KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Dans la cour de la prison centrale de Kisangani, des centaines de détenus sont assis côte à côte, certains s’appuyant les uns contre les autres.
Selon Papy Lulua, ancien détenu à la prison de Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo, dans le nord-est de la RDC, 15 à 20 détenus sont entassées par cellule, alors que ces cellules sont faites pour quatre. Lulua, y a fait un séjour de cinq ans, révèle qu’avec la surpopulation et la mauvaise qualité des installations sanitaires, les détenus sont sans cesse exposés aux risques de transmettre des maladies infectieuses les uns aux autres.
« J’ai passé une partie de ma vie derrière les barreaux à la prison centrale de Kisangani, mais les conditions de vie déplorables ne m’ont pas permis d’avoir une bonne santé », déclare-t-il. Lulua vit avec la tuberculose depuis plusieurs années et ce n’est qu’en prison qu’il a contracté la maladie pour la première fois.
La prison centrale est le plus grand établissement pénitentiaire de la province de la Tshopo. Lorsque les défaillances des réseaux de distribution dans la province paralysent l’approvisionnement en eau ou en électricité, les maladies se propagent à un rythme encore plus rapide.
Selon le World Prison Brief, les 120 différents centres de détention que compte la RDC abritaient, en 2013, près de 21 000 incarcérés. À en croire une étude du gouvernement américain sur les droits de l’homme en RDC réalisée en 2013, quoique le gouvernement ait commencé à effectuer des vérifications dans les prisons du pays en 2012 pour contrôler la gestion des fonds dans ces établissements pénitentiaires, les conditions de vie demeurent, dans la plupart de ces établissements, difficiles et parfois mortellement dangereuses. Dans certaines prisons, les détenus dorment sur des tôles et non sur des matelas. Dans d’autres, l’insuffisance de l’approvisionnement en eau potable, l’absence d’aération et l’accès limité aux soins médicaux constituent de graves risques pour la santé.
La prison centrale de Kisangani, en service depuis les années 1920, continue de faire face aux conditions de vie déplorables. Conçu pour accueillir 600 détenus, l’établissement en compte aujourd’hui 1 500, lâche un agent pénitentiaire qui a requis l’anonymat par crainte d’être licencié.
Outre la surpopulation, les détenus à la prison ont été durement touchés par des problèmes d’infrastructure dans les réseaux locaux d’approvisionnement en eau et en électricité. Avec le submergement de la centrale hydroélectrique sur la rivière Tshopo par des eaux le 9 novembre 2017, de nombreux habitants de Kisangani ont été privés d’électricité et d’eau potable. La crise a poussé des détenus à la consommation d’eau non potable. Entre les 14 et 24 novembre, le personnel de la prison a signalé 39 cas de choléra. Avant que l’approvisionnement en eau ne soit perturbé, seuls trois cas de diarrhée avaient été signalés dans la prison, affirme Paul Lisimo, un médecin qui traite les détenus malades depuis 17 ans.
Quoique le manque d’eau ait contribué à la plus récente flambée de maladies diarrhéiques, le surpeuplement carcéral et l’insalubrité des latrines ont accéléré la transmission, confie Lisimo.
Des épidémies similaires se sont déclarées ces dernières années, dit-il. Soixante-dix pour cent des détenus ont reçu un diagnostic de tuberculose en 2017, ce qui en fait la maladie infectieuse la plus courante dans la prison, dit Lisimo.
Les autorités du gouvernement provincial ont refusé de s’exprimer publiquement, alléguant l’absence d’autorisation de parler aux médias. Toutefois, l’une d’elles a officieusement reconnu que les autorités savent que les prisonniers vivent dans des conditions inhumaines tout en laissant entendre que la responsabilité incombe au gouvernement central et non à la province de la Tshopo.
« Les mauvaises conditions de vie des prisonniers sont déplorables non seulement ici à Kisangani, mais aussi partout en RDC », dit l’autorité. « Ainsi, il n’appartient pas à nous, le gouvernement provincial, de régler ce problème, mais plutôt au gouvernement central de Kinshasa ».
Mais les détenus continuent de devenir la proie des maladies.
Patrick Lisilo Mbatu, en prison depuis sept ans, affirme que son état de santé s’est dégradé. Selon ses dires, il tombe souvent malade parce qu’il est entouré d’autres détenus atteints de maladies infectieuses.
Lulua dit avoir subi le même sort.
« J’ai été victime de la tuberculose pendant un mois et demi, parce que nous avons l’habitude d’utiliser les mêmes verres, assiettes et seaux », dit Lulua.
« Il est impossible qu’il s’écoule deux mois consécutifs avant que je ne sois hospitalisé, et la récente épidémie de choléra ne m’a pas épargné », dit-il. « J’ai été hospitalisé pendant deux semaines ».
Quoique l’approvisionnement en eau ait été rétabli dans la prison depuis le 25 décembre, l’épidémie de choléra a poussé les autorités pénitentiaires à prendre des mesures pour enrayer la propagation de la maladie, explique le Dr Lolo Ofoili, médecin chef de zone de cette entité sanitaire.
« On a pris des mesures de précaution », assure Ofoili. « Nous avons mis en place des dispositifs de lavage des mains obligatoire à l’entrée de la prison. On a aussi des pédiluves pour piétiner pour désinfecter les microbes d’origine hydrique. Le besoin prioritaire pour le moment c’est l’eau ».
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.