KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — La vie en communauté fait la singularité de la vie en milieu rural en RDC.
Si quelqu’un construit une maison, un voisin apporte le bois et l’autre apporte la paille. S’il arrive qu’une personne âgée tombe malade, ses voisins fabriquent un brancard pour la transporter au centre de santé le plus proche. Et aucune somme d’argent ne change de main.
Aujourd’hui, une nouvelle campagne se mobilise pour user de la dépendance des communautés locales pour promouvoir une nouvelle initiative d’entraide mutuelle en matière de soins de santé appelé Mutuelle de Santé communautaire (MUSACOM).
Introduite par la Communauté des Églises baptistes en Afrique centrale, l’initiative s’évertue à rendre les soins de santé plus accessibles, explique Kakule Lusenge, médecin et coordinateur de la MUSACOM.
Cette mutuelle a vu le jour dans le territoire de Lubero, une région rurale de l’est de la RDC, à la fin de 2017 et compte aujourd’hui plus de 380 membres.
« La population a compris la nécessité et l’importance de cette mutuelle », explique Lusenge.
Cette région de la RDC est en proie à la violence depuis 1996. Cela a entraîné des dégâts tant sur le plan physique qu’économique pour bien des gens. Pourtant, les régimes d’assurance maladie sont rares ici.
En 2001, un projet de loi sur l’accès de tous à des soins fut rédigé par des législateurs de la RDC mais n’a jamais été adopté par le parlement. Quatre-vingt pourcent des dépenses de soins de santé sont, à en croire un rapport sur le financement de la santé publié par la Banque mondiale en 2014, financées par des organisations humanitaires internationales ou des individus. Une grande partie des 20 pourcent restants est couverte par l’aide du gouvernement, une infime partie étant financée par l’assurance maladie.
N’ayant pas connaissance de l’assurance maladie, affirme Lusenge, ils croyaient que la MUSACOM allait être simple et relativement peu coûteuse pour l’adhésion des membres de la communauté.
Des individus paient seulement 1 dollars pour être membres, et versent ensuite une cotisation annuelle de 12 dollars. En cas de maladie, un patient débourse 15-20 pourcent, le reste étant couvert par la mutuelle.
Selon Janvier Muhindo Kataliko, habitant de Kirumba, la MUSACOM transforme la vie.
« Je suis membre de la MUSACOM depuis près d’un an », déclare-t-il. « Un jour, j’ai attrapé la malaria et ma facture médicale s’est élevée à 15 dollars. Et, tu sais quoi ? J’ai payé 1,50 dollars seulement, et la MUSACOM s’est occupée du reste ».
D’autres partagent cet avis.
Potifare Kasereka Tamuwite a déclaré que ses voisins l’ont convaincu d’adhérer.
« Nous avons tous vu que les gens dans mon village ne peuvent, à eux seuls, régler leurs factures médicales », confie-t-il.
Pourtant, ces éloges de la mutuelle ne font pas l’unanimité. D’aucuns la critiquent pour s’insuffisance de sa couverture. Aussi ses détracteurs affirment-ils que le coût, en dépit d’une certaine amélioration, demeure encore hors de portée pour beaucoup ici où le revenu annuel d’un citoyen moyen reste inférieur à 400 dollars.
La MUSACOM n’entend pas couvrir le traitement des maladies chroniques, du VIH ou du cancer. Selon Lusenge, les cotisations augmenteraient davantage si la mutuelle acceptait de couvrir ces pathologies.
Quoique la MUSACOM compte près de 400 personnes sur sa liste, Willy Kambale Muhutsa, infirmier titulaire du centre de santé de référence de Kirumba, affirme que la plupart des 120 à 150 patients hospitalisés au centre chaque mois ne sont pas couverts par la mutuelle.
« Seuls 42 membres de la MUSACOM sont venus demander des services dans notre structure », dit Muhutsa à propos de la période écoulée depuis le lancement de la mutuelle ici.
Néanmoins, selon Muhutsa, si davantage de gens pouvaient adhérer, cela tournerait à l’avantage de toute la communauté.
« Nous sommes en train de sensibiliser les gens de Kirumba et de ses environs pour que nombre d’entre eux puissent adhérer », raconte-t-il. « S’ils adhèrent en masse, la qualité des soins de santé des habitants pourra s’améliorer ».
Mais le personnel de santé va devoir faire face à un autre défi de la vie quotidienne : la méfiance et la corruption. Selon nombre d’habitants, ils n’ont pas souscrit car ils ne font pas confiance à la MUSACOM pour gérer leur fric.
Travaillant comme secrétaire, Clovis Malekani se dit sceptique quant à la mutuelle.
« J’ai suivi des sensibilisations à la radio sans obtenir beaucoup de détails », annonce-t-il. « Et j’ai fini par douter ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.