Democratic Republic of Congo

Contrôle technique en RDC : un trop coûteux service pour plusieurs chauffeurs, mais qui paie le prix ?

Le contrôle technique périodique officiel des véhicules en République démocratique du Congo se heurte à des réticences chez des chauffeurs. Et pour cause, le contrôle est trop coûteux. Pire, le piètre état des routes dégrade des véhicules dont la mise en circulation peut présenter un bilan mortel.

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Vehicle Inspections Cost Too Much for Many DRC Drivers, But Who Pays the Price?

Zita Amwanga, GPJ RDC

Bernard Ekoya déclare qu’il ne prendra jamais son camion au contrôle technique en raison du coût. Autodidacte en mécanique, il préfère réparer soi-même son camion.

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KISANGANI, PROVINCE DE LA TSHOPO, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Bernard Ekoya, chauffeur de camion, se lance dans la débrouille chaque fois que son engin roulant tombe en panne. Il ne fait jamais appel au contrôle périodique officiel.

Selon Ekoya, 55 ans, prendre son véhicule à Kisangani pour un contrôle officiel, ça revient extrêmement coûteux. Un jour, relate-t-il, son camion Mercedes Actros est tombé en panne, et il a dû débourser 162 942 francs congolais pour le faire passer au contrôle. À ses dires, la somme devait pourtant aider à la réparation.

« Après avoir donné la somme de 100 dollars, ils m’ont dit que mon véhicule avait un problème de freinage et une autre panne mécanique », déplore Ekoya. « Plus tard, ils m’ont dit d’aller voir un technicien pour l’entretien. J’ai fini par me rendre compte que cette institution bouffe trop d’argent pour rien ».

« Je ne perdrai plus mon temps ni mon argent pour le contrôle. D’abord, parce que j’ai un véhicule high-tech et [aussi parce que] les matériels qu’ils utilisent ne peuvent me rassurer », ajoute Ekoya.

L’inquiétude n’est pas l’affaire d’Ekoya seul. Il figure parmi les nombreux autodidactes en mécanique auto rencontrés dans tout Kisangani, dont la plupart choisissent de se soustraire aux contrôles techniques.

« Je n’ai jamais suivi une formation de mécanicien. Seulement, j’ai une fois été boy-chauffeur. Et à chaque fois qu’on réparait notre véhicule, je suivais attentivement. Et me voici aujourd’hui grand chauffeur mécanicien », se targue-t-il.

Le ministre provincial des Transports a, en 2014, commencé à encourager les gens à faire contrôler leurs véhicules sans bourse délier, et ce, pour tenter d’assurer un meilleur état du parc automobile de voitures et de camions en circulation dans le pays et de réduire la mortalité routière.

Peu de temps après, la Société congolaise de contrôle technique (SCCT) est venue s’implanter à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo en RDC.

Pourtant, le service n’est plus gratuit. Aujourd’hui, payer pour profiter des services de la SCCT reste la norme : pour le contrôle de motos et de véhicules de loisir, le propriétaire débourse respectivement 32 609 francs et 101 827 francs, alors que pour une jeep, une camionnette ou un minibus, la facture s’élève à 142 605 francs. Et pour un camion, un bus ou un tracteur, on dépoche 162 942 francs.

« J’ai appris le message du ministre, mais je n’avais pas mon propre véhicule », annonce Ekoya. « Mais lorsque j’ai eu mon véhicule, je suis allé au contrôle alors que la période de sensibilisation avait pris fin. Et j’ai été obligé de payer les 100 dollars ».

Selon la SCCT, elle a fait venir à Kisangani des techniciens expérimentés et du matériel high-tech, mais les Boyomais sont loin de prendre l’habitude de soumettre leurs véhicules au contrôle périodique.

Beaucoup d’entre eux préfèrent, en cas de panne mécanique, s’en remettre à la réparation plutôt qu’à un contrôle. La société étant inactive, elle menace de plier bagage et faire ses adieux à la ville.

« Notre société est opérationnelle, mais nos techniciens et nos machines sont inactifs », se désole Jacques Agbanya, assistant juridique de l’administrateur-gérant de la SCCT. « Je ne vois pas l’intérêt de rester ici – il vaudrait mieux retourner à Kinshasa ».

Je ne perdrai plus mon temps ni mon argent pour le contrôle. D’abord, parce que j’ai un véhicule high-tech et [aussi parce que] les matériels qu’ils utilisent ne peuvent me rassurer.

Entre-temps, les rues de la ville restent grouillantes de véhicules en mauvais état qui sont à l’origine de certains accidents. Et pas une journée quelque part dans la ville sans un accident de la route.

Seuls 7% des véhicules en circulation dans la ville sont soumis au contrôle, révèle Jean Kukembisa, chargé de technique provinciale au sein de la SCCT.

Nombre d’entre eux s’accordent à dire que le prix est rédhibitoire.

« Certes, je sais qu’il y a un service de contrôle technique dans la ville, mais je ne m’y intéresse pas parce que payer 62,50 $ deux fois par an avec la conjoncture actuelle n’est pas chose facile », avoue

Daniel Kiyombo, habitant de la ville et propriétaire de voiture.

Aux dires d’autres chauffeurs, le gouvernement ne fait pas tout ce qu’il faut pour encourager les contrôles techniques.

« Tout conducteur de véhicule doit être muni de la carte rose et de son permis de conduire délivrés par d’autres services de l’État. C’est pour cette raison que plusieurs automobilistes ne voient pas l’importance du contrôle technique. Ils continuent de rouler sur les artères de Kisangani très à l’aise », lâche Israel Ediba, 25 ans, chauffeur.

« Lorsque je roule avec mon véhicule, la police ne me demande que les documents de bord dont la carte rose et le permis de conduire. Elle ne fait même pas allusion au document de contrôle technique », confie-t-il. « Est-ce de ma faute ? »

Les autorités qualifient ces excuses d’inadéquates, ajoutant que ces dernières mettent la vie du public en danger.

« Les Boyomais devraient avoir la culture de soumettre leurs engins au contrôle technique pour éviter ces accidents qui se produisent chaque jour dans la ville, causant ainsi des pertes en vies humaines », conseille Agbanya.

« Le gouvernement provincial, surtout le ministère des Transports, devrait donc assumer ses responsabilités et multiplier ses efforts et stratégies pour sensibiliser la population locale ».

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.