HUTWE, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Dans les alentours du village, c’est un paysage luxuriant et verdoyant qui défile sous les yeux. L’eau d’une rivière proche en abondance et le sol riche et fertile se conjuguent pour rendre cette région verdoyante aux champs de manioc, culture de base locale.
Le matin, des agriculteurs s’occupent de ces champs et quand l’après-midi arrive, ils s’affairent à l’entretien de leurs caféiers. Si ces champs de manioc sont leur source de bouffe, leurs caféiers, eux, permettent de répondre à la plupart de leurs autres besoins ou, du moins, ceux inaccessibles en l’absence de fric.
« Notre café, c’est une source de richesse de notre région », déclare Ndungo Kamawite, producteur de café et père de huit enfants.
Kamawite est propriétaire d’un champ de café de 90 mètres carrés. Il jouit de deux récoltes annuelles et vend sa récolte à la Solidarité pour la promotion et la commercialisation des produits industriels et vivriers (SOPROCOPIV), une société coopérative.
Cette coopérative distribue aux agriculteurs des semences gratuites issues d’un projet de germination et organise des programmes de formation sur la meilleure façon de réussir la culture du café. Une petite usine de dépulpage aide les agriculteurs à extraire les grains de café de la cerise. La SOPROCOPIV travaille avec des agriculteurs de Hutwe depuis 2014.
Jusque-là, les caféiculteurs pouvaient compter sur des machines artisanales pour le séchage des grains. Et pour écraser ces derniers, ils se servaient des mortiers et des pilons ou des meules, ce qui n’était pas sans compromettre la qualité. Parcourir des sentiers montagneux de près de 30 kilomètres vers le nord et le sud transportant leur café était leur seul moyen de faire parvenir leur café aux acheteurs les jours de marché.
Aujourd’hui, la SOPROCOPIV achète le café payant entre 600 et 1 920 francs congolais le kilo, selon que le café est brut ou transformé, explique Justin Muhindo Kisono, agronome chef de station de cette coopérative à Hutwe.
Un café de qualité supérieure dans cette partie du monde ne date pas d’aujourd’hui. Le café de la RDC était réputé à la fin des années 1970 et au début des années 1980, déclare Ivan Godfroid, directeur régional de Rikolto, une organisation de droit belge qui appuie des coopératives de café en RDC et ailleurs dans le monde.
Cette région ayant connu l’insécurité dans les années 1990 et 2000, pas mal de zones de la province du Nord-Kivu dont Hutwe ont fini par se retrouver isolées. Et encore aujourd’hui, la violence par des groupes armés actifs dans la région tarde à faiblir.
Pourtant à l’heure actuelle, le climat sécuritaire reste assez calme à Hutwe, permettant ainsi de commencer à planifier un avenir de l’agriculture.
Environ 70 pourcent des habitants du village se retrouvent dans la production de café, révèle Kisono.
Il s’agit entre autres de nouveaux arrivants comme Kavugho Kihunga qui a choisi de s’installer à Hutwe en provenance de la région montagneuse à l’est pour fuir la violence. Il y a trouvé le travail de récolte de café.
« Ainsi, je parviens à survivre », déclare Kihunga.
Kihunga n’est pas le seul à affirmer que l’industrie du café locale fait la différence entre la survie et le désespoir.
Dorcas Kavira gagne 30 dollars par mois en faisant le tri des grains de café. Son travail lui permet de se mettre à « l’abri de la mendicité », lâche-t-elle.
Selon Mwanzali Syalikowiwe, chef de quartier de Kyaramba à Hutwe, le retour en force de l’industrie du café lui rappelle l’époque de son enfance.
« Je me souviens que quand j’étais jeune en 1984, il m’est arrivé de produire huit sacs de café, le prix étant à 1 dollar le kilo », renseigne-t-il.
Aux dires de Syalikowiwe, il compte aujourd’hui 300 caféiers.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.