KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Annifa Bolissa, 13 ans, étudie dans une petite école en bois. C’est une école de fortune qui attend au moins 65 élèves chaque jour. Ce bâtiment en piteux état est sans eau courante et n’a pas de places où rester assis à l’extérieur. Il ne dispose que d’un seul lieu d’aisance pour tout le monde.
« Notre salle de classe est très petite », explique Annifa. « J’essaie d’être là à temps pour occuper la meilleure place où je peux bien suivre les cours, même si de nombreux élèves se serrent sur un même banc pour faire place à tout le monde. Être appliqué ici n’est pas chose facile ».
Groupe Scolaire Tuendelee, l’école d’Annifa figure parmi ces écoles informelles qui voient le jour en nombre croissant partout dans la province de la Tshopo en RDC. Cette école et d’autres comme elle sont l’œuvre des propriétaires privés et construites en bois. Leur nombre augmente au rythme du nombre d’élèves ayant besoin d’éducation. Pourtant, non seulement leur qualité est contrariante, mais elle présente également un danger potentiel, s’inquiète Toms Akusa.
Ces structures informelles sont vulnérables aux inondations, révèle Akusa.
La température à l’intérieur de notre salle de classe rend difficile l’apprentissage, se désole Annifa.
« Aux environs de 12 heures, le toit commence à se chauffer et la chaleur nous accable. Il faut être dynamique pour résister à la chaleur », avoue-t-elle. « Nous n’avons d’autre choix que d’endurer cette souffrance et de nous concentrer pour comprendre ce que dit l’enseignant ».
On endure, mais d’autres défis surgissent.
Des filles et des garçons, tous âges confondus, partagent les mêmes toilettes. Certains parents découragent leurs enfants d’utiliser les toilettes de l’école par peur d’infections. Il leur arrive même de leur conseiller de se retenir d’aller à la selle toute la journée.
« J’ai fait mienne la discipline pour me soulager seulement à la maison », confie Annifa, ajoutant que le nettoyage des toilettes est confié aux élèves qui arrivent en retard à l’école.
Des structures privées servant d’écoles ont commencé à voir le jour à Kisangani, la plus grande ville de la province de la Tshopo, dans les années 1990. Elles demeurent en deçà des normes établies par le gouvernement congolais, mais on ne fait pas grand-chose pour fermer leurs portes.
Selon Likunde Lya-Bossongo, président provincial de l’Association nationale des écoles privées agréées (ASSONEPA), 65 pourcent des écoles de Kisangani, l’une des plus grandes villes de la RDC, ne répondent pas aux normes réglementaires.
Ces écoles privées sont censées se faire agréer et remplir trois conditions de base : matériel approprié, administration de l’école et fonds de démarrage. Dans bien des cas, pourtant, on piétine la règle, explique Nendolo Moliso, ministre provincial en charge de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel.
« Ces écoles ne sont que des instances de la déviation intellectuelle et compromettent ainsi l’avenir de notre société », s’alarme-t-il. « Elles ne méritent que d’être fermées ».
Omari Salamabila, inspecteur scolaire, déclare que les écoles font souvent usage de la corruption pour éviter la fermeture.
« Malheureusement, certains inspecteurs se laissent corrompre par certains propriétaires d’écoles et se gardent de signaler aux autorités de Kinshasa tout ce qui peut les empêcher de se faire délivrer un agrément », confie Salamabila, faisant allusion à la capitale du pays. « C’est pourquoi nous avons tant d’écoles non viables ».
David Loshanga, propriétaire de l’une de ces écoles locales, réfute toute allégation de corruption de la part des propriétaires d’école.
À en croire certains parents, ils n’ont guère de possibilités d’éduquer leurs enfants.
Marie Sophie Bwana accompagne ses deux filles à l’école. Selon elle, la raison de son choix en faveur de l’école la plus proche est simple.
« Nous ne pouvons pas nous permettre de payer les moyens de transport aller et retour entre le domicile et l’école », dit-elle. « Pour moi, l’état physique de l’école n’a pas d’importance ; car seul le désir de voir ma fille aller à l’école compte ».
Le ministre de l’Éducation, Nendolo Moliso, a maintes fois fait des déclarations invitant tous les propriétaires d’écoles privées à construire des écoles en bois solide pour la protection des élèves.
« Qu’ils recherchent comment se conformer aux normes obligatoires en matière d’infrastructure pour donner une meilleure éducation à nos enfants, car nos enfants sont notre avenir », conseille-t-il.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.