KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Diplômé d’une école de médecine, Laddy Yangotikala n’entend pas exercer sa profession.
Sa véritable ambition ? La politique.
Sa motivation ? Le fric.
« La politique est devenue le métier qui paie le mieux en République démocratique du Congo en général et dans la ville de Kisangani en particulier », déclare Yangotikala, 32 ans, père d’un enfant.
Yangotikala fait partie d’une vague de jeunes qui, aujourd’hui, bousculent activement le jeu politique.
Christophe Limanga Nkolya, agent de la Commission électorale nationale indépendante, a déclaré à GPJ que près de 70% des jeunes diplômés de la ville de Kisangani finissent par grossir les rangs de l’un des deux principaux partis politiques, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie ou le Mouvement de libération du Congo.
Lors des élections nationales de décembre, affirme Limanga, les jeunes représentaient environ 80% des candidats aux joutes électorales nationales et provinciales.
La ville de Kisangani jouit d’un secteur de l’enseignement dynamique composé d’universités publiques, notamment l’Université de Kisangani et l’Institut facultaire des Sciences agronomiques de Yangambi, ainsi que six universités privées.
Chaque année, des milliers de jeunes sortis de ces institutions prennent d’assaut le marché du travail. Côté chômage, celui-ci demeure pourtant élevé ici et force gens voient leurs rêves d’embrasser leur carrière de choix s’écrouler. D’après les estimations, plus de la moitié de la population urbaine du pays est sans emploi. (Lisez ici notre article sur la façon dont certains Congolais de Kisangani remuent ciel et terre pour s’attaquer au chômage.)
Certains démarrent de petites entreprises comme un pis-aller. Pour d’autres, le capital de démarrage faisant défaut, ils passent leurs journées à chercher du travail ou à multiplier les petits boulots.
Et pour certains, un emploi politique est un job de rêve, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons.
« Je note que cet afflux massif des jeunes universitaires dans la politique est motivé par le manque d’emploi », déclare Célestin Kangakolo, ancien homme politique et compagnon du premier Premier ministre de la RDC après l’indépendance, Patrice Lumumba.
Aujourd’hui, le paysage politique reste dominé par des politiciens inexpérimentés, déclare-t-il, ajoutant qu’il a perdu tout espoir quant à la capacité de la classe politique de Kisangani à servir la nation.
« Nous avons l’obligation d’encadrer cette génération montante en politique dans la ville de Kisangani afin que l’ancienne ville martyre entre dans le concert politique de la nation », déclare-t-il.
Antoinette Sakina, une autre célèbre actrice politique dans la ville de Kisangani, soutient pour sa part la participation politique des jeunes diplômés.
« Il nous faut rajeunir notre classe politique en la dotant de nouvelles personnes ayant encore trop d’énergie pour servir la nation », lâche-t-elle.
Mais selon Casimir Ngumbi, professeur à la faculté des sciences sociales, administratives et politiques de l’Université de Kisangani, les nouveaux diplômés finissent par comparer leur vie à celle des politiciens ayant « accumulé des richesses ».
De manière générale, les responsables gouvernementaux sont connus pour profiter de leurs fonctions pour s’enrichir. Ce type de corruption demeure endémique en RDC.
« Lorsque le gouvernement n’est pas en mesure de créer des emplois pour son peuple, voici le résultat », déclare Ngumbi, faisant allusion à l’administration de l’ancien président Joseph Kabila.
Yangotikala a été candidat malheureux aux législatives provinciales à Kisangani.
Selon lui, il doit aujourd’hui renouer avec sa carrière de médecin.
Si les salaires des médecins étaient suffisants, confie-t-il, il n’aurait rien à envier aux politiciens.
« Je dois poursuivre la profession de médecin, car il n’y a pas de transparence dans la politique congolaise », annonce-t-il.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ