À propos de cette série: Des journalistes de Global Press Journal dans le monde ont décrypté les approches, notamment les valeurs et les priorités, en matière de santé reproductive dans leurs communautés respectives ainsi que l’impact des politiques internationales sur ces dernières. Lisez ici pour les autres articles de cette série proposée pour votre goût tout au long du mois.
KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Flavier Paluku Shakolera a huit enfants, dont cinq filles et trois garçons.
Même si pour l’heure, confie-t-il, il a assisté à des séances d’information organisées dans les centres de santé locaux sur les avantages de la contraception, il n’entend pas s’en servir sous quelque forme que ce soit.
Âgé de 43 ans, Shakolera est un croyant catholique qui affirme qu’on lui a toujours enseigné que recourir à la contraception, c’est pécher.
« Dans la Genèse, Dieu dit : ‘ Soyez féconds et multipliez-vous, et remplissez la terre’ », précise-t-il.
Aux dires de Shakolera, lui et sa femme recourent au collier du cycle pour espacer les naissances. Ce collier de perles aide la femme à compter les jours pour repérer sa période d’ovulation. Et cette manière de faire lui permet de connaître les jours où elle doit s’abstenir des rapports sexuels, selon qu’elle souhaite tomber enceinte ou non.
Dans le territoire de Lubero, une région rurale de la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo, les informations sur la contraception y sont facilement accessibles. Selon Kakule Lusenge, médecin directeur du centre de santé de la Communauté baptiste au centre de l’Afrique (CBCA), une organisation baptiste basée à Kirumba, les femmes dans cette région ont accès à de multiples méthodes contraceptives, notamment l’injection de Depo-Provera, l’implant, la pilule contraceptive, le préservatif et le dispositif intra-utérin.
Or, aux dires des familles catholiques de la région, les séances d’éducation de la CBCA ne suffisent pas à changer la perception de la contraception à travers la lorgnette de la religion.
Selon le père Sephorien Kambale Wavirire, curé d’une paroisse catholique locale, la Bible interdit la contraception. Certains fidèles implorent, lors de la confession, le pardon de Dieu pour le recours à la contraception, révèle-t-il.
« Je ne saurais vous dire leur nombre exact, mais certains d’entre eux viennent se confesser auprès de moi pour leur recours à la contraception », lâche-t-il.
Lusenge, médecin directeur de la CBCA, explique que la plupart des femmes catholiques ont toujours recours à des méthodes naturelles de régulation des naissances, dont la méthode du calendrier qui exige plusieurs mois d’observation du cycle menstruel avant de prédire les jours fertiles. Chaque mois, environ 180 femmes, catholiques et non catholiques, recourent à la contraception dans son établissement, confie Lusenge. Au moins l’une de ces femmes, glisse-t-il, revient chaque mois après des doutes que la contraception suscite en elle, souvent en raison d’être obligée, sous la pression religieuse, d’y tourner le dos.
L’Église catholique romaine a toujours favorisé les familles nombreuses et s’oppose particulièrement à la contraception depuis des décennies. Le pape Pie XI, dans son encyclique de 1930, a déclaré que la finalité du mariage devait être la procréation. Le pape Paul VI, quant à lui, va même plus loin dans son encyclique de 1968, condamnant tout rapport sexuel « ayant la contraception comme fin délibérée ».
À Kirumba, en revanche, le choix par un couple marié d’avoir une famille nombreuse se justifie aussi par d’autres facteurs. La persistance des conflits dans la région reste un fléau aux conséquences mortelles imputable aux groupes armés locaux appelés Maï Maï qui se battent pour contrôler des ressources naturelles, des terres et des communautés. Des jeunes courent le risque d’être enrôlés de force dans ces groupes, et même, dans certains cas, ils sont kidnappés. La mort étant devenue monnaie courante, certains ménages choisissent de faire plus d’enfants par crainte de voir leur famille entière décimée si certains membres sont tués.
Issue d’une famille de six enfants, Judith Kavugho Tavughanamolo, 23 ans, affirme que seuls trois d’entre ces enfants sont encore en vie.
« Deux de nos frères et sœurs sont morts et un reste porté disparu », se désole-t-elle.
Selon elle, il importe pour les familles de faire plus d’enfants, surtout lorsque les enfants sont la proie facile de la mort.
Aux dires de Lusenge, chacun se réserve le droit d’accepter ou de refuser la contraception, peu importe le motif. Par contre, son souhait est de voir les gens comprendre les bienfaits éventuels de la planification familiale sur la santé maternelle.
« Ceux qui se refusent à la contraception doivent d’abord connaître ses avantages », conseille-t-il. « Mais qu’ils jouissent de la sexualité responsable ! »
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.