Democratic Republic of Congo

En RDC, les familles de victimes d’enlèvements souvent mises à rançon et parfois tuées tirent la sonnette d’alarme

Depuis 2010, les enlèvements sont devenus monnaie courante dans toute la province du Nord-Kivu et les habitants reprochent au gouvernement de prendre à la légère cette situation d’insécurité dans la région. Les groupes rebelles sont soupçonnés de participation dans la plupart des enlèvements pour réclamer d’importantes rançons.

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After Kidnapping, Family Speak Out After Facing Ransom Demands, Sometimes Murders

Merveille Kavira Luneghe, GPJ DRC

Kasika Muviri, 52, helped raise $6,000 to pay the ransom for a kidnapped friend.

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KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO —Des coups de fil sont passés à partir du  téléphone portable de la victime, suivis par des réclamations d’énormes sommes d’argent, obligeant ainsi les familles à vendre tout ce qu’elles ont. Et parfois, malgré ce sacrifice, rien ne garantit le retour d’un être  cher dans la famille.

Les défenseurs locaux et internationaux des droits de l’homme affirment que les groupes armés actifs dans la province du Nord-Kivu sont responsables de la majorité des enlèvements. Mais les bandits à la recherche du fric rapide ont, eux aussi,  leur part de responsabilité,  affirment les habitants et la police.

Quel qu’en soit le responsable, les enlèvements sont devenus notre lot quotidien.

À en croire au Groupe d’Associations de Défense des Droits humains et de la Paix, les enlèvements à Kirumba dans le territoire de Lubero, province du Nord-Kivu, ont commencé à devenir de plus en plus fréquents en 2010, lorsque les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont commencé à combattre, par intermittence,  les Forces démocratiques alliées/Armée nationale pour la libération de l’Ouganda (ADF-Nalu)  ainsi que d’autres milices armées dans la partie nord du Parc national des Virunga.

INSIDE THE STORY: Kidnappers are terrorizing people in Democratic Republic of Congo, where money is scarce but ransom demands are increasingly common. A GPJ reporter there shares how the spate of violent abductions is impacting her community. Read the blog.

Selon le rapport de Human Rights Watch paru en décembre 2015, les ravisseurs suivent souvent une procédure similaire : ils frappent, fouettent ou menacent leurs victimes de mort, leur enjoignant d’appeler leurs proches ou leurs employeurs afin de les persuader d’envoyer d’importantes sommes d’argent pour leur libération. Ils utilisent souvent les téléphones portables des victimes pour négocier le paiement des rançons.

Bernard Kahombo, commandant de la Police nationale à Kirumba, affirme que les cas d’enlèvements représentent  60 pour cent des crimes commis dans la région. Il ajoute que la Police et l’Armée fournissent des escortes pour le transport à travers le parc.

«Le gouvernement fait tout en son pouvoir pour mettre un terme aux  enlèvements, » révèle Kahombo. «Aujourd’hui, les bus qui passent dans des régions dangereuses sont escortés par l’armée nationale pour protéger la sécurité des passagers. »

Selon un rapport de  Georges Katsongo, coordinateur de la société civile du territoire de Lubero, rendu public  lors d’une conférence de presse avec une radio locale, 1.017 enlèvements ont été enregistrés  dans les territoires de Beni et de Lubero depuis 2014.

Les habitants disent que cette pratique est courante. La plupart d’entre eux reprochent au  gouvernement de ne rien faire pour assurer la sécurité.

«La population s’inquiète et ne sait plus quoi faire car le gouvernement semble prendre à la légère cette situation alarmante», concède Kambale Mwengeshali, activiste des droits de l’homme dans Kirumba, dont un proche a été victime d’enlèvement.

Les habitants livrent des récits poignants de leurs amis et proches ayant été enlevés, mis à rançon et même tués. 

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ DRC

Kirumba is located in the Lubero territory of the North Kivu province, near Virunga National Park.

Joséphine Kavira

Le frère de Joséphine Kavira a été enlevé à son domicile en Janvier par six hommes armés. Il a été emmené dans la brousse par ses ravisseurs qui ont utilisé son téléphone portable pour appeler les membres de sa famille.

Kavira, 50 ans, est vendeuse de pagnes. Comme elle l’explique elle-même, quand les ravisseurs de son frère ont réclamé  5.000 $ USD, sa famille n’avait d’autre choix que de vendre la parcelle de la victime.  Cette parcelle  a été vendue à 3500 $ USD. D’après les données actuelles de la Banque mondiale, le revenu  annuel moyen par habitant en RDC n’est que de 380 $ USD.

Pour envoyer l’argent aux ravisseurs, Kavira a utilisé Airtel Money, service permettant d’envoyer et de recevoir de l’argent par téléphone portable. Mais arrivés sur le lieu convenu avec les ravisseurs pour la restitution de son frère, dit-elle, ils le trouvèrent la gorge tranchée, baignant dans son propre sang.

Kavira dit qu’il n’y a pas de volonté politique pour ramener le calme dans la région. Elle dit que l’une des solutions devrait consister à renforcer l’application des lois et à réprimer de façon  exemplaire quiconque pris en flagrant délit d’enlèvement.

«Tout ravisseur arrêté devrait être exécuté en public pour dissuader les autres de commettre un tel crime odieux», dit-elle. 

Kasika Muviri

Kasika Muviri, 52 ans, dit que son ami Hanga a été enlevé  dans un endroit appelé Maimoto, en plein Parc National des Virunga lorsqu’il revenait de Goma  pour Beni.

Muviri dit que les ravisseurs ont appelé la famille et les amis de Hanga pour réclamer 6000 $ USD en échange de sa libération. Les amis et proches de la victime ont réuni  des fonds à la hauteur de leurs moyens et sa femme a été obligée de se faire accorder une avance sur salaire  par l’organisation non gouvernementale pour laquelle elle travaille. Ensemble, ils ont réussi à réunir la rançon réclamée  et ainsi  obtenu la libération de Hanga. Mais au moment de sa libération, il avait été torturé pendant des jours.

Muviri estime que s’il y avait plus d’emplois ici les gens n’auraient pas à avoir recours aux  enlèvements.

«Ces gens veulent s’enrichir alors qu’ils n’ont pas d’emplois», lâche-t-il.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ DRC

Elizabeth Kindi, 42, says her 16-year-old nephew Jonathan was kidnapped in November while walking home from work alone.

 

Elizabeth Kindi

Elizabeth Kindi, 42 ans, dit que son neveu Jonathan, 16 ans, a été enlevé un soir en Novembre lorsqu’il revenait du champ. Les hommes en uniforme militaire roulant à bord d’une camionnette l’ont emmené dans les montagnes du Parc National des Virunga. Pendant des semaines, ses ravisseurs ne lui ont pas donné de nourriture et il devait croquer du manioc pour survivre,  déplore Kindi.

Un jour, il lui a été donné 12 bidons pour aller puiser de l’eau dans un puits situé dans les environs. Comme il était seul  à la source,  il en profita pour s’échapper.  Il prit ses jambes à son coup et quand la nuit tomba, il finit par trouver refuge chez un homme âgé qui accepta de l’accueillir.

Kindi dit que les enlèvements  sont dus à la mauvaise gouvernance locale et  au manque de sécurité.

« En guise de solution, il faut que la population fasse pression sur le gouvernement pour l’amener à sécuriser  le Parc National des Virunga car ce dernier est devenu le lieu opératoire des ravisseurs, » souffle-t-elle.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ DRC

Jean Muhindo, 31, says his brother was kidnapped and badly beaten. The family was not able to raise the $15,000 ransom the kidnappers originally demanded, but his brother was released for $7,000.

 

Jean Muhindo

Jean Muhindo, 31 ans, dit que son frère a été enlevé sur son chemin de Lubero vers Bunagana, un trajet d’environ 220 km (137 miles) et a ainsi été  détenu par un groupe armé.

Muhindo dit que son frère a été emmené dans la brousse et passé à tabac.

Ses ravisseurs ont appelé les membres de sa famille pour exiger une rançon de 15.000  $ USD.

Muhindo dit que toute la communauté s’est mobilisée en faveur de son frère. Mais malgré tous leurs efforts, y compris la vente de sa parcelle et sa petite boutique  du coin, ils ont réussi à ne réunir que 7000 $ USD. Mais heureusement, son frère a été libéré. Il avait subi des tortures  tellement graves qu’il a été obligé d’être hospitalisé  pendant deux mois.

Muhindo dit que sa famille  continue de souffrir sous le fardeau des dettes contractées.

Exiger une  communauté déjà appauvrie de payer une telle somme d’argent est un acte de guerre, dit Muhindo.

«Les ravisseurs appauvrissent et affaiblissent davantage  la population, » soutient-il.

 

Kambale Mwengeshali

Kambale Mwengeshali, 41 ans, est activiste des droits de l’homme auprès d’une organisation locale appelée CIDDHOPE, organisation qui fait le suivi des violations des droits de l’homme. Il dit que l’un de ses proches qui est président de la Fédération des Entreprises du Congo,  organisation qui assure la promotion des entreprises locales, a été enlevé à son domicile, puis libéré après avoir payé une rançon de 4.500 $ USD – argent emprunté auprès d’autres personnes.

Mwengeshali dit que les membres de groupes armés locaux veulent s’enrichir sur le dos des populations locales.

«L’élimination et la neutralisation des groupes armés dans la région et l’amélioration des conditions socio-économiques de par la création de différentes perspectives d’emploi pour les jeunes constituerait un moyen dissuasif efficace contre ce fléau. » commente-t-il.

Merveille Kavira Luneghe, GPJ,  et Josephine Kavira n’ont aucun lien de parenté.

Traduit de l’anglais par Ndayaho Sylvestre, GPJ.