Democratic Republic of Congo

Églises de réveil : lieux de guérison ou nuisance locale ?

Kisangani, l’une des plus grandes villes de la RDC, abrite désormais des centaines d’églises de réveil, fruit d’un boom pandémique dont les effets secondaires ne sont pas négligeables.

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Revivalist Churches: Places of Healing or Local Nuisance?

Françoise Mbuyi Mutombo, GPJ RDC

Des fidèles arrivent pour le culte de dimanche à l’église évangélique Neema Ya Golgotha à Kisangani, RDC. Les églises de réveil ont connu une forte prolifération, en particulier depuis la pandémie.

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KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Lorsque Blandine Masuaku a rejoint l’église de réveil Jésus-Christ la Solution, elle était en quête d’un lieu de culte où elle pourrait être guérie d’une maladie chronique. Un jour, alors qu’elle était assise chez elle en train de lire la Bible, la mère de deux enfants a vu une publicité télévisée sur une église. Elle fut séduite : ladite église lui convenait.

« Je suis venue m’intégrer dans cette église pour trouver la solution à mes problèmes », affirme Masuaku.

Avant même de rejoindre Jésus-Christ la Solution, Masuaku avait l’embarras du choix. Des églises, il y en avait partout à Kabondo, une commune de la province de la Tshopo dans la ville de Kisangani. Elle avait déjà été membre d’au moins quatre autres églises.

Les églises chrétiennes de réveil (églises qui se sont écartées des doctrines catholiques et protestantes pendant le mouvement du réveil) ont connu une forte prolifération, en particulier pendant la pandémie. Certains habitants les accusent de profiter de leurs fidèles, de faire trop de bruit et de faire flamber le prix des terrains, et ils demandent au gouvernement de les réglementer.

Une étude de 2019 publiée dans Anuac, une revue internationale à comité de lecture, fait le lien entre la popularité des églises de réveil en RDC et le manque de services sociaux dans le pays. Par exemple, alors que les soins de santé sont toujours coûteux et inaccessibles pour plusieurs, les églises de réveil considèrent les maladies et les troubles comme un « problème spirituel », selon l’étude.

Certes on ne dispose pas de données récentes, mais à en croire une enquête nationale menée par le Fonds des Nations unies pour l’enfance et le bureau national des statistiques du pays, en 2010, 32 % des ménages en RDC s’identifiaient comme catholiques, 31 % comme protestants, 14 % comme chrétiens des églises de réveil et 3 % comme kimbanguistes.

Si les églises de réveil ne sont pas majoritaires, Jean Louis Alaso, maire de Kisangani, affirme que chaque rue de Kisangani compte au moins trois de ces églises. Environ 450 églises ont vu le jour entre 2020 et 2022, un chiffre qui ne tient pas compte des églises non déclarées, ajoute-t-il.

Alaso pense qu’il existe un lien entre la pandémie du coronavirus et la récente augmentation du nombre d’églises. Selon lui, les habitants sont devenus la proie de pasteurs qui les ont convaincus de rejoindre leurs églises et de prier, afin de ne pas contracter le coronavirus, d’où la création de nouvelles églises. Par ailleurs, le peu de services publics offerts pendant cette période n’a pas aidé, ce qui, aux dires d’Alaso, a compliqué la réglementation.

Aujourd’hui, les habitants constatent les conséquences. Le coût du terrain et du loyer a augmenté, car les pasteurs achètent des terrains en ville ou louent des bâtiments commerciaux et résidentiels à un prix plus élevé. « Les terrains qui se vendaient vers les années avant 2018 à 1000 dollars, avec ces pasteurs qui cherchent des espaces aujourd’hui, ces terrains sont vendus à 5000 dollars ou plus », explique Alaso.

Patrick Kadosa, qui vend des terrains à Kisangani, partage cet avis. Il gagne plus en vendant aux dirigeants d’églises. « Les espaces que nous avions vendus aux certaines personnes moins cher à 500 dollars, aujourd’hui nous les vendons aux pasteurs à 5000 ou à 6000 dollars », dit-il.

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Françoise Mbuyi Mutombo, GPJ RDC

Des terrains inoccupés comme celui-ci deviennent des lieux de prière le weekend lorsque des pasteurs évangéliques sans autorisation organisent des rassemblements provisoires.

Boni Lipasa, un fonctionnaire d’État, fait des économies depuis quelques années afin d’acheter des terres pour sa famille. Il a tenté d’en acheter, mais a été surpris par l’augmentation significative du prix. « À Kisangani, nous savions tous que le terrain le plus cher est vendu [à] 2 000 dollars, mais aujourd’hui, le propriétaire me dit de lui payer 5 000 dollars », dit-il.

La pollution sonore est un autre problème. Cathy Lomeya, une mère de quatre enfants qui vit à 10 mètres d’une église, affirme que cette dernière est devenue une nuisance quotidienne. Parfois, ses enfants ne peuvent pas lire ou faire leurs devoirs à cause du bruit. Elle estime que les autorités doivent réglementer les églises de la ville.

« Ces églises [fonctionnent] comme si tout était permis », dit-elle.

Selon une loi de 2001 régissant les organisations à but non lucratif, les lieux de culte ne doivent pas importuner le voisinage. La loi énonce également des exigences pour les représentants légaux et les fondateurs d’institutions religieuses. Ceux-ci doivent être en bonne santé mentale et avoir une bonne réputation morale. Le représentant légal d’une institution religieuse doit également avoir suivi une formation en théologie auprès d’une institution agréée et ne pas avoir été condamné à une peine de détention supérieure à cinq ans, entre autres exigences.

Mais les églises de réveil de Kisangani ne remplissent pas toujours ces conditions. Selon Alaso, en 2022, les autorités de la ville ont fermé 35 églises. Cependant, il ajoute qu’elles sont confrontées à des défis, car de nouvelles églises continuent de voir le jour.

« Nous, les autorités de la place, ne savons plus quoi faire », dit-il.

Elie Kawaya, un pasteur, détient un diplôme en théologie et dirige l’église évangélique Neema Ya Golgotha à Kisangani depuis plusieurs années maintenant.

Kawaya affirme répondre à la plupart des exigences juridiques. « En tant que Congolais qui aime son pays, c’est mon travail de m’assurer que je dirige mon église conformément à la loi », dit-il. Il admet que certains pasteurs sont des exploiteurs. « Une église ne devrait pas être un lieu d’affaires où les pasteurs prêchent pour de l’argent. Au lieu de cela, ce devrait être un endroit où les gens peuvent être montrés le chemin vers le Seigneur afin d’être sauvés. »

Masuaku, qui affirme que son état s’est amélioré depuis qu’elle a rejoint l’église de réveil Jésus-Christ la Solution, estime que la loi est en quelque sorte problématique. « Je choisis l’église à laquelle je veux me joindre et je ne laisse pas les autres décider pour moi », dit Masuaku. Elle ne comprend pas pourquoi un pasteur doit être titulaire d’un diplôme en théologie. Pour elle, « Le courage et le don de Dieu sont tout ce dont un pasteur a besoin. »

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Françoise Mbuyi Mutombo, GPJ RDC

Le pasteur Elie Kawaya pose pour un portrait devant l’église évangélique Neema Ya Golgotha à Kisangani, RDC. Il admet que certains pasteurs cherchent à exploiter les gens.

Françoise Mbuyi Mutombo est journaliste à Global Press Journal en poste à Kisangani, en République démocratique du Congo.


NOTE À PROPOS DE LA TRADUCTION

Traduit par Christelle Yota, GPJ.