KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Thierry Ambule, « escroc » de parcelle.
Voilà du moins le qualificatif qui a été collé sur lui lorsqu’il a foulé le sol du service du cadastre de Kisangani en janvier pour réclamer le titre officiel d’une petite parcelle qu’il a achetée dans la commune de Makiso à Kisangani, à 8 kilomètres de centre ville.
En gros, 1 154 713 francs congolais, soit environ 700 dollars. C’est la Somme qu’Ambule a dû débourser pour une parcelle, comme il l’affirme. Une décharge et des instructions sur la manière de faire immatriculer ce lopin de terre, c’est tout ce qu’il a reçu du cédant en contrepartie de son fric. Aussi payer à la banque était-il un préalable à toute tentative de se rendre au service du cadastre pour le démarrage du processus d’enregistrement.
Et après avoir remis la somme à ce vendeur auprès duquel il a initialement acquis la parcelle, les 164 878 francs congolais requis pour payer les frais d’ouverture du dosser lui ont fait défaut.
Or, lorsqu’il arriva un mois plus tard pour payer ces frais, ce fut pour apprendre que quelqu’un d’autre, qui lui aussi faisait valoir une décharge reçue du cédant, était venu revendiquer la propriété de la parcelle.
« Jusqu’à présent, l’affaire est saisie par le service du cadastre et des titres immobiliers », précise Ambule. « Mais le monsieur qui m’avait vendu la parcelle avait disparu dans la nature ».
Cela fait des années que l’on assiste à l’augmentation de l’anarchie dans la vente de parcelles à Kisangani. Des rixes entre plusieurs prétendants propriétaires pour une même parcelle qui finissent par des meurtres sont signalées dans la région. Souvent, des conflits naissent entre deux familles prétendant détenir la propriété d’une parcelle que chacune d’elles prétend avoir acquise par achat.
Lorsque le service du cadastre est d’abord saisi d’un conflit foncier, il se doit généralement de s’en remettre au vendeur pour déterminer le véritable propriétaire. ET s’il arrive que le vendeur se volatilise, c’est là que les choses se compliquent encore plus. Eh bien, si c’est le cas, vient alors la saisine du parquet. Mais là encore, arriver à un règlement n’est pas chose facile. Il n’est pas rare que des gens remettent de l’argent et des chèvres au procureur pour le corrompre et être reconnus propriétaires.
Plus de 60 conflits fonciers sont aujourd’hui en instance, affirme Moise Bondo Mumba, chargé du contentieux au service du cadastre de la ville.
« Le mal pour la population en est qu’elle ne se confie pas à nous pour l’achat d’une parcelle. Elle préfère le faire à huis-clos pour éviter d’autres frais. Et voilà comment règnent les conflits ».
Selon Mumba, 40 cas de conflits fonciers ont été renvoyés au parquet par le service du cadastre. Ce dernier a, depuis décembre 2018, pu identifier les propriétaires pour 20 d’entre ces cas.
Le cas de David Okeke est resté en suspens depuis lors.
« J’ai acheté une parcelle entre les mains d’un tiers avec une décharge », révèle-t-il, en référence à une petite parcelle qu’il a achetée dans le quartier de Motumbe dans la commune de Makiso à Kisangani. « J’ai déjà commencé à construire. Mais aujourd’hui, il y a un autre monsieur qui est venu me dire que l’espace lui appartient ».
La personne ayant intenté la procédure contre Okeke n’est plus visible pour réclamer la parcelle, se désole-t-il. Et comme l’affaire est toujours en cours d’examen, il ne peut plus poursuivre ses travaux de construction d’une maison.
Il a fallu à Christian Kabulele sept mois pour se faire délivrer le titre foncier pour une parcelle qu’il a acquise auprès d’un vendeur prétendant être propriétaire légitime. Et lorsqu’il avait commencé ses travaux de construction sur la parcelle, un autre prétendant propriétaire s’est présenté pour en revendiquer la propriété, disant halte à ses travaux de construction.
« Pour éviter des conflits fonciers dans la ville, la population doit ouvrir ses yeux avant d’acheter des parcelles », conseille Florent Pago Maduali Binzaka, chef de division et conservateur des titres immobiliers. « Seuls le service de l’urbanisme et celui du cadastre et des titres immobiliers sont chargés de cette opération ».
La terre étant en forte demande, l’engouement pour la propriété foncière peut l’emporter sur la règle.
Selon Ambule, il a acheté cette parcelle pour assurer une vie meilleure à ses deux enfants. Déterminé à ne jamais renoncer, il persiste et signe.
« Chaque fin de la semaine, je suis obligé de passer ici pour vérifier ma parcelle, si personne n’y construit », confie-t-il. « Je suis menacé par un inconnu qui arrive ici pour dire que cette parcelle lui appartient ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.