MAKISO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — En 2013, Alphonse Nganda s’est installé dans sa confortable demeure avec ses huit enfants, et ce, dans la municipalité de Makiso, non loin de Kisangani. À l’en croire, les choses allaient bon train jusqu’à l’heure où il a, en 2015, reçu un avis selon lequel sa maison était érigée dans une zone règlementée et sujette à des inondations.
Puis, des années passant après réception de ce premier avis, Nganda a fini par ignorer ce dernier, confie-t-il.
Et, en avril, le gouvernement provincial est venu, rasant complètement sa demeure, et ce, sans moindre mise en demeure, déplore-t-il.
Des titres de propriété pour sa maison, Nganda en avait à gogo en plus des permis de pêche et d’exploitation de ces terres. Pourtant, des autorités affirment que sa maison et des dizaines d’autres à proximité ont été construites dans une zone à basse altitude sujette à des inondations et au regard de laquelle il existe une interdiction de construire depuis des années.
Pour faire prendre conscience de cette interdiction de construire, le gouvernement provincial de la Tshopo a, plus tôt cette année, mené une campagne dans ces zones pendant cinq mois, mais Nganda déclare qu’il n’avait jamais entendu parler de cette interdiction.
« Si le gouvernement avait décrété une interdiction de construire, cette parcelle de terrain n’aurait pas été vendue », dit Nganda à propos du terrain sur lequel il a construit sa maison. « Et aujourd’hui, ils ont détruit notre maison ».
Selon Achille Osiyo, chef du bureau des statistiques de la mairie de Kisangani, depuis le mois d’avril, une trentaine de maisons ont été entièrement démolies alors que des dizaines d’autres l’ont été partiellement faute de machines.
La décision de démolir ces maisons dans des zones à basse altitude auxquelles s’applique l’interdiction de construire a été rendue en avril par le tribunal civil provincial.
Au total, plus de 700 personnes ont été déplacées après que le gouvernement eut rasé leurs maisons, confie Osiyo.
Aux dires d’Osiyo, aucun décès n’a été enregistré lors de la démolition, mais 10 habitants ont subi des blessures. Quoique la valeur totale des dommages reste inconnue, des habitants affirment avoir perdu des meubles, des téléviseurs, des articles ménagers et des objets de valeur valant plusieurs milliers de dollars.
Olivier Katanga, bourgmestre de la municipalité de Makiso, a supervisé les travaux de démolition et se dit persuadé que tous les habitants vivant dans cette zone le faisaient illégalement. Le service des titres fonciers n’aurait pas délivré de permis de construire dans cette zone, renchérit-il.
Pourtant, nombreux sont ceux qui ont des titres fonciers pour leurs terres.
Sa maison ayant été détruite en avril, Theo Mambiaki possède lui aussi des documents délivrés par le service des titres fonciers attestant qu’il est propriétaire de sa maison. Sa petite maison a été démolie à son insu et sans moindre explication de la part des autorités.
« Nous disposons des documents parcellaires délivrés par les autorités de la municipalité », annonce Mambiaki. « Je n’ai jamais été informé ni de l’interdiction de construire ni de l’intention de raser ma maison ».
De l’avis des habitants dont les maisons ont été détruites, ils ignorent toujours le genre de recours à faire pour obtenir une indemnisation.
« Ils leur appartiendra de chercher les personnes qui ont pris leur argent pour demander la restitution », martèle Katanga, ajoutant que quiconque possédait des maisons dans cette zone les avait achetées illégalement auprès des vendeurs tiers.
Selon Katanga, si les habitants ont ignoré des campagnes de sensibilisation qui ont été menées pendant des mois à la radio et dans des quartiers et au cours desquelles des gens parcouraient la région avec un mégaphone, il n’y avait plus rien à faire pour eux.
Pourtant, des habitants affirment que la décision de démolir leurs maisons, souvent à leur insu et en leur absence à la maison, était injuste.
Catherine Nato, dont la maison a été démolie en avril, affirme qu’elle reste toujours sans abri.
« Le gouvernement provincial devrait rembourser notre argent et nous donner une autre parcelle de terrain », dit-elle. « Nous attendons une réponse claire ».
Selon Germain Bahati, avocat au barreau de Kisangani, il est probable que les habitants introduisent une action en justice. Selon lui, la loi congolaise autorise les citoyens à poursuivre le gouvernement devant la haute cour du pays.
« Ces gens ont le droit d’être suffisamment sensibilisés avant que [le gouvernement] ne procède à l’opération de démolition », déclare Bahati. « Ayant pris cette décision, le gouvernement devrait aujourd’hui mettre en place des mesures palliatives pour venir en aide à cette population ».
Les citoyens peuvent se voir rembourser pour des dommages causés par l’action du gouvernement dans certains cas, mais cela n’est pas probable, annonce Katanga. Il était clair, selon la décision du tribunal, que les personnes qui ont vécu et construit illégalement n’ont droit à aucune assistance de la part du gouvernement.
À en croire certains habitants, ils s’efforcent aujourd’hui de prouver leur propriété légale pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux.
Mais cela s’avère difficile dans certains cas.
« Nous n’avons pas pu trouver la personne qui nous a vendu notre terre », déclare Nganda à propos d’un courtier qui lui a vendu des terres en 2013. « Ils se sont enfuis après avoir appris que nous les recherchions ».
Le statut juridique de l’achat de ses terres étant inconnu, il ne sait plus à quel saint se vouer.
« Nous ne savons que faire », avoue-t-il.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.