KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Souvent, des marchés dans cette partie du monde sont pleins de fruits, de légumes, de casseroles et de poêles. Mais ici, dans ce chef-lieu de province, un marché central cache un super endroit où l’on propose du café, rien de plus.
Des clients, impuissants devant la puissance de l’arôme, affluent vers des stands des femmes assises derrière de grands bassins en plastique remplis de grains de café produits et transformés localement.
Il serait ainsi absurde de dire que c’est un phénomène nouveau ici. Le café fut autrefois appelé « l’or vert », en raison de sa capacité à booster l’économie locale. Mais ces dernières années, l’activité a ralenti dans le secteur du café local. Une grande partie du café produit ici a été acheminée à l’extérieur du pays pour y être transformée. Aujourd’hui, pourtant, les revenus provenant de la vente de café prêt-à-boire pourraient transformer l’économie locale.
Avec un projet de relance du café, des agriculteurs dans la région s’intéressent non seulement à cultiver du café de haute qualité, mais aussi à le transformer eux-mêmes, à l’aide des techniques qu’ils utilisaient il y a des décennies lorsque le secteur du café de la RDC avait encore la cote.
Le projet a été lancé en 2013 par l’Office national du café de la RDC sur une pépinière de 4 hectares à environ 10 kilomètres du fleuve Congo. Les semis plantés à cette époque ont mûri pour donner leur toute première récolte de 60 kilos de café en 2017. Aujourd’hui, environ 100 personnes travaillent à la pépinière. À côté d’eux, un agronome fourni par le gouvernement les aide à affiner le café local, alors que d’autres appuis techniques et matériels arrivent tout au long du processus.
Un caféier nouvellement planté commence à donner ses premières cerises, les petits fruits dans lesquels se cache le grain de café – graine de cerise – au but de trois ou quatre ans, explique Jacques Chikuru, directeur du projet.
Un seul caféier peut produire 2,5 kilos de cerises par année, ce qui donne environ 500 grammes de café, précise Chikuru.
Les succès du projet de Chikuru font que d’autres agriculteurs aspirent à faire du café leur business. Selon les estimations, la province de la Tshopo, dont le chef-lieu est Kisangani, compte aujourd’hui plus de 500 producteurs de café ainsi que des personnes spécialisées dans la transformation des grains de café.
Le projet arrive au moment où bien des Congolais, même ceux jouissant de l’expérience dans le secteur de la culture du café, ont du mal à vivre des revenus tirés de leur culture de café. La violence des groupes armés dans l’est de la RDC a mis en péril les routes de transit, ce qui n’arrange pas les choses non seulement pour les caféiculteurs, mais aussi pour différents commerçants qui ont du mal à acheminer leurs produits vers les acheteurs.
Des producteurs de café ailleurs dans l’est de la RDC sont eux aussi en difficulté. Selon les agriculteurs dans la province du Nord-Kivu, les coopératives qui vendent des grains de café à des acheteurs étrangers ne donnent pas assez de bénéfice aux cultivateurs. (Lire notre récit ici.)
Aussi, existe-t-il d’autres défis. Les graines sont chères, affirme Augustin Itowa Baelo, 37, caféiculteur. Et les modifications des régimes climatiques météorologiques gangrènent la prospérité des cultures.
« J’ai cultivé le café depuis mon jeune âge. Mais, depuis 2015, la production a baissé et j’ai éprouvé des difficultés ».
Pourtant, un nouvel intérêt pour le café de la région est un signe que les choses pourraient s’améliorer, assure-t-il.
« Cette relance me permet de retrouver espoir », dit Baelo.
Déjà, certains producteurs affirment que leurs cultures leur permettent de trouver des moyens de subsistance.
Charlie Ilongo, âgée de 48 ans et mère de quatre enfants, affirme qu’elle et son mari gagnent assez d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille en transformant les grains de café achetés auprès des producteurs locaux. Une fois les grains transformés, Ilongo les vend sur le marché central de Kisangani et dans les supermarchés. Elle réalise un bénéfice d’environ 50 pour cent du prix de vente final.
« Le café que je transforme moi-même est appréciée par beaucoup car il est naturel et son odeur est impeccable », dit-elle avec fierté.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.