Democratic Republic of Congo

25 ans de présence, 224 allégations d’abus, absence de paix : quand une mission de maintien de la paix de l’ONU devient persona non grata en RDC

La mission, après plusieurs années de présence, laisse un bilan mitigé. Assurant la sécurité des populations déplacées internes, certains de ses Casques bleus étaient accusés d’abus sexuels. Chez certains, son départ suscite la joie. Mais, chez d’autres, le pronostic est sombre : un dangereux vide sécuritaire se profile à l’horizon.

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25 Years, 224 Abuse Allegations, No Peace: DRC Kicks Out UN Peacekeeping Mission

Illustration de Matt Haney, GPJ

GOMA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Fin septembre, le président Félix Tshisekedi réclamait le départ d’une mission de maintien de la paix en RDC.

S’adressant à la 78e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, Tshisekedi parlait, dans son discours, de la MONUSCO, Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC.

Dans son discours, le président a déploré que les missions de maintien de la paix déployées dans le pays n’aient pas réussi à faire face aux rébellions et aux conflits armés. Aussi a-t-il indiqué qu’il avait demandé à son gouvernement de procéder au retrait accéléré de la MONUSCO, en le ramenant de décembre 2024 à décembre 2023. Le processus de retrait est déjà en cours. Fin novembre, la MONUSCO a signé un plan de désengagement.

En date du 19 décembre 2023, le mandat de la MONUSCO a toutefois été renouvelé pour un an, l’accent étant mis sur le démarrage du désengagement suivant le plan cosigné en novembre dernier. Le retrait complet de la MONUSCO est prévu d’ici la fin de 2024.

Initialement baptisée MONUC, la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo a été créée par le Conseil de sécurité de l’ONU par sa résolution 1279 du 30 novembre 1999. À l’origine, elle avait pour rôle d’assurer le suivi de l’application de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka, signé entre la RDC et cinq États de la région (Angola, Namibie, Ouganda, Rwanda et Zimbabwe), tous impliqués dans la deuxième guerre du Congo. L’objectif était de s’assurer du désengagement des forces étrangères présentes sur le sol congolais, de maintenir la liaison avec toutes les parties à l’Accord et de préparer un déploiement plus conséquent des forces onusiennes.

Quoique peu enclin, au début, à donner son feu vert à une présence onusienne dans le pays, le gouvernement s’est finalement montré favorable au déploiement d’une force onusienne de maintien de la paix, y voyant un moyen de favoriser un règlement négocié du conflit. En 2010, la mission a changé son nom en MONUSCO pour faire écho à sa mission élargie de stabilisation du pays, recentrant sa priorité numéro un autour de la protection des populations civiles. Ces nouvelles priorités ont été adoptées en décembre 2008. Les effectifs de la MONUSCO sont passés d’environ 5 500 hommes en 2000 à plus de 20 000 en 2010. En février 2023, les effectifs tournaient autour de 15 000 soldats et policiers, auxquels s’ajoutaient 3 000 personnels civils. Et un montant de 1,1 milliard de dollars américains, c’est le coût de fonctionnement de la mission.

Alors que l’on se prépare au désengagement total de la MONUSCO à l’horizon 2024, son départ apporte son lot d’incertitudes. Selon une étude menée en septembre 2022 et intitulée « Défis et enjeux du plan de retrait de la MONUSCO », le retrait de 12 000 Casques bleus bien équipés va créer un vide sécuritaire. Il aura aussi localement un impact économique notable, notamment pour les nombreux agents employés par la MONUSCO.

La MONUSCO laisse derrière elle un bilan mitigé. Bien qu’ayant essayé de rétablir la paix en RDC, elle était, aux yeux de ses détracteurs, impopulaire auprès des populations locales pour diverses raisons, parmi lesquelles son incapacité à protéger les populations civiles contre l’exploitation sexuelle et le M23, un groupe armé.

Manifestations de juillet 2022 et montée d’un sentiment anti-MONUSCO

En juillet 2022, des violences se sont déchaînées dans plusieurs villes dans l’est de la RDC, notamment à Goma, Butembo et Uvira, quelques jours après la visite à Goma du président du Sénat de la RDC, Bahati Lukwebo, qui a réclamé le départ de la MONUSCO.

Dans les jours qui ont suivi le discours du sénateur, des foules visiblement furieuses ont envahi les rues de Goma et se sont dirigées vers la base de la MONUSCO. La manifestation avait commencé de manière pacifique, mais s’est vite transformée en bain de sang, les émeutiers attaquant les bases de la MONUSCO et saccageant les maisons du personnel de l’ONU. Des manifestations ont par ailleurs eu lieu à Butembo et à Uvira. Trois Casques bleus de l’ONU ont été tués à Butembo, tandis que 16 ressortissants congolais ont été tués et plus de 70 blessés. Selon l’ONU, les enquêtes préliminaires montrent que ces manifestations n’étaient pas spontanées, mais plutôt bien coordonnées.

La MONUSCO et embarras du M23 en 2012

Selon les sources interviewées pour cet article et d’autres rapports, les sentiments de frustration suscités par la MONUSCO ne datent pourtant pas d’hier. Lorsque les rebelles du M23 ont pris le contrôle de Goma en 2012, des manifestations ont éclaté contre la MONUSCO. Les manifestants pointaient du doigt l’absence de réaction de la part de l’ONU et son incapacité à protéger les populations civiles.

Jafari Chilemba, commerçant à Goma et père de sept enfants, n’a plus confiance en la MONUSCO quant à sa capacité à protéger la population, et ce, après les événements survenus il y a une décennie. À l’époque, l’armée de la RDC, soutenue par la MONUSCO, n’a pas réussi à repousser le M23, qui a pris le contrôle de la ville et de deux postes-frontières stratégiques.

« Nous avons été surpris par la facilité avec laquelle les rebelles ont pu avancer et prendre la ville, alors que les soldats de la paix étaient équipés d’armes lourdes, notamment de chars de combat », dit Chilemba.

Chilemba a enregistré des pertes, car il a dû fermer boutique jusqu’au retour à la normale.

« Depuis cet incident, j’ai fini par constater que les soldats de la paix de l’ONU sont des touristes. Je ne les vois plus comme des gens sur qui nous pouvons compter pour notre protection, et je me demande chaque jour pourquoi ils sont encore sur notre sol », dit-il.

La MONUSCO et l’armée ont fini par récupérer Goma des griffes du M23, mais l’incident lui a fait perdre en crédibilité aux yeux des populations locales.

Si les missions de maintien de la paix de l’ONU dans la région sont sous le feu des critiques en RDC, d’autres missions de l’ONU présentes sur le continent, parmi lesquelles la Mission multidimensionnelle intégrée de l’ONU pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), la Mission multidimensionnelle intégrée de l’ONU pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et la Mission de l’ONU au Soudan du Sud (MINUSS) ne font pas exception. Selon l’International Crisis Group, les populations de ces pays dénoncent l’incapacité des missions de maintien de la paix de l’ONU à restaurer la paix. En juin 2023, la mission au Mali a dû plier bagage après une décennie de troubles dans le pays.

Un article paru dans le Third World Quarterly Journal et portant sur une évaluation réalisée en 2014 par le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU (BSCI) a révélé que la MONUSCO n’avait fourni une « réponse immédiate » (qui se définit comme étant « une intervention politique ou militaire pendant l’attaque elle-même ») que dans 26 % des incidents signalés. Et même s’il peut s’avérer difficile pour le personnel de la mission de se déployer sur un site une fois qu’une attaque a commencé, la mission est – dans bien des cas – mise au courant d’une possible crise avant l’incident lui-même, mais ne réagit toujours pas.

Et même lorsque le personnel de maintien de la paix de l’ONU est présent au moment d’une agression, il est rarement déployé dans le cadre d’une action de protection, toujours selon le même article.

« J’ai fini par constater que les soldats de la paix de l’ONU sont des touristes. Je ne les vois plus comme des gens sur qui nous pouvons compter pour notre protection, et je me demande chaque jour pourquoi ils sont encore sur notre sol » .

L’un des défis de la MONUSCO pourrait consister en ce qu’une bonne partie de ses activités réalisées pour le maintien de la paix ne sont pas immédiatement visibles par la population.

En matière de protection des civils – à en croire Ndèye Khady Lo, porte-parole de la MONUSCO, la mission réalise ses efforts en recourant à un large éventail d’outils et de moyens, allant de la planification de ses propres activités militaires et policières à la collaboration avec sa composante civile par l’intermédiaire de ses bureaux locaux.

« Ses bases temporaires et permanentes assurent la sécurité quotidienne de centaines de milliers de civils déplacés dont la survie dépend directement de la présence des Casques bleus et de leurs patrouilles intensives en Ituri, au Nord et au Sud-Kivu », dit-elle.

Dans le seul territoire de Djugu en Ituri, dit Lo, la MONUSCO fournit aujourd’hui une protection physique à plus de 100 000 personnes déplacées internes à travers non seulement ses quatre bases opérationnelles temporaires à Bayoo, Fataki, Rhoo et Gina, mais aussi différents déploiements permanents de combat à Drodro et Amee.

Dans certains cas, par exemple, en dissuadant les groupes armés de lancer des attaques, la mission a établi une zone de sécurité pour permettre le retour en toute sécurité des civils, mais n’a pas recouru à la force dans le cadre d’une intervention visant à protéger les civils. Dans d’autres cas, les défaillances sont liées au temps pris pour intervenir – la mission passe à l’action, mais seulement après qu’une attaque a eu lieu.

Grâce à l’utilisation de techniques de recueil de renseignements avant incident, la MONUSCO a réussi à s’acquitter de certains aspects de son mandat qui ne sont pas toujours visibles pour la population, par exemple en empêchant l’escalade de conflits susceptibles de conduire à des violences de masse. En 2018, la MONUSCO a également contribué à une élection présidentielle qui s’est pour l’essentiel déroulée dans le calme. Aussi a-t-elle facilité le désarmement des groupes armés et la réinsertion sociale des enfants soldats.

Neema Zawadi, âgée de 43 ans et mère de cinq enfants, dit toutefois qu’elle ne fait pas confiance à la MONUSCO. Et pour cause : sa prétendue incapacité à remplir sa mission en RDC.

« En tant que Congolaise, je ne vois pas vraiment la pertinence de la MONUSCO dans notre pays. Quelle paix nous a-t-elle apportée depuis son arrivée ? Personne ne peut apporter la paix dans notre pays, sauf les Congolais eux-mêmes, qui sont toujours les victimes de la guerre. Nous voulons que la MONUSCO parte. Nous en avons assez », dit Zawadi.

Montée en puissance du M23

Le M23 menant une nouvelle incursion en 2021, un climat de méfiance à l’égard de la MONUSCO s’est installé.

En février 2023, un convoi de la MONUSCO a été la cible d’une embuscade près de Munigi, un village situé à 7 kilomètres de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, en RDC. Munigi abrite des milliers de personnes déplacées internes fuyant des combats entre l’armée régulière de la RDC et le M23. Au cours des manifestations, la vie de trois manifestants a été fauchée quand des personnes déplacées internes ont mis le feu à quatre camions, accusant la MONUSCO de collaborer avec le M23.

Gédéon Konkwo, âgé de 27 ans et déplacé de Rutshuru, a lui aussi pris part aux manifestations contre la MONUSCO en février. Il accuse cette dernière de ne pas avoir protégé son village contre les attaques du M23.

Lo parle des défis que les manifestations ont posés à la MONUSCO. « En raison du sentiment anti-MONUSCO, alimenté en partie par une série de campagnes de désinformation au sein des communautés et sur les réseaux sociaux, l’accomplissement de notre mandat est sérieusement entravé, et l’image de la mission est ternie ».

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Toutefois, dit-elle, la MONUSCO poursuit son engagement à œuvrer aux côtés du gouvernement et des personnes les plus vulnérables, y compris les personnes déplacées internes.

Au dire de Lo, la MONUSCO a contribué de manière cruciale au processus de paix en RDC. Il y a un peu plus de 24 ans, le pays était divisé en raison de la présence d’armées étrangères et de groupes armés menaçant sa stabilité et son intégrité territoriale, et l’action de la MONUC a été « décisive pour sa réunification ». Aux côtés de nombreux partenaires nationaux, régionaux et internationaux, la mission a soutenu le processus de paix qui a permis de restaurer l’autorité de l’État sur plus de 90 % du territoire national, dit Lo.

« Cela s’ajoute à la garantie de la tenue d’élections présidentielles en 2006 et 2011 et à la collaboration avec les Forces armées de la République démocratique du Congo en 2012-2013, pour écraser la rébellion du M23 et libérer Goma », dit-elle.

On a réussi à mater le M23 jusqu’à la fin de l’année 2021, période pendant laquelle ce groupe s’est réorganisé, lançant une nouvelle vague d’attaques. Sa résurgence a attisé les flammes du mécontentement à l’égard de la MONUSCO, lequel mécontentement a atteint son paroxysme en juillet 2022, lorsque le gouvernement a fait écho aux appels lancés par la population, réclamant le départ de la MONUSCO.

Lo signale les succès enregistrés par la MONUSCO au plus fort de la récente résurgence du M23. « Pendant l’offensive du M23 dans les territoires de Masisi et de Rutshuru, les bases de Kitchanga et de Kiwanja ont assuré la sécurité et l’hébergement de milliers de personnes déplacées », dit-elle.

Elle ajoute que des milliers de civils se sont dirigés vers les bases, où ils ont été mis en sécurité. La MONUSCO a également assuré la sécurité des journalistes, des chefs de communautés, des autorités locales et des membres des organisations de la société civile.

Lisa Hultman, professeur agrégé d’études sur la paix et les conflits à l’université d’Uppsala en Suède, estime que la situation dans laquelle la MONUSCO opère est complexe. « Si l’on considère le mandat de la MONUSCO et ce qu’elle est censée faire, je ne dirais pas que c’est un échec complet ou qu’elle a été très efficace. Nous devons comprendre que le problème est tout simplement trop complexe pour que les forces de maintien de la paix de l’ONU puissent l’aborder sous tous ses aspects ».

Sankara Bin Kartumwa, militant au sein du mouvement Lutte pour le changement (Lucha), un mouvement citoyen congolais non-partisan et non-violent, et figure de proue des manifestations, voit les choses autrement. « Depuis plus de 23 ans que la MONUSCO est au Congo, le nombre de groupes armés a augmenté, les gens continuent de vivre dans des conditions dangereuses et des vies innocentes continuent d’être perdues », a-t-il dit lors d’une interview en 2022.

Après la mort de son jeune frère tué dans une attaque menée par un groupe armé, Pierre Kubwimana a dû fuir sa ville natale de Rutshuru avec sa famille l’année dernière. Si, dit-il, la protection par la MONUSCO était réalité, son frère et sa famille seraient de ce monde aujourd’hui.

« La base de la MONUSCO n’était qu’à quelques kilomètres de mon village, mais lorsque les groupes rebelles nous ont attaqués, ils n’ont pas bougé le petit doigt », dit-il.

La MONUSCO et l’exploitation sexuelle

Comme si les allégations d’incapacité à protéger les populations civiles ne suffisaient pas, certains membres de cette force s’exposent à des accusations d’agressions sexuelles sur de jeunes filles dans la région.

Souvent, la pauvreté a été un facteur clé explicatif de relations entre les officiers de la MONUSCO et de jeunes filles en RDC.

« À l’époque, sortir avec un soldat de la paix était une chance, du moins c’est ce que je pensais quand j’avais 18 ans », dit Esther Mwamini, 31 ans, qui a eu une relation avec un officier de la MONUSCO alors qu’elle n’avait que 15 ans.

Au dire de Mwamini, son cas n’a rien à voir avec le viol, car ayant donné son consentement. L’officier l’a aidée pour ses études et pour subvenir à d’autres besoins.

« Chaque fois qu’il m’appelait pour avoir des relations sexuelles, il me donnait aussi de l’argent, entre 50 et 100 dollars américains. Cet argent signifiait beaucoup, car je pouvais acheter tout ce dont j’avais besoin », dit-elle.

Même si nombreuses sont les filles ayant eu des relations sexuelles avec le personnel de la MONUSCO qui affirment avoir eu des relations consensuelles, il convient de signaler que, selon la loi congolaise, les relations sexuelles avec des mineurs constituent un attentat à la pudeur, que la victime soit consentante ou non.

« Chaque fois qu’il m’appelait pour avoir des relations sexuelles, il me donnait aussi de l’argent, entre 50 et 100 dollars américains. Cet argent signifiait beaucoup, car je pouvais acheter tout ce dont j’avais besoin » .

On a assisté à de nombreuses allégations d’exploitation sexuelle et d’abus contre des femmes et des filles des communautés locales impliquant des Casques bleus de la MONUC et de la MONUSCO. Ces allégations ont éclaté au grand jour en 2004 dans une série de rapports faisant état de 150 cas d’agression sexuelle, dont 68 cas de viol, de prostitution et de pédophilie, ainsi que de cas de torture, de pornographie mettant en scène des enfants et de paternité d’enfants conçus par des Casques bleus. La majorité des allégations portaient sur des relations sexuelles avec des personnes de moins de 18 ans, les relations sexuelles d’ordre transactionnel étant particulièrement fréquentes. Entre 2007 et 2010, 181 allégations d’abus commis par le personnel de la MONUC ont été signalées contre 224 allégations rapportées entre 2010 et 2021 visant le personnel de la MONUSCO.

Même si ce n’est qu’au début des années 1990 qu’ont commencé à apparaître des allégations d’exploitation et d’abus sexuels par des Casques bleus d’autres missions, il a fallu attendre 2002 pour que l’ONU commence à s’attaquer à ce problème. À la suite de la circulaire du Secrétaire général sur les « Mesures spéciales visant à prévenir l’exploitation et les abus sexuels », ce qui est depuis devenu la politique de tolérance zéro de l’ONU a vu le jour. Elle vise la prévention de l’exploitation et des abus sexuels et prévoit entre autres des conséquences pour les Casques bleus reconnus coupables de ces forfaits.

En décembre 2007, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté deux résolutions importantes : La résolution 62/63, qui définit la responsabilité pénale, et la résolution 62/214, qui définit la « Stratégie globale d’aide et de soutien aux victimes d’actes d’exploitation ou d’agressions commis par des membres du personnel de l’ONU ou du personnel apparenté ».

Mais, lit-on dans une étude publiée dans Conflict and Health Journal, ces résolutions et politiques se sont révélées insuffisantes, tant en matière d’intervention en faveur des victimes d’abus que de sanctions à l’encontre des coupables. L’immunité fonctionnelle qui signifie que les Casques bleus ne peuvent être poursuivis directement pour des crimes commis au cours de leur mission officielle de maintien de la paix empêche la reddition des comptes de faire son chemin parmi les Casques bleus. Seuls les mémorandums d’accord et les accords sur le statut des forces s’appliquent au personnel militaire. Et si, techniquement, les pays fournisseurs de troupes sont tenus par ces accords d’exiger de ces troupes qu’elles répondent de leurs actes, aucune loi ne les y oblige.

Au dire de Lo, la MONUSCO met tout en œuvre pour prévenir l’exploitation et les abus sexuels. « Ces actes répréhensibles portent atteinte à l’image et à la réputation de nos plus de 2 millions de soldats de la paix, qui s’engagent pour la paix dans certains des endroits les plus difficiles du monde et sacrifient parfois leur vie pour que d’autres puissent être protégés ».

Un membre du personnel de la MONUSCO qui, dit-elle, en vertu d’une enquête, fait l’objet d’une allégation fondée, voit s’envoler toute opportunité future d’emploi au sein de l’ONU ou de déploiement au sein d’une force onusienne.

L’ONU déploie la MONUC, une mission de maintien de la paix, pour surveiller et faire respecter le cessez-le-feu pendant la deuxième guerre du Congo.

La MONUC est secouée par un scandale d’abus sexuels généralisés commis par son personnel.

Les Casques bleus aident à organiser les premières élections multipartites en RDC depuis 41 ans.

Un massacre de 150 personnes à Kiwanja suscite des doutes quant à la capacité des forces de maintien de la paix à protéger les civils.

La mission est rebaptisée « MONUSCO » et ses effectifs passent à plus de 20 000 hommes, la protection des civils étant sa priorité absolue.

Le M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda, prend le contrôle de Goma pendant 11 jours avant d’être repoussé par une force de maintien de la paix.

Une unité de maintien de la paix militarisée, la Brigade d’intervention, est créée pour passer à l’offensive.

Une stratégie pluriannuelle de réduction des effectifs est adoptée et neuf bureaux locaux ferment leurs portes entre 2018 et 2020.

La MONUSCO et le gouvernement de la RDC s’accordent sur les « conditions minimales pour le retrait de la MONUSCO » d’ici fin 2024.

Des manifestants coordonnés attaquent et pillent les bases de la MONUSCO dans l’est de la RDC, tuant trois Casques bleus.

À quoi s’attendre après le départ de la MONUSCO ?

Le 19 juin, la cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita, et le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, ont tenu un briefing de presse à Kinshasa pour discuter du retrait de la MONUSCO. Le ministre a expliqué que le gouvernement avait déjà pris en compte le souhait de la population de voir la MONUSCO partir. Il a toutefois précisé que cela devait se faire de manière « organisée, structurée et civilisée ».

Keita a précisé que la MONUSCO s’apprêtait déjà à quitter le pays. Le départ de la MONUSCO « a déjà commencé », a-t-elle dit, ajoutant qu’il importe que le retrait se fasse d’une façon digne et pacifiée. « On ne démantèle pas une Mission en quelques heures. Et ça, je crois que c’est un message important à faire passer à tout le monde. On ne peut pas démanteler cette mission en deux temps trois mouvements ».

Selon Hultman, les Casques bleus sont souvent déployés dans les endroits les plus agités, dans les contextes les plus complexes, comme c’est le cas en RDC. Bien qu’ils aient essayé de mener à bien leur mission, ils semblent avoir échoué aux yeux de la population.

« Mais la vraie question », s’interroge Hultman, « est : que ce serait-il passé en RDC si l’ONU n’avait pas été là ? »

Noella Nyirabihogo est journaliste à Global Press Journal en poste à Goma, en République démocratique du Congo.

Ashley Powers a participé à la réalisation de cet article.


NOTE À PROPOS DE LA TRADUCTION

Traduit par Ndahayo Sylvestre, GPJ.

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