Faute d’électricité, Kisangani plonge souvent dans le noir. Et pourtant, l’un des plus importants barrages hydroélectriques de la République démocratique du Congo se trouve dans cette ville qui subit des coupures de courant qui, aux dires des habitants de cette troisième ville du pays, durent généralement plusieurs heures.
Des journalistes de Global Press Journal ici ont voulu comprendre comment les autorités et les habitants de la ville marient cette situation et la débrouille dans une série en trois volets. Certaines familles choisissant de mettre sur pied un système d’alarme à la fois rapide et pas cher, d’autres habitants de cette ville sont en quête d’une issue.
KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO —Voilà cinq ans que Papy Molo, 35 ans, fait carrière en tant que motard pour subvenir aux besoins de sa famille. Ce business, qui naguère lui rapportait bien, ressemble à une source tarie ces derniers mois, déclare Molo.
Assis à l’arrière de motos, les passagers ne se sentent plus en sécurité.
Si cela arrive, affirme Molo, c’est à cause des attaques répétées ciblant des motards. Se déplaçant avec des poches bourrées de fric, ces derniers sont pris pour cible par des bandits armés. Certains ont été blessés et d’autres se sont fait voler leurs deux-roues lorsqu’il fallait prendre et déposer des passagers tard dans la nuit, explique ce père de deux enfants.
Malgré ces crimes, Molo et d’autres motards n’entendent pas déserter les rues de Kisangani, une grande ville du nord-est de la RDC. Selon eux, jeter l’éponge serait synonyme de manque de moyen de déplacement au grand dam de nombreux habitants de la ville. Les autorités ont répondu à leurs préoccupations en adoptant de nouvelles mesures, mais beaucoup d’entre eux continuent de vivre dans la peur et demeurent pessimistes quant aux progrès en cours.
Nombreuses sont les routes dans cette partie du pays qui ne sont praticables qu’à moto.
« Le transport de personnes à moto apporte un soulagement au problème de transport en commun », assure Michel Muamba, cadre de la division provinciale du Ministère des Transports et Voies de Communication.
Pourtant, ces deux-roues sont en passe de devenir, à un rythme rapide, un pis-aller pour ces passagers qui craignent pour leur sécurité, explique Muamba.
Depuis septembre, plus de 15 motards ont été victimes d’attaques de bandits, déclare Jean-Louis Alaso, maire de Kisangani. Des militaires et policiers dans la ville font, depuis le début de ces crimes, des patrouilles nocturnes dans certains coins de la ville, notamment dans les communes de Kabondo, de Lubunga et de Mangobo. Mais selon Alaso, personne n’a été arrêté.
Des habitants se lassent de plus en plus de cette situation.
Dans certains cas, ces agresseurs s’en prennent aussi aux passagers, explique Nathalie Boya, serveuse au centre-ville de Kisangani. À la fin de l’an dernier, Boya et son motard ont été victimes de vol.
« Un jour, à la nuit tombante, j’ai pris un taxi pour rentrer chez moi et, soudain, comme surgis de nulle part, des bandits non identifiés nous arrêtèrent, brandissant une arme à feu et des machettes », témoigne-t-elle avec une pointe d’exaspération perçant dans sa voix. Ces agresseurs ont emporté son argent, ses bijoux et le véhicule. Selon Boya, elle a eu la vie sauve par chance et craint une nouvelle attaque.
« Je travaille dans un bar et je rentre chez moi à 23h00 tous les jours », raconte-t-elle.
Marthe Lifinzi a seulement entendu parler de telles attaques de rue. Elle habite à environ 7 kilomètres du marché central de Kisangani où elle travaille. Depuis plusieurs années, elle compte sur des taxi-motos pour faire le trajet aller-retour au travail, transporter ses marchandises et faire des courses. Aujourd’hui, Lifinzi se sent pieds et poings liés. Elle prend soin de se retirer de la rue avant 22h00, et parfois plus tôt. Les autorités, espère-t-elle, maîtriseront la situation.
Joel Mbundu, étudiant universitaire, nourrit le même espoir. Pourtant, glisse-t-il, assurer la sécurité dans cette ville tentaculaire maintes fois privée d’électricité ne sera pas une sinécure pour les autorités. Une fois la nuit tombée, ces bandits profitent des coupures de courant pour se tapir dans l’ombre, s’empresse-t-il d’ajouter.
Alaso, quant à lui, demeure convaincu que les autorités peuvent y arriver. Outre les patrouilles, affirme Alaso, il est déconseillé aux habitants de la ville de se déplacer la nuit.
« Nous avons pour devoir de protéger la population et ses biens », affirme-t-il.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.