine était en butte à des difficultés à cause d’être en manque de donneurs de sang. Blood Aid regroupe environ une dizaine de femmes représentant d’autres organisations de femmes dans la région. Les femmes constituent notre focus, révèle Gakuru, parce qu’elles ont moins tendance que les hommes à faire don de leur sang.
Fait encore plus intéressant, ce sont les femmes et les enfants qui ont le plus besoin de don de sang. Selon un rapport du Fonds africain de Développement publié en 2003, on estime que 75 pourcent des bénéficiaires de dons de sang en RDC sont des enfants, tandis que 15 pourcent des dons sont affectés aux besoins en soins obstétricaux.
« Ce sont les femmes qui font les frais de la pénurie de sang pendant l’accouchement et en cas d’infection, d’anémie et autres », explique Gakuru, membre du personnel de l’Université de Goma.
Or, même ainsi, certaines femmes rassemblées autour de l’activité de sensibilisation de Gakuru la regardent d’un œil sceptique.
« Alors à quoi bon faire don de mon sang sachant que le centre doit le vendre à ceux qui en ont besoin? », s’indigne Anastasia Balolebwami, étudiante à l’Université de Goma. « Je ne veux pas entendre parler de cela, car il me semble injuste. Ils vendent notre sang et ils doivent me payer s’ils veulent que je fasse don de mon sang ».
Des hôpitaux et cliniques locaux exigent du paiement, mais l’argent tiré du sang vendu ne couvre qu’une faible portion des coûts qu’ils assument pour la collecte et la conservation. Malgré cela, les préoccupations de Balolebwami quant à l’exploitation des donneurs sont légion partout.
Toutefois, la démarche personnelle de Gakuru a porté ses fruits.
« En août 2017, par exemple, 16 personnes – pour la plupart des femmes – se sont manifestées pour donner leur sang », dit-elle.
C’est une grande victoire en RDC, pays qui, à en croire le Fonds africain de Développement, au regard des normes internationales, connaît « une pénurie affreuse d’infrastructures de transfusion ». La plupart des patients reçoivent des dons de sang directs de la part de leurs proches. Les bénévoles, seule source de sang la plus sûre qui aide à la reconstitution des réserves de sang au niveau local, sont rares.
Et non seulement le sang manque, mais aussi il est difficile de trouver suffisamment d’argent pour couvrir les coûts afférents à la collecte, aux tests et à la conservation.
« Nous avons eu de sérieux problèmes dans la mise en œuvre de nos activités », avoue le Dr Liliane Bwiza, coordonnatrice du centre provincial de transfusion sanguine qui compte quatre laboratoires dans la région pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en sang pour des personnes qui en ont besoin.
Aux dires de Bwiza, une poche de sang se vend aujourd’hui à environ 16 dollars, ce qui couvre environ 12 pourcent des dépenses engagées par le centre. Encore récemment, les organisations internationales pouvaient financer le reste des coûts.
Mais l’aide internationale reste sujette à de grandes fluctuations au fil du temps, et le centre peine à fonctionner. Un patient pourrait bientôt devoir débourser 107 dollars pour une poche de sang, si le centre ne reçoit plus d’aide financière, déplore Bwiza.
Un hôpital à Goma a trouvé une solution en faveur de ses patients. L’hôpital Charité Maternelle, qui s’approvisionne en sang auprès du centre provincial de transfusion sanguine, a innové un fonds dans lequel chaque patient à l’hôpital doit verser 1 dollar. Ce fonds sert à couvrir le coût du sang pour des patients n’ayant pas de quoi payer la facture du sang reçu.
« Ce fonds est extrêmement important », explique le Dr Jules Kafitiye, médecin directeur de l’hôpital. « Chaque mois, nous recevons près de 25 demandes de sang de la part de nombreuses personnes, et cinq d’entre elles sont des indigents ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.