UVIRA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Fini le temps où l’on pouvait entendre des hommes occupés à conduire des vaches, des chèvres et des moutons vers de verts pâturages chanter avec allégresse, où des femmes joyeuses ramenaient du lait frais à la maison et où des enfants, arborant un sentiment mêlant énergie et satisfaction, se préparaient à aller à l’école, le petit déjeuner plein leur ventre. La vie était là, simple et paisible, mais elle n’est plus qu’un lointain souvenir pour Manassé Hatungimana et d’autres membres de la communauté banyamulenge à Minembwe, un village dans l’est de la RD Congo. Ils ont été chassés de leurs domiciles par des attaques menées dans leur village en mars et avril par un groupe armé maï-maï.
« Je donnerais tout pour retourner dans mon village et retrouver ma vie d’avant », confie Hatungimana âgé de 54 ans et qui, malgré ses difficultés à nourrir sa famille, réussit toujours à arborer un sourire.
Autrefois éleveur de bétail, il passe aujourd’hui ses journées assis sous un arbre avec une machine à coudre à l’aide de laquelle il fabrique et répare des vêtements moyennant une modique somme et entouré d’amis pour qui l’emploi n’est pas encore devenue une réalité. Pour ces hommes, l’absence de bétail est synonyme de perte de leur principale source de revenus.
« Parfois, je passe la journée sans rien gagner, et j’ai honte de retourner les mains vides dans la famille qui nous a accueillis », précise Hatungimana.
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CLIQUEZ POUR LIREDepuis des mois, environ 5 700 habitants déplacés de Minembwe, au nombre desquels Hatungimana, sa femme, Jeannette Nyirasuku et leurs cinq enfants et petits-enfants, vivent à environ 200 kilomètres de là, dans le village de Bwegera. Et le contraste reste forte entre l’hospitalité affichée par les habitants de Bwegera et ce conflit violent qui déchire l’est de la RD Congo.
Le village de Bwegera, foyer de la diversité dont les 7 800 habitants appartiennent aux communautés Banyamulenge, Bafuliiru et Bahavu, incarne la quintessence du possible vivre-ensemble pacifique des personnes aux racines différentes. Les habitants ont constaté le danger dont les Banyamulenge étaient la proie et ont ouvert leurs portes pour leur offrir un abri, affirme Evelyne Musabande, 48 ans, figure de proue de Bwegera.
« Notre objectif était d’éviter que les déplacés se retrouvent dans un camp de déplacés où ils auraient été isolés, ce qui ferait à ce qu’ils soient menacés facilement », explique Musabande. « C’est pourquoi chaque membre de la communauté a accueilli 3 à 5 personnes ».
Chantal Neema, mère de six enfants qui est âgée de 44 ans, a fourni un abri à six personnes dans une maison à trois chambres et un salon. La situation est difficile pour Neema, car elle ne compte que sur elle-même pour élever ses enfants depuis la mort de son mari il y a deux ans.
« Nous dormons par terre et mangeons difficilement, mais je suis heureuse que je leur apporte mon aide », raconte-t-elle. « Car ce qui leur est arrivé aujourd’hui peut m’arriver demain ».
Les membres de la diaspora RD congolaise, en particulier les Banyamulenge, qui se sont réfugiés aux États-Unis, ont joint leurs efforts à ceux d’Ebenezer Ministry International, une organisation non gouvernementale œuvrant au Sud-Kivu pour offrir de la nourriture et d’autres fournitures aux déplacés, explique Gadi Rugaza, président de la communauté Banyamulenge déplacée à Bwegera. Les autorités provinciales du Sud-Kivu ont, eux aussi, fourni une aide alimentaire.
Une lueur d’espoir se profile à l’horizon après l’ouverture par les responsables gouvernementaux et les groupes locaux d’un dialogue dans la région entre les différentes communautés. Lors d’une réunion tenue en mars à Kinshasa, capitale de la RD Congo, les représentants des communautés ont convenu d’exhorter les groupes armés locaux à déposer les armes et à œuvrer en faveur d’une paix durable. Pourtant, la violence continue de sévir dans la région.
De taille svelte, Chanceline Nyiraminani, 34 ans, nourrit l’espoir de voir un jour elle-même et les autres membres de la communauté banyamulenge quitter Bwegera et rentrer chez eux. Elle reconnaît une chose : l’afflux de gens constitue un fardeau pour les habitants. Elle reste toujours reconnaissante aux habitants de Bwegera pour leurs soutien et hospitalité.
« Ici, nous n’avons rien, car toutes nos richesses ont été pillées », s’alarme Nyiraminani. « Heureusement que nous soyons en vie ».
Noella Nyirabihogo est journaliste à Global Press Journal en poste à Goma, en République démocratique du Congo.
Note à propos de la traduction
Traduit par Ndahayo Sylvestre, GPJ.