Democratic Republic of Congo

Sur un bassin fluvial vital, une mine chinoise drague en toute impunité

En janvier, la RDC a ordonné à la société Xiang Jiang Mining de cesser ses activités à Basoko. 9 mois plus tard, la mine est toujours opérationnelle, et les riverains continuent de protester.

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In a Vital River Basin, Chinese Mine Dredges With Impunity

Illustration par Matt Haney, GPJ

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BASOKO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Il ne se passe pas un jour sans que le bruit des dragues ne traverse le village de Charles Baima à Basoko, situé à quelque 195 kilomètres (121 miles) de Kisangani sur le fleuve Congo, au point de confluence avec la rivière Aruwimi. Lorsque les dragues descendent l’Aruwimi, le bruit fait fuir les proies du jour, dit Baima, qui craint désormais pour son gagne-pain.

Les dragues appartiennent à la société chinoise Xiang Jiang Mining, qui a obtenu en 2019 un permis du ministère des Mines de la RDC lui permettant de faire des fouilles dans trois zones le long de la rivière Aruwimi à la recherche d’or, du diamant et d’autres minéraux.

Depuis des mois, les habitants de Basoko se plaignent de la pollution de l’eau, de la disparition des poissons et de la prolifération des bancs de sable le long de la rivière, à tel point qu’en janvier, la vice-première ministre et ministre de l’Environnement Ève Bazaiba s’est rendue dans la région et a demandé à Xiang Jiang Mining de cesser toutes ses activités et de déplacer les dragues à Kisangani.

En mai, une enquête menée par Mongabay, un organe de presse basé aux États-Unis dédié aux questions environnementales, a révélé que la société Xiang Jiang Mining avait violé le champ d’application de son permis en recourant au mercure, qu’elle avait acheté à Kisangani et déversé dans la rivière, pour extraire l’or. Tous les échantillons recueillis au cours de la phase de recherche appartiennent à l’État, selon le Code minier de la RDC.

9 mois après la visite de la ministre et la publication des résultats de l’enquête de Mongabay, rien n’a changé à Basoko : Xiang Jiang Mining poursuit ses activités comme si de rien n’était.

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Carte par Matt Haney, GPJ

Stanis Bilanga, un riverain de Basoko, affirme que des soldats et des policiers patrouillent constamment dans la zone de dragage. Il ajoute qu’il a vu les militaires surveiller l’installation des machines il y a deux ans, malgré les protestations locales.

« La présence militaire dans cette partie du pays est de complicité avec les autorités provinciales, qui agissent par la force », explique-t-il.

Les autorités provinciales interrogées dans le cadre de cet article ont nié toute responsabilité relative à la pollution de l’eau, à la présence militaire et à la présumée extraction illégale. « Le secteur des mines est géré par le ministère national, tout passe au niveau national, moi, je ne fais qu’exécuter », déclare le ministre des Mines de la Tshopo, Mesemo Wa Mesemo Thomas.

Le ministre de l’Environnement de la Tshopo, Lokula Lolisambo Norbert, dit n’avoir entendu parler de la situation concernant Xiang Jiang Mining que dans les rumeurs du genre « J’ai entendu que ». « Je n’ai aucun document. Je n’ai reçu aucun sujet chinois dans mon bureau pour lui parler de cette exploitation », déclare-t-il, avant de préciser : « C’est un sujet qui me dépasse. »

Xiang Jiang Mining, dont le permis de recherche expire en 2024, n’a pas répondu aux multiples demandes de commentaires. Ni le ministère de l’Environnement de la RDC ni le ministère des Mines n’ont répondu aux multiples demandes de commentaires.

« Les habitants de Basoko se plaignent de la pollution de l’eau, de la disparition des poissons et de la prolifération des bancs de sable le long de la rivière ».

« Cette rivière est une source de revenus pour moi et ma famille, mais durant ces deux dernières années, je ne peux attraper des poissons pour ma survie », explique Baima, 35 ans, qui pêche dans ces eaux depuis qu’il a 15 ans. Il souligne aussi : « La vie est devenue trop dure pour moi ».

Les opérations de Xiang Jiang Mining sur la Tshopo donnent un aperçu de la réalité de l’exploitation minière chinoise en RDC. Près de 70 % du portefeuille minier du pays est sous le contrôle de la Chine, a déclaré John Kanyoni, vice-président de la Chambre des Mines du pays, une structure privée d’entreprises, lors d’une conférence en ligne en 2020. Cette présence s’explique en grande partie par un accord conclu en 2008, aux termes duquel la Chine a offert à la RDC une ligne de crédit de 6 milliards de dollars US pour des projets d’infrastructures, en échange de 11 millions de tonnes de cuivre et de 600 000 tonnes de cobalt, d’une valeur d’environ 50 milliards de dollars US, à extraire sur 25 ans dans le cadre d’un projet minier dans la province du Katanga, en RDC.

Une fois le prêt remboursé, les bénéfices miniers iront aux actionnaires de Sicomines, une co-entreprise géante créée à la suite de l’accord. Les parties prenantes chinoises contrôlent 68 % des actions.

Dans le sillage de l’accord, les petites sociétés minières et les traders ont emboîté le pas. Selon un rapport de 2019 de l’Institut international pour l’Environnement et le Développement basé à Londres, les traders chinois dominent les chaînes d’approvisionnement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle dans les provinces du sud et de l’est de la RDC.

La rivière Aruwimi, qui traverse les territoires de Basoko et de Banalia, où vivent respectivement quelque 340 000 et 494 000 personnes, a été morcelée et vendue en de multiples concessions minières par les autorités nationales et provinciales. Selon une étude réalisée en 2021 par les chercheurs congolais Jean De Dieu Mangambu Mokoso, Asimbo Bondoo Norbert et Ekele Mbenga Robert, cette situation engendrera très certainement la pollution de l’air, de l’eau et du sol, la déforestation, l’érosion des berges, les inondations et les émissions massives de dioxyde de carbone dues à la destruction des tourbières.

Pollution à ciel ouvert : l’exploitation minière en RDC détruit non seulement les mineurs, mais aussi les forêts. lisez ici

Tout cela se déroule dans le bassin du fleuve Congo, la deuxième plus grande forêt tropicale du monde. Lors du sommet sur le changement climatique COP26 de l’année dernière, les leaders du monde ont promis 500 millions de dollars US pour la protection de cette zone contre la déforestation.

En juillet, le gouvernement de la RDC a essuyé les critiques des organisations environnementales après avoir annoncé qu’il mettrait aux enchères de vastes étendues de terres dans le bassin à des fins de projets pétroliers et gaziers.

Les critiques à l’encontre de Xiang Jiang notamment se sont accumulées au fil des ans : en 2020, il a été dénoncé à la branche congolaise du Réseau des parlementaires africains contre la corruption. En 2021, l’État congolais l’a sanctionnée d’une amende de 90 000 dollars US pour non-respect de la réglementation minière, souligne Mesema.

Michel Basosila, 40 ans, est un résident de Basoko venu vendre ses marchandises au port de Kisangani. Il raconte qu’il avait l’habitude de vendre du poisson fumé à Basoko, mais que la pêche étant devenue une activité très difficile, il s’est lancé dans le commerce du fufu.

« C’est devenu ma seule source de revenus », explique Basosila, avant d’ajouter : « Aujourd’hui, je vends du fufu de manioc parce que le poisson est devenu trop rare et trop cher, et je ne fais aucun profit. »

Cependant, tous les habitants de Basoko ne sont pas mécontents de la présence de la mine. Xiang Jiang offre des emplois tels que le transport pour son personnel, généralement en canoë, ainsi que la plongée, le tamisage et les courses. Célestin Bokula, par exemple, gagne un revenu quotidien en transportant le personnel de la mine dans son canoë.

Pour autant, certains habitants de Basoko, avec l’aide d’organisations non gouvernementales nationales, ont organisé une manifestation en début mars pour s’opposer à la mine.

« Nous condamnons la poursuite de l’extraction illégale et illicite d’or par la société Xiang Jiang Mining, qui, jusqu’à présent, a travaillé dans le fleuve malgré la mesure de suspension prise par le ministre », déclare le riverain Albert Lina.

Sabrina Dako, administratrice du territoire de Basoko, a participé à la mobilisation contre Xiang Jiang Mining. « Dans cette situation qui dépasse mon niveau », dit-elle, « je suis impuissante ».

Zita Amwanga est journaliste à Global Press Journal et vit à Kisangani, en RDC.


NOTE À PROPOS DE LA TRADUCTION

Traduit par Christelle Yota, GPJ.

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