Rwanda

Des enfants laissés seuls à la frontière, une réalité qui n’est plus à présent car de nouvelles crèches assurent la garde des enfants des commerçantes rwandaises

Des enfants autrefois livrés aux soins d’autres enfants ou laissés seuls sont aujourd’hui gardés et nourris par des nounous formées.

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Alone at the Border No More: New Day Care Centers Watch Over Children of Rwandan Traders

Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Plus de 45 000 personnes en provenance du Rwanda traversent chaque jour la frontière vers la RDC. Nombre d’entre elles sont des femmes commerçantes qui vendent leurs marchandises à des prix plus élevés en RDC.

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GISENYI, RWANDA — Mireille Mbanjisaro, 26 ans, ne pouvait que laisser sa petite fille à la frontière avant d’entrer en République démocratique du Congo pour y vendre des marchandises toute la journée.

Confier son bébé à d’autres enfants laissés aussi par leurs mamans à la frontière était sa seule option. Parfois, elle se trouvait dans l’obligation de laisser ce bébé seul.

Portant des marchandises dans une bassine sur sa tête, Mbanjisaro traverse aujourd’hui La Petite Barrière, le plus petit poste frontière entre Gisenyi, au Rwanda, et Goma, en RDC. Cette fois pourtant, elle passe par un portail ouvert devant une maison, et sa fille, qui a maintenant 2 ans, est pressée d’y entrer.

Aussitôt qu’elle descend sa fille de son dos, deux nounous d’une nouvelle crèche s’approchent pour escorter sa fille et d’autres enfants à l’intérieur de la maison. Et c’est avec soulagement que ces mamans récupèrent leurs enfants le soir, de retour de la RDC après la vente de leurs marchandises à des prix plus élevés.

« Ce n’est qu’à l’âge de 4 mois que j’ai commencé à laisser mon bébé sous la véranda des magasins près de la frontière », explique Mbanjisaro. « Et chaque fois que la pluie tombait, je savais que je devais aller à l’hôpital le jour suivant car mon enfant attrapait immédiatement la grippe ».

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Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Des dizaines d’enfants sont aujourd’hui déposés à la crèche plutôt que d’être laissés seuls à la frontière. Une fois à la crèche, ils mangent, boivent et jouent en toute sécurité.

Cela comportait aussi d’autres dangers. Certaines mères pouvaient constater la disparition de leurs enfants. D’autres devenaient victimes de la violence.

Ce problème des mères traversant la frontière pour le business, laissant leurs enfants à la frontière, couvert pour la première fois par GPJ en 2016, a retenu l’attention des autorités. En 2017, le district de Rubavu a ouvert une crèche à la frontière en partenariat avec l’Action pour le développement du peuple, un organisme local à but non lucratif œuvrant en faveur des membres vulnérables de la communauté.

Pendant des années, les enfants laissés seuls à la frontière devaient se débrouiller seuls pour tenir tête à la faim, aux intempéries et à la violence. Certains d’entre eux, souvent âgés de 4 à 10 ans, devenaient des baby-sitters, portant des bébés à longueur de journée dans le dos.

Selon les estimations du gouvernement local, La Petite Barrière est fréquenté par jusqu’à 45 000 personnes par jour, dont 90 pourcent sont des femmes. Ici, près des trois quarts des commerçants informels sont des femmes, dont nombre d’entre elles transportent des marchandises sur la tête pour les vendre de l’autre côté de la frontière.

Selon ces mamans, les coûts et les conséquences liés à la traversée de la frontière avec leurs enfants sont multiples. Le coût d’un document de voyage pour un enfant s’élevant à 10 000 francs rwandais, il reste hors de prix pour la plupart des ménages. Et la sécurité de l’autre côté de la frontière est mise en doute.

N’ayant pas de nom officiel mais connu sous le nom d’Irerero Ryo Ku Mupaka Muto en kinyarwanda, ou « crèche à La Petite Barrière », cette crèche est logée dans une maison louée dans laquelle on assure la garde de 25 à 30 enfants de 6 heures à 18 heures tous les jours. Pour ces enfants, il y a de quoi se régaler! De multiples repas et du lait enrichi sous la garde de cinq nounous qualifiées. Les enfants qui présentent des signes de maladie ou de malnutrition sont emmenés dans des centres de santé locaux pendant la journée pour être pris en charge par une nutritionniste.

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Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Aujourd’hui, ces mères qui laissent leurs enfants dans la crèche financée par le district ont également accès à des contraceptifs et même à des micro-crédits leur permettant de faire le petit commerce, ce qui pourrait les mettre à l’abri du besoin de traverser la frontière chaque jour.

Outre la prise en charge des enfants, affirme la coordonnatrice Marie Jeanne Mukaruranga, les crèches comme la sienne offrent une gamme de possibilités d’éducation pour ces mères.

« Avant, les femmes amenaient leurs enfants sans les avoir lavés, et ces enfants portaient des vêtements sales. Et à leur retour, on leur présentait des enfants propres. Et aujourd’hui, la propreté non seulement de leur corps, mais aussi celle du corps de leurs enfants est devenue une habitude », assure Mukaruranga.

À la crèche, ces mamans y rencontrent également une infirmière qui leur propose des contraceptifs. Dès lors, environ 8 mères sur 10 utilisent aujourd’hui des méthodes contraceptives, explique Onesphore Biryabanzi, chargé de la promotion du genre et de la famille dans le district.

Selon Biryabanzi, la crèche a pour objet de combattre la maltraitance des enfants et la pauvreté.

Ces mères qui laissent leurs enfants à la crèche peuvent désormais demander un micro-crédit pour démarrer leur propre business au Rwanda, et ce, grâce à un partenariat entre le district et un partenaire local qu’est l’Action pour le développement du peuple.

« Cela aidera à réduire le nombre de femmes qui traversent la frontière et celui des enfants laissés à la crèche, car leurs mères resteront avec eux au village, occupées à gérer leurs projets censés améliorer leurs conditions de vie », annonce Biryabanzi.

De l’avis des mères, elles ne peuvent qu’être reconnaissantes pour tous les services de la crèche, surtout ceux qui améliorent la santé et la sécurité de leurs enfants.

« Âgée de 2 ans aujourd’hui, ma petite fille a grandi », se réjouit Mbanjisaro.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.