KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Dans cette ville, des pharmacies sont partout, et les médicaments s’offrent à vous n’importe où : sur des routes principales, dans des domiciles, dans des complexes scolaires et de vente au détail.
Le hic, c’est que nombre de ces pharmacies agissent dans l’illégalité.
Déjà propriétaire d’une pharmacie sur une route principale près de son domicile à Kisangani, Samuel Kasongo affirme que les gens sont libres d’ouvrir, en tout lieu et à tout moment et au gré de leur envie, des comptoirs de vente des produits pharmaceutiques sans ordonnance.
« J’ai ouvert ma pharmacie en 2014 avec le fond propre pour vendre des médicaments comme toute autre pharmacie se trouvant à Kisangani », raconte-t-il.
Selon lui, il s’approvisionne dans la ville auprès d’un dépôt pharmaceutique. À l’instar de nombreuses autres pharmacies, il se permet même de vendre des médicaments périmés ou interdits par le gouvernement congolais.
« [Je] vends ce que mes clients me demandent », confie-t-il.
Des pharmacies hors la loi sont monnaie courante à Kisangani depuis 1997, révèle Jean Mwanza Mukanga, président provincial de l’Union des assistants en pharmacie de la province orientale (aujourd’hui rebaptisée la Tshopo).
Aujourd’hui, confie Mwanza, la ville compte plus de 300 pharmacies hors la loi.
Aux dires de Mwanza, l’esprit de la loi locale exige que les pharmacies soient situées à au moins 500 mètres les unes des autres et construites en matériaux durables. Aussi les pharmacies doivent-elles disposer d’un réfrigérateur et d’un plafond approprié, ajoute-t-il. Souvent, affirme Mwanza, les pharmacies non réglementées à Kisangani sont en défaut de satisfaire à ces exigences de base.
« Ces pharmacies posent un sérieux déficit d’infrastructures adéquates et sont considérées comme non viables pour la prise en charge des malades », déclare-t-il.
Selon Mwanza, personne ne peut ouvrir une pharmacie sans avoir suivi un programme universitaire en santé publique. Pourtant, certaines gens qui font la vente de médicaments dans des pharmacies à Kisangani sont des agronomes, des avocats ou des hommes d’affaires. Certains propriétaires de telles pharmacies sont analphabètes, se désole-t-il.
Jérôme Molima, inspecteur à la division provinciale de la santé, déclare avoir fermé plusieurs pharmacies à Kisangani, mais celles-ci ont, à peine quelques jours plus tard, rouvert leurs portes.
Parfois, explique Molima, certains responsables gouvernementaux de règlementation donnent leur feu vert à l’ouverture des pharmacies hors la loi en échange de pots-de-vin.
« Ce qui est vrai, c’est que l’on est parfois contrés par les autorités lorsqu’il faut bien appliquer le texte », ajoute-t-il.
Ceux qui s’approvisionnent auprès des pharmacies non réglementées le font souvent parce qu’ils avouent ne pas avoir de quoi payer la facture d’hôpital, explique Marthe Lemba, étudiante à l’Université de Kisangani.
« Quand vous n’avez pas d’argent pour voir un médecin, comment se diriger dans une pharmacie pour avoir un médicament sans argent », se demande-t-elle. Quoiqu’aller à l’hôpital soit souvent plus cher, le coût des soins peut varier en fonction du type et de la qualité de l’hôpital.
Pour beaucoup, ces pharmacies offrent un remède miracle contre les maladies moins graves. Selon George Assumani, il prend des médicaments dans des pharmacies, même celles illégales, chaque fois qu’il se sent malade. Un jour, fait-il savoir, il a dû se rendre à l’hôpital après avoir pris un médicament qu’il avait acheté dans une pharmacie non réglementée. Mais il affirme toujours que ces établissements sont des lieux où l’accès à ce dont on a besoin est chose aisée.
« Cela est normal pour moi », martèle-t-il.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.