KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Avec le poids d’un jerrycan de 25 litres sur son dos, Cathy Ekili, 51 ans, dévale un chemin escarpé et glissant qui mène à une source.
« Je suis obligée de prendre cette colline tous les jours pour puiser de l’eau à cette source », confie-t-elle. « Vraiment, c’est la pire souffrance que nous subissions ».
D’autres en souffrent aussi. À Madula, chef-lieu du secteur de Bakumu Mandobe, à environ 23 km de Kisangani, les quelque 40 000 habitants sont toujours en quête de sources d’eau. Chaque jour, nombreux d’entre eux passent plusieurs heures à faire l’aller-retour entre leurs domiciles et une source d’eau, transportant l’eau à leurs domiciles ou lieux d’activité.
Aujourd’hui, au plus fort de la saison des pluies, les chemins qui mènent à la source sont boueux et glissants, rendant leur tâche encore plus pénible.
« Quel chemin » ! S’alarme Ekili.
Kisangani, une ville de la région centrale de la RDC, et ses environs connaissent une croissance rapide. La population de la ville a doublé entre 2000 et 2018, passant d’environ 590 000 à 1,1 million d’habitants. Selon les projections, la population de la ville atteindra 1,9 million de personnes d’ici 2030.
À Madula, la croissance y est au rendez-vous aussi. Pourtant, la seule source d’eau disponible pour sa population croissante est celle à laquelle Ekili se rend, et qui a été aménagée en 2015 par un programme baptisé Village Assaini. (Auparavant, ces habitants dépendaient d’eau de puits non traitée pour leur approvisionnement.) La source n’est, comble d’ironie, qu’à quelques kilomètres de la Régie de distribution d’eau (Regideso).
Selon Richard Florentine Azelito Payo-Saka, inspecteur provincial du développement rural, une seule source dessert généralement environ 500 ménages. Le coût d’aménagement d’une source peut s’élever à 9 000 dollars, révèle-t-il.
Le gouvernement national doit soit aménager davantage de sources naturelles, soit forer des puits, explique Pierre Bondo Bin-Amundala, chef du secteur de Madula. Les députés doivent en faire une priorité, conseille-t-il.
La seule autre option possible pour Ekili, c’est de payer quelqu’un d’autre pour aller puiser l’eau pour sa maison et ainsi de débourser 2 000 francs.
« Pas une mince affaire, car je suis veuve et sans moyens », lâche-t-elle.
Tenant un restaurant de fortune à Madula, Love Ngomba affirme débourser entre 3 000 et 4 000 francs par jour pour payer ceux qui puisent de l’eau pour elle, car il lui est nécessaire de faire tourner son business.
« Ça ne me fait pas trop de peine pour trouver de l’eau », fait-elle savoir.
Ce triste sort des uns fait le bonheur des autres, ouvrant de nouvelles opportunités d’emploi.
Jean Bangala puise de l’eau pour ses voisins comme Ngomba pour se faire du fric. « Moi, je me réjouis de cette situation, car cela m’aide à avoir de l’argent pour assurer la survie de ma famille », lâche-t-il. « Il n’y a rien pour rien, car grâce à cette carence, je me retrouve aussi ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.