KALEHE, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO – Wilermine part de chez elle plus d’une fois par semaine pour se rendre au marché alimentaire local à Nyabibwe, ville dans le territoire de Kalehe à l’est de la RDC.
Un jour, se rendant au marché, cette femme âgée de 25 ans et mère de deux enfants qui a requis que seul son prénom soit révélé par peur d’être stigmatisée, s’est vue violer.
Dans cette partie du pays en proie au conflit depuis longtemps, il est devenu monnaie courante pour des femmes et des filles d’être victimes de violences sexuelles, affirme-t-elle. Souvent, ces victimes sont mises dehors par leurs conjoints et, pour elles, penser à un accès à des services psychologiques, médicaux ou juridiques adéquats n’est que pure utopie.
« Aussitôt informé par moi-même que j’avais été victime de viol, mon mari a vite fait de me rejeter », confie Wilermine. Elle est retournée vivre sous le toit de ses parents après le viol.
Une nouvelle structure d’écoute à Nyabibwe, à environ 100 kilomètres au nord de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, offre aux femmes et aux filles victimes de violences sexuelles une nouvelle forme d’accompagnement psychologique. Aussi les services offerts dans ce centre tenu par le Comité international de la Croix-Rouge profitent-ils aux habitants victimes de la violence liée au conflit armé.
Depuis des années, des éléments des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et d’autres groupes armés commettent des actes de violence sexuelle. Des criminels, eux aussi, se rendent coupables d’autres actes isolés.
« Quand notre armée mène des opérations de ratissage dans la région, des bandits armés s’enfuient et se cachent, puis reviennent pour commettre des forfaits », explique Jacques Kapuli, chef de poste d’encadrement administratif de Nyabibwe.
Des femmes congolaises peuvent également être victimes des actes de violence sexuelle à la merci de leurs proches, des amis et des collègues. En dépit des efforts des autorités locales et des organismes sans but lucratif pour mettre fin à cette pratique, 111 cas de viol ont été enregistrés sur ce territoire en 2017, révèle Annie Malongo, directrice exécutive du Centre d’études sur le leadership et la promotion des droits de l’homme (CELPDH), une organisation de défense des droits de la personne au Sud-Kivu. Selon elle, beaucoup de femmes choisissent le silence plutôt que de porter plainte, ce qui affecte les statistiques.
Ayant ouvert ses portes en juin, cette structure d’écoute est au service des habitants de Nyabibwe et des villages voisins notamment Lushebere et Mukisha, témoigne Papy Maulizo, responsable de la structure. Les 10 membres du personnel que compte cette structure offrent des services d’écoute et réfèrent les femmes aux centres médicaux dans les 72 heures suivant le viol, annonce-t-il.
La maison d’écoute reçoit trois à quatre personnes par semaine. Selon James Songa, qui est responsable du département psychosocial au sein du Comité international de la Croix-Rouge au sud Kivu, le choix par nombre de victimes de recourir à cette structure est le fruit des visites de porte-à-porte organisées par ce personnel. Ces visites s’inscrivent dans le cadre des efforts locaux visant à accroître la prise de conscience de la violence sexiste.
« Les communautés doivent savoir que les victimes de viol et celles d’autres violences sexuelles sont des êtres humains comme nous, et que par-là, nous ne devons pas les stigmatiser », fait-il savoir. « Nous faisons également comprendre aux gens comment orienter les victimes de violences sexuelles non seulement vers les structures sanitaires les plus proches mais aussi vers la maison d’écoute pour un accompagnement psychologique ».
Selon Wilermine, l’une des victimes ayant bénéficié des services de counseling à la maison d’écoute, elle a attendu deux mois pour retourner au domicile conjugal. Le personnel l’a ensuite référée à un centre de santé où, à l’en croire, elle a subi un test de dépistage des infections sexuellement transmissibles et de grossesse. Ce test se révélant négatif, son mari a retrouvé paix et tranquillité, annonce-t-elle.
Malgré une plus grande sensibilisation au sujet de la violence sexuelle, la stigmatisation reste généralisée, déplore Malongo.
Environ 80 pourcent des femmes qui sont victimes de violences sexuelles dans la province du Sud-Kivu perdent leur emploi, car elles ont peur de continuer à vivre dans leur communauté où elles subissent des violences verbales à la merci de leurs semblables ou sont chassées de leur domicile par leurs proches.
« La maison d’écoute permet aux victimes de se remettre du traumatisme », assure-t-elle. « La meilleure solution, pourtant, serait une prise en charge holistique de par l’accès aux soins de santé, à l’assistance juridique, à l’accompagnement psychosocial et aux services de réinsertion socioéconomique ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.