KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Paul Masibu Lombeya est habillé d’un costume chic noir marié avec une chemise blanche impeccable. Il porte aussi ceci : chaussures neuves.
Autour de lui, des hommes en costume et des femmes chic en tissu kitenge paré de superbes couleurs expriment leur joie par la danse avec des arômes ensorcelants qui circulent dans la foule. Des boissons, aussi, coulent à flot, car on célèbre aujourd’hui la dot de la fille de Lombeya.
Au nombre des éléments figurant sur la liste de la dot figure une moto neuve exposée non loin de là.
Demain, Lombeya doit enfourcher sa moto pour faire un tour en ville, révèle-t-il.
« Le futur mari de ma fille a apporté presque tout ce que j’avais demandé », glisse-t-il. « Ça me fait très plaisir ».
La tradition de la dot partout à Kisangani demeure une réalité en mutation aujourd’hui. Adieu, la dot en bétail ou accessoires de maison.
Aujourd’hui, des pères demandent aux chums de leurs filles de verser des biens technologiques et des moyens de transport avant de donner leur accord au mariage.
« J’ai le droit de demander tout ce que je veux pour le mariage coutumier de ma fille », déclare Lombeya. « Ma fille vient de finir ses études universitaires. J’ai donné tout ce que j’avais pour lui donner la chance d’avoir une vie meilleure. Or, exiger une moto et un téléviseur est la moindre des choses que je puisse faire avant qu’elle ne soit donnée en mariage ».
Alain Kumbatulu, sociologue à l’ Université de Kisangani, affirme que le mariage est très valorisé dans la culture locale. Dans la société congolaise, la dot permet de sceller l’alliance entre deux familles. La loi congolaise stipule que le versement de la dot est un préalable au caractère officiel du mariage et que, par contre, la dot peut revêtir un caractère de symbole.
« C’est un outil permettant de sceller des liens et non la marchandisation de la mariée », assure-t-il.
Et si la société se modernise, il en va de même du système de la dot, explique-t-il.
Aujourd’hui, en haut des listes établies par des pères figurent des motos, des ordinateurs, des smartphones et des téléviseurs. Un futur marié peut généralement débourser entre 1 500 et 5 000 dollars et, aux dires de certains hommes dans la région, cette somme plonge dans un malaise financier.
Souvent, des habitants de la RDC recourent au dollar américain comme leur principale monnaie.
Junior Abedi Lemba s’apprête à verser la dot à son futur beau-père.
« Mon moral est au plus bas et je regrette d’avoir demandé une liste », glisse-t-il, ajoutant qu’en haut de cette liste se trouve une moto d’une valeur de 1 300 dollars.
Ces éléments complexes et modernes qui s’invitent sur la liste de dot poussent des jeunes à renoncer au désir de convoler en justes noces ou d’aller au bout du mariage, déclare Esperance Kyakimwa.
« Voilà bientôt un an que mon petit ami est venu chez nous pour demander ma main », confie-t-elle. « Mais la liste qu’il a reçue l’a découragé. On a exigé de lui une moto, un téléviseur et une enveloppe de 5 000 dollars ».
Selon Kyakimwa, elle est toujours en colère contre sa famille et son chum ne peut aujourd’hui se permettre de payer le montant demandé.
Aujourd’hui, la dot a été bien dénaturée, explique Faustin Kimoto, 78 ans. Selon lui, il n’a exigé aucun bien complexe pour la dot de l’une ou l’autre de ses filles.
« Je me suis marié en 1965 et mes beaux-parents n’ont pas demandé un prix élevé pour la mariée », raconte-t-il. « Je leur ai donné une chèvre et une bouteille de bière locale ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.