KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Les jeunes gens sont à l’œuvre, certains avec des bêches, d’autres munis de pelles, renforçant des ponts en bois sur les canaux de la rivière Kavumba qui coule entre les collines de Mulemberi et de Kavumba. Chacun arbore un badge fixé à un cordon porté autour du cou et sur lequel on peut lire «Travaux publics et infrastructures».
À l’autre bout de la cité, un groupe s’attelle à la tâche de reconstruction d’une route partant de Kisimba à Kamandi.
Ces travaux de construction sont synonymes de faire d’une pierre deux coups: l’énergie des jeunes est mise au service des travaux communautaires, les travailleurs bénéficient des vivres et d’autres dons et les agriculteurs profitent d’un accès plus facile de leur production aux marchés.
Les habitants du Sud-Lubero, zone rurale située au-dessus de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu en RDC, vivent de l’agriculture, mais avec des routes et des ponts en piteux état, le transport de la production à partir de la ferme jusqu’au marché n’est pas chose facile.
L’initiative d’encourager les jeunes à travailler contribue à résoudre un autre problème, et bien plus grave que celui-là. Ce problème n’est rien d’autre que le chômage des jeunes, fléau qui pousse certains à se tourner vers certaines drogues, le vol et d’autres crimes, ou à intégrer les rangs des groupes armés, se livrant ainsi à des actes de violence qui constituent une menace pour la population locale.
Face à ces problèmes, Kambale Kafiyo, 60 ans, missionnaire protestant et activiste du développement qui a encadré près de 300 jeunes depuis 2014, a créé une association appelée «Umoja Ni Nguvu» ou «l’Union fait la force» qui appelle la communauté à soutenir les travaux de construction de routes par des jeunes.
«Dans mon travail d’évangélisation au sein des prisons, je croise également des jeunes gens incarcérés pour vol et viol et mon objectif et de les aider à tourner le dos à la criminalité en leur montrant la façon d’user de leurs propres forces pour gagner la vie», révèle-t-il.
Les membres de la communauté valorisent l’effort de travail des jeunes, chacun selon les moyens dont il dispose: patates douces, manioc et haricots. Lorsqu’un conducteur de taxi-moto emprunte une route en cours de construction, il paie 200 francs congolais, tandis qu’un vendeur d’essence offre un demi-litre. Et certains commerçants font don de houes et de bêches.
«Ces jeunes peuvent chacun gagner environ 8 à 10 dollars par jour, et ce butin peut même varier entre 20 et 30 dollars les jours de marché», explique Kafiyo. «Si on attendait la fin du mois, chacun gagnerait près de 40 dollars».
Plusieurs routes ont été jusqu’ici construites. Il s’agit entre autres des routes Kirumba-Kamandi, qui s’étend à environ 22 km à l’est de Kirumba; Kirumba-Katwa, à 7,5 km à l’est; Kirumba-Kaseghe, à 11,5 km au nord et Kirumba-Kitobindo, à 24 km à l’ouest. D’autres routes dont Mutobe-Kighali, Kaghote-Ngembe, Kamandi-Vuhoyo, Kisuyi-Kiranga-Luofu, Ruvugha-Itungi-Hutwe et Kyahulwa-Kaseghe sont en cours construction.
Masika Matumo, agricultrice, affirme que la communauté apprécie l’importance de ces travaux. «Ces routes sont importantes pour nous cultivateurs car elles contribuent à faciliter le transport de notre production à partir de nos fermes», précise-t-elle. «J’apprécie fortement leurs travaux de traçage de routes».
Selon Omer Muhindo Kivyamunda, chef de Birere, quartier rural de Kirumba, quoique les agriculteurs restent les principaux bénéficiaires de ces travaux, ces derniers profitent à l’ensemble de la communauté.
«Certains de [ces jeunes gens] se livraient au vol, au tabagisme et au banditisme, et l’initiative les a aidés à rompre avec ces vices pour de bon», dit Kivyamunda. «Et le bilan est la réduction sensible des cas de vol».
Muhindo Kahundu affirme qu’il participe aux travaux de construction de routes pour aider son village et ajoute que les contributions en espèces et en nature par des membres de la communauté lui permettent de trouver quelque chose à mettre sous la dent.
«Pour moi, le montant de péages routiers, si petit soit-il, que des agriculteurs acceptent de payer sur des barrages routiers lors des travaux de construction me libère des griffes déchirantes du chômage», dit-il.
L’activiste Kafiyo en appelle au gouvernement de reconnaître l’importance cruciale des travaux réalisés par les jeunes et de leur apporter un appui matériel pour la construction de routes durables.
«Nous voulons que l’on nous donne le droit d’exploiter des carrières de pierres pour que nous gagnions de l’argent et construisions des maisons», réclame-t-il.
Lambert Saasita, président du comité local de développement de Kirumba, déclare apprécier les efforts des jeunes et leur a demandé de continuer à travailler, car, affirme-t-il, il n’est pas possible de compter sur l’aide extérieure pour réaliser le développement communautaire.
«Aide-toi et le ciel d’aidera», conseille-t-il. «Le développement ne peut être durable que s’il est le fruit du labeur des bénéficiaires primaires».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.