BIHAMBWE, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Ce petit coin du territoire de Masisi est surnommé la « petite Suisse », et ce, grâce à ses collines au cœur d’une luxuriante verdure et à ses villages pittoresques. Pourtant, la nature pittoresque de ses villages s’éclipse à l’arrivée de la fureur des précipitations.
À la fin de 2017, la zone située juste au-dessous du pont sur la rivière Mema était garnie de petites maisons. Aujourd’hui, au lendemain des mois d’inondations qui ont commencé en septembre, ce terroir ressemble à une tête rasée. Sur sa terre brune et boueuse, il ne reste que de petits débris, le reste ayant été emporté par la rivière furibonde.
« Nous ne savons pas si c’est une malédiction, ou quoi », explique Christian Balibuno, 40 ans, un agent de l’État au service de taxation dans la région. « Nous croyions que c’était une pluie comme tant d’autres ».
Mais à la fin de septembre, le village tout entier a vite constaté que la saison allait prendre une toute autre tournure.
« L’un de nos employés qui était encore là-bas malgré l’heure tardive a été emporté par les inondations », déclare-t-il à propos de l’une des inondations qui se sont produites fin 2017.
L’eau de la rivière est devenue une force apocalyptique, explique Honoré Kamungu, 15 ans, qui a perdu sa mère lors d’une autre inondation.
« Nous attendions notre repas du soir. Mes deux frères, mes trois sœurs et moi étions dans la cuisine. Ma mère était dans sa chambre quand les inondations ont du coup pénétré dans notre cuisine. Vite, nous sommes montés au plafond de la maison et y sommes restés suspendus comme des chauves-souris », explique-t-il.
Sa mère, elle, n’avait pas la force de monter.
« Quand les eaux emportaient notre mère, nous avons entendu toute la dernière fois sa voix crier au secours. Ne sachant que faire, nous pleurions et gémissions tout en étant au plafond », révèle Kamungu.
La saison des pluies 2017-2018 a fait plusieurs victimes dans Bihambwe, village généralement célèbre pour son calme. Selon les populations, le manque d’infrastructures est à l’origine de ces dégâts humains et matériels.
Le mois de février offre un répit avant la saison des pluies qui fait un pic en mars et en septembre, ici.
Bihambwe ne compte que 718 maisons. La plupart des familles vivent de l’agriculture ou des travaux miniers. Ici, les minerais très prisés comme le coltan sont abondants.
La position géographique singulière de ce village contribue aux dégâts, souligne Rémy Muhima, 45 ans, environnementaliste et enseignant de géographie à l’école secondaire de Bihambwe.
« C’est au confluent des rivières Rushoga et Mema », dit-il à propos de l’emplacement de ce village qui est également entouré de collines dont les eaux se déversent dans ces rivières déjà furibondes.
Depuis septembre 2017 ce village a connu un triste bilan de 103 morts, indique Parfait Twisenge, commissaire de police local. En outre, 12 motos et un bus ont été emportés. Sept cent dix-huit ménages sont menacés.
« Nous avons connu des inondations, mais jamais des pertes humaines comparables à celles-ci », annonce Innocent Busimba Ndungutse, 51 ans, un notable du village.
Avec une autre saison des pluies dans quelques semaines, les habitants ayant perdu leurs maisons et leurs cultures sombrent dans l’inquiétude face aux pénuries alimentaires qui commencent à se manifester.
« Les gens ont perdu des récoltes et leurs champs ont été dévastés au point que nous avons des difficultés à trouver de la nourriture », remarque Aimée Mukandirwa, mère de sept enfants et propriétaire d’un restaurant à Bihambwe.
Les nuages de pluie sont devenus une source de peur, explique Gertrude Fatuma, 36 ans, habitante de la région.
« Chaque fois qu’il menace de pleuvoir, nous tous qui sommes le long de la rivière nous déplaçons vers l’autre côté de la route principale. Tantôt dans des maisons d’accueil, tantôt dans des bâches sur des pâturages, de peur que l‘on ne soit aussi victimes », rappelle-t-elle.
Les autorités locales conseillent aux populations d’évaluer les rives et de s’installer sur des collines.
« Pour éviter ce genre de catastrophes à l’avenir, il faut que les habitants abandonnent le long de la rivière », explique Juvénal Bahuma Mahesh, chef du village de Bihambwe.
Dans ce village, des maisons sont mal construites et on assiste au manque d’infrastructures de communication devant servir dans des situations d’urgence, situation qui, selon les habitants, aggrave le problème.
« Comme l’État exerce sa souveraineté permanente sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, il a le droit de décider d’un endroit où installer ses populations pour leur sécurité », affirme-t-il.
Twisenge, commissaire de police de Bihambwe, se dit favorable à une réinstallation prise en main par le gouvernement.
« C’est la seule solution qui permettra au gouvernement de protéger ses habitants contre des catastrophes similaires à l’avenir », précise-t-il.
« Nous avons déjà perdu beaucoup de vies humaines au Congo avec toutes ces guerres à répétition, particulièrement dans notre province », glisse-t-il. « Il ne faudra plus que nos compatriotes succombent à ce genre de catastrophes.”
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.