Democratic Republic of Congo

En 2019, les efforts de protection contre Ebola en RDC ont semé la frayeur chez des malades

Cet article a été initialement publié en novembre 2019. Nous le republions aujourd’hui pour offrir une perspective historique sur l’épidémie de mpox.

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2019: In DRC, Ebola Safety Efforts Scared Sick People Away

Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Muhindo Kambere, ouvrier agricole, se lave les mains avant d’entrer au centre de santé de la Communauté baptiste au centre de l’Afrique à Kirumba, une cité de la province du Nord-Kivu en RDC.

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KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO – Dans la cité de Kirumba, quiconque se sentait malade se rendait directement dans un centre de santé de la place pour se faire soigner.

Pourtant, tel fut le cas avant qu’Ébola ne frappe cette partie de la province du Nord-Kivu en RDC.

Nombre de structures sanitaires de la zone de santé de Kayna, qui couvre Kirumba et ses environs, exigent aujourd’hui que ceux qui y’rendent passent par un lieu de triage avant de pénétrer dans le bâtiment. Sous une bâche, ceux qui arrivent suivent une règle : se désinfecter les mains et se faire prendre la température à l’aide d’un capteur à distance.

Quiconque présente une température supérieure ou égale à 38 degrés Celsius est séparé du reste et placé sous étroite surveillance. Si, le troisième prélèvement révèle que la température ne bouge d’un iota, on considère qu’il s’agit d’un possible cas d’Ebola et le suspect est transféré dans un centre de transit dédié à Ebola, un établissement spécialisé dans le traitement de la maladie.

Aux dires des médecins, pourtant, ces mesures exceptionnelles en place pour détecter et combattre Ebola qui a fait 2,193 morts en RDC depuis août 2018, ont pour corollaire le refus par certains malades de se faire traiter pour d’autres affections qui, elles aussi, sont potentiellement mortelles.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Au centre de santé de la Communauté baptiste au centre de l’Afrique, l’infirmier Kambale Kighoma, s’occupe des patients venus pour bénéficier d’un traitement pour des maladies telles que le paludisme et la fièvre typhoïde.

Jadis, confie Benjamin Kombi, médecin au centre de santé géré par la Communauté baptiste au centre de l’Afrique à Kirumba, les patients souffrant de multiples affections médicales se sentaient à l’aise de prendre le chemin du centre pour y être soignés. Mais son choix de travailler avec l’équipe de la riposte à Ebola a fait changer les choses.

À en croire Kombi, le thermoflash – thermomètre sans contact utilisé pour mesurer la température corporelle dans les zones de triage – effraie certains patients. Lui, aussi, a été témoin de la circulation des informations erronées, notamment une rumeur selon laquelle certains infirmiers sont payés par des équipes de la riposte à Ebola pour inoculer le virus aux patients par injection. (Ceux qui sont considérés comme des cas suspects et le personnel médical de l’établissement sont tous vaccinés contre Ebola, ce qui est, peut-être, à l’origine de la rumeur.)

Selon Tsongo Kambale, médecin chef de la zone de santé de Kayna, il se peut que ces rumeurs aient été propagées par des habitants des zones de santé voisines telles que Beni, où les équipes de la riposte à Ebola ont fait l’objet de soupçons, voire même de violences de la part des communautés locales. En février, un centre de traitement dans la ville de Beni a été incendié.

L’actuelle épidémie d’Ebola est la 10ème sur le sol congolais et de loin la plus meurtrière. Pour Kambale, le premier cas dans la zone de santé de Kayna a été confirmé le 16 janvier 2019. Depuis lors, 28 personnes ont été diagnostiquées porteuses du virus Ebola dans cette zone et huit ont succombé à la maladie.

Selon Kambale, Ebola n’est pas un arrêt de mort. « Si on se présente à temps, on a trop de chances de guérir », assure-t-il.

Et dans cette partie de la RDC où moins de vies ont été fauchées par le virus Ebola, les risques de se retrouver sans offre de soins pour d’autres maladies sont bien pires que ce mal.

« Ce n’est pas seulement Ebola qui tue », prévient-il. « Il y a d’autres maladies plus dangereuses ».

Mais Dalgri Lwakunda, un villageois, persiste et signe pour son refus de se rendre à un centre de santé tant que les équipes de riposte opèrent dans la cité. La présence d’escortes militaires – intervenues suite à des menaces de violence à l’encontre d’agents de santé – l’a poussé à jeter le doute sur leurs efforts.

« Où avez-vous vu le personnel soignant être escorté par des militaires », s’étonne-t-il « C’est du jamais vu. De ma part, j’ai peur. Je ne peux jamais approcher ces équipes ou infrastructures sanitaires qui travaillent en complicité avec elles ».

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

L’infirmer Kasereka Jadot prélève la température de Muhindo Kambere avec thermoflash, thermomètre permettant la prise de température sans contact. Des docteurs témoignent que certains patients évitent le centre de peur de cet appareil.

Depuis que circulent les rumeurs, relate Kombi, on constate une baisse du nombre de gens qui se font soigner pour un quelconque problème de santé. Selon lui, des patients se tournent de plus en plus vers des guérisseurs traditionnels, des pharmacies ou des postes de santé – des cliniques médicales plus petites et privées.

Selon Noella Masika Muhindo, pharmacienne, le nombre de personnes recourant à l’aide de sa pharmacie depuis la mise en place des mesures de prévention du virus Ebola a augmenté.

« Actuellement, nous recevons beaucoup de clients qui disent craindre de se voir injecter le virus Ebola dans des structures sanitaires. Nombreux de mes clients disent qu’ils fréquenteront de nouveau ces structures quand Ebola se terminera dans la contrée », confie-t-elle.

Selon Kasereka Sivanzire, guérisseur traditionnel, le nombre de patients recourant à ses services a également augmenté.

« Avant cette épidémie d’Ebola, la fréquentation de mon centre était très basse », explique Sivanzire. «

Je devais travailler deux heures l’avant-midi et deux heures le soir. Actuellement, la fréquentation permanente des malades m’oblige de travailler toute la journée ».

Aux yeux de Kombi, pourtant, la décision de s’en remettre à d’autres formes de soins peut entraîner des conséquences catastrophiques.

« Les tradipraticiens et la plupart des agents des postes de santé ne sont pas des spécialistes dans le traitement des pathologies », renseigne-t-il. « Après toute tentative de guérison sans succès, des patients sont précipités tardivement aux soins dans les structures sanitaires où nombreux meurent malheureusement ».

Aux dires de Tsongo, les équipes de riposte organisent des réunions avec les autorités locales pour les sensibiliser sur la manière de briser la chaîne de transmission. Ils nourrissent l’espoir de dissiper les rumeurs voulant que les équipes de la riposte à Ebola propagent la maladie et de démystifier les tests de dépistage.

« Que toute la population sache que la maladie à virus Ebola est parmi nous », prévient Kombi. « Tout un chacun doit s’impliquer dans la lutte ».

Adapté à partir de sa version originale en swahili et en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.