Rwanda

Construction d’un nouveau centre de santé: accès à l’emploi et aux soins facilité pour une communauté

Au Rwanda, des travaux de construction d’un nouveau centre de santé à Rugerero sont en cours, et le poivre de l’espoir pousse dans le cœur d’une communauté. Entre-temps, les habitants sont souvent contraints de marcher des heures en quête de soins de santé. Ces travaux, en plus d’être une source d’euphorie en tant que pas vers un centre de santé dans la localité, sont une source d’emplois dans une région où le chômage pose aussi problème.

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Construction of New Health Center Helps Community with Employment, Access to Health Care

Janviere Uwimana, GPJ Rwanda

Gérardine Gatoto, maçonne, pose des briques sur le chantier de construction du centre de santé à Rugerero, l’un des secteurs du district de Rubavu, dans l’ouest du Rwanda.

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RUGERERO, RWANDA – Il est 22 heures et Vestine Mukahigiro se réveille, s’empressant de vérifier l‘état de son gosse de 4 ans, car sa respiration est haletante et ses muscles pectoraux se tendent. Et pour cause, le gosse pique encore une crise d’asthme!

Prenant son fils dans ses bras et le mettant sur le dos, Mukahigiro entame un trajet de cinq kilomètres partant de chez elle dans le secteur rural de Rugerero dans le district de Rubavu au Rwanda, pour se rendre au centre de santé le plus proche dans le secteur voisin de Gisenyi, un grand centre urbain. Selon Mukahigiro, elle a dû marcher aussi vite que possible. S’approchant de la route menant au centre de santé, elle espérait prendre une voiture. Pourtant, pas un seul véhicule ne roulait sur la route.

« Tout ce que je pouvais faire, c’était de prier Dieu pour que nous arrivions à l’hôpital avant qu’il ne soit trop tard », glisse-t-elle.

Les habitants de Rugerero doivent parcourir de longs trajets pour se faire soigner, car aucun centre de santé n’existe dans leur secteur. Souvent, ils sont obligés d’aller dans les secteurs voisins comme Gisenyi, Nyundo et Murara. Et il leur faut au moins une heure de marche pour accéder aux soins dans l’un ou l’autre de ces derniers.

Mais aujourd’hui, la construction du premier centre de santé dans le secteur apporte le sourire sur les lèvres, car, aux dires de certains, ils ne seront plus contraints de faire des trajets longs et fatigants. Mais aussi l’imminence de la précarité des emplois menace ceux qui travaillent sur le chantier.

Les quatre provinces du Rwanda sont subdivisées en 30 districts et ces derniers 416 secteurs. En 2015, le système de santé national consistait en un réseau d’hôpitaux de référence, d’hôpitaux de district, de centres de santé, de postes de santé et d’autres établissements de santé, et ce, conformément à la politique du gouvernement en matière de santé. Sur les 60 postes de santé du pays, un se trouve dans le secteur de Rugerero.

Un poste de santé offre des soins médicaux limités, faisant office de dispensaire de vaccination et offrant des services d’urgence aux petits villages de partout au pays. Toutefois, même avec la présence d’un poste de santé, certains disent que les services de santé restent difficilement accessibles dans le secteur de Rugerero.

Ce poste de santé ne compte que deux employés et est ouvert de 7 heures à 18 heures. Avec une population qui, selon le dernier recensement national de 2012, avoisine les 42 580 habitants dans le secteur, certains affirment que les patients sont souvent transférés vers des centres de santé en raison de l’insuffisance du personnel qui ronge le poste de santé.

Avec l’achèvement des travaux prévu en février 2018, le centre de santé de Rugerero, financé par le gouvernement local et Health Builders, une organisation à but non lucratif œuvrant en partenariat avec les gouvernements locaux en vue d’améliorer les systèmes de santé au Rwanda, desservira la population du secteur et sera ouvert 24 heures sur 24.

Le nouveau centre de santé aura 21 employés. Aux yeux de certains, l’existence de davantage de personnel implique un meilleur accès à des soins de santé de qualité.

Mais, aux dires des ouvriers de chantier, un nouveau centre de santé comporte aussi bien des avantages que des inconvénients.

Depuis le début de la construction du centre de santé en mai, 125 habitants travaillent sur le chantier en tant que maçons et aides-maçons – 70% d’entre eux sont des femmes. Chaque maçon gagne entre 1 500 et 3 500 francs rwandais par jour, en fonction de son ancienneté. Avec ce salaire, ces travailleurs affirment être en mesure d’offrir deux à trois repas à leurs familles, comptant entre deux et cinq personnes.

À en croire Vincent Muhigirwa, superviseur du chantier, pour certaines des femmes employées sur le chantier, faire vivre leurs familles n’était pas chose possible en raison du chômage. D’autres, quant à elles, devaient se rendre dans différentes parties du district de Rubavu ou prendre des taxis vers des villes le long de la frontière ouest du pays à la recherche du travail domestique comme la lessive, raconte-t-il.

Et ces emplois étaient mal payés.Les perspectives d’embauche des femmes au Rwanda sont en partie limitées par leurs rôles domestiques éventuels au sein de leurs familles et de la société. Entre 2010 et 2011, affirme la Banque africaine de développement, le taux de chômage chez les femmes âgées de 15 à 64 ans était de 85%, le taux de chômage étant beaucoup plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain.

Gatoto Gérardine, mère de trois enfants, travaille comme maçonne sur le chantier de construction du centre de santé. Elle était vendeuse de fruits avant d’être embauchée sur le chantier en mai.

Mais, dit-elle, elle ne pouvait pas réaliser beaucoup de ventes parce qu’elle passait beaucoup trop de temps à faire la circulation à destination et en provenance des villes le long de la frontière ouest, traversant parfois la frontière pour aller en République démocratique du Congo, pays où se trouvaient la plupart de ses clients.Désormais, déclare-t-elle, elle a un revenu régulier lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille. Selon elle, elle a souscrit à un régime d’assurance-maladie pour sa famille grâce à une partie de l’argent gagné depuis son embauche sur le chantier.

« On dirait une manne providentielle, et nous y voyons la chance de faire d’une pierre deux coups, car outre l’accès aux services de soins de santé, nous sommes en mesure de décrocher des emplois d’ouvriers de chantier », confie Gatoto.

Pourtant, Gatoto risque de retourner vendre des fruits, une fois les travaux de construction terminés. Muhigirwa, son superviseur, dit que le directeur du centre de santé devra, au lendemain des travaux, décider de la possibilité d’offrir du travail aux maçons employés et du type de travail à leur offrir.

Malgré tout cela, Gatoto affirme être reconnaissante et fière que son travail lui ait permis de nourrir sa famille. Elle nourrit l’espoir de trouver un autre travail de maçon s’il est mis fin à son emploi.

Pour Mukahigiro, l’achèvement des travaux de construction d’un centre de santé près de chez elle donne à penser que son fils asthmatique pourra avoir accès aux soins médicaux en temps opportun. L’idée lui était même venue de déménager pour se rapprocher de l’hôpital dans le secteur de Gisenyi, mais elle ne pouvait se permettre de payer le loyer, témoigne-t-elle.Les autorités locales, elles aussi, attendent avec impatience le nouveau centre de santé.

Selon Jeannette Uwajeneza, secrétaire exécutive du secteur de Rugerero, la construction d’un centre de santé aidera à la réduction de la mortalité maternelle. En 2015, le taux de mortalité maternelle au Rwanda était de 210 pour 100 000 naissances vivantes. Quoique ce taux ait baissé, passant de 750 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2005, la mortalité maternelle représente toujours un défi dans ce pays d’Afrique de l’Est.

Quant à Uwajeneza, le nombre de femmes qui meurent en donnant la vie au Rwanda est plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain, en raison de l’insuffisance des structures sanitaires et de l’accès limité aux soins de santé.

Marie Mukagasana, habitante du village de Kibaya dans le secteur de Rugerero, affirme qu’elle doit souvent escorter des patients souffrants et des femmes enceintes de son village jusqu’au centre de santé dans le secteur de Gisenyi.Selon ses dires, elle appelle la seule ambulance qui dessert le secteur de Gisenyi lorsqu’une femme entre en travail en pleine nuit.

Avant que l’ambulance n’arrive, dit-elle, les voisins l’aident à installer la femme enceinte sur un ingobyi, civière traditionnelle en forme de panier qui est couramment utilisée au Rwanda. Ils entament leur périple à pied transportant la femme enceinte sur la civière dans l’espoir de rejoindre l’ambulance sur leur chemin parce qu’ils doivent généralement attendre des heures avant qu’elle n’arrive, révèle-t-elle.

Avec un centre de santé proche, les femmes en travail ne courront plus le risque de mourir en couches, sort qui leur était réservé en raison de leur arrivée en retard à un centre de santé, assure Mukagasana.

L’accessibilité des soins de santé demeure une priorité pour le district de Rubavu, rappelle Uwajeneza. Selon son plan quinquennal de développement publié en 2013, le district envisage la réhabilitation des établissements de santé existants et la construction d’autres établissements du genre à travers tout le district afin de rapprocher les soins de santé des communautés isolées.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.