Democratic Republic of Congo

Avec la pénurie persistante de cette denrée rare qu’est l’eau potable, la découverte d’une source d’eau devient une manne pour le quartier

Dans un pays où quasiment les trois quarts des habitants n’ont pas accès à l’eau potable, un homme à Bukavu, ville située à l’est du pays, est tombé par hasard sur une source et ses voisins comptent sur lui pour s’approvisionner en eau. Un responsable pointe du doigt une longue période de sécheresse, l’obsolescence des infrastructures et la croissance démographique comme étant responsables de la pénurie d’eau et une étude du Comité international de la Croix-Rouge dévoile le secret pour approvisionner la ville de Bukavu en quantités d’eau plus importantes.

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Discovery of Water Source Aids Neighborhood As Drinking Water Scarcity Continues in DRC

Esther Nsapu, GPJ Democratic Republic of Congo

Tombant sur l’eau en creusant une fosse à immondices, Vital Banyanga fournit aujourd’hui l’eau à ses voisins à Bukavu, République démocratique du Congo, et leur vend un bidon de 20 litres à 100 francs congolais.

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BUKAVU, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — De longues queues de jeunes femmes et d’enfants en quête d’eau, bidons jaunes à la main, se forment autour d’un puits à l’intérieur d’une clôture en moellon. Dans une ruelle voisine, les femmes incapables de tenir dans ces files d’attente se contentent de se masser au tour d’une source d’eau non découverte mais trouvée dans les environs.

Pour faire face au défi quotidien d’aller aux puits en quête d’eau de robinet qu’ils doivent transporter à la maison, force gens sont obligés de se priver d’une bonne nuit de sommeil. Avec près de trois quarts de la population sans accès à l’eau potable, la pénurie d’eau demeure une source de grande préoccupation.

Marié et père de 11 ans, Vital Banyanga a pu trouver une solution partielle au problème auquel fait face son quartier Cercle Hippique ici à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu.

Il y a environ un an, Banyanga était affairé dans sa parcelle à creuser une fosse à immondices et tomba sur une couche humide. « Comme j’ai continué à creuser j’ai miraculeusement vu l’eau jaillir du sous-sol », raconte-t-il.

Son puits qui mesure 3 mètres de profondeur reste une source d’eau pour 50 familles de son quartier. Selon ses dires, il doit limiter les heures de service d’eau pour permettre à l’eau de remonter à la surface facilement. Il propose à ses clients de puiser de l’eau entre 6 heures et 11 heures et entre 18 heures et 21 heures.

Chez Banyanga, un bidon de 20 litres se vend à 100 francs congolais et il gagne environ 50.000 francs congolais par mois et cela constitue une source de revenus supplémentaires pour sa famille et lui permet d’assurer l’entretien du puits et de payer deux gardes qui empochent 10.000 francs congolais par mois et assurent la propreté et la sécurité du puits.

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Esther Nsapu, GPJ Democratic Republic of Congo

En République démocratique du Congo, une femme et sa fille puisent de l’eau dans un puits à l’aide d’un récipient en plastique suspendu à une corde.

Malgré ces arrangements, Dieu-Merci Kanganda, médecin à l’Hôpital Général de Bukavu, prévient que l’eau tirée du puits comme celle du puits de Banyanga peut s’ériger en terrain propice pour la typhoïde, la diarrhée, la dysenterie, le choléra et une foule d’autres maladies d’origine hydrique.

Il conseille aux habitants de faire bouillir l’eau des puits à 100 degrés ou d’utiliser des comprimés de désinfection disponibles en pharmacie pour éviter tout risque de maladie.

À en croire un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), l’insécurité persistante qui reste plus préoccupante à l’est de la RDC est la cause la plus importante du manque d’accès à l’eau potable.

Deo Kizibisha Kabiona, directeur de la Régie de distribution d’eau (REGIDESO), société publique de distribution d’eau dans le Sud-Kivu en RDC, considère que les gens font face à une situation de pénurie d’eau désastreuse en raison de la saison sèche qui se prolonge. « La rivière Murhundu qui se déverse le bassin de captage d’eau se dessèche de plus en plus », affirme-t-il.

Kabiona pointe également du doigt d’autres problèmes auxquels la REGIDESO est confrontée dont l’endommagement des infrastructures suite à la négligence de l’entretien pour de nombreuses années, les guerres successives et la croissance démographique rapide à Bukavu et dans les régions avoisinantes.

Avec un million d’habitants que compte Bakavu, moins de la moitié de cette population n’ont pas accès à l’eau potable et ce nombre s’avère plus élevé dans tout le pays et un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement publié en 2016 estime que près des trois quarts des 79 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable.

Les habitants d’Ibanda, l’une des communes de Bukavu dans le quartier de Panzi, qui a été frappée par une pénurie d’eau potable depuis près de 13 ans, ont récemment manifesté devant la mairie de la ville.

Au terme d’une réunion convoquée par le maire de Bukavu en réponse aux manifestations, Kabiona a promis de trouver la solution au problème soulevé par les manifestants, tout en précisant que le problème résulte du manque de moyens, de l’obsolescence du réseau de distribution et de la forte densité démographique à Bukavu.

Une étude récente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur la modélisation du réseau d’eau de la ville de Bukavu, suggère trois pistes prioritaires: le premier piste consiste à assurer l’alimentation du réservoir de Burhalaga suivie par le captage de la source de Mazigiro sur la Rivière Nyambasha pour alimenter la commune de Kadutu et le quartier de Panzi de la commune d’Ibanda en eau potable.

La même étude propose la deuxième piste consistant à faire le pompage dans la rivière de Ruzizi vers Elakat pour alimenter le réservoir tampon de Muhungu. Et enfin, l’étude préconise le captage de la Riviere Mpungwe qui, à elle seule, pourrait alimenter 70.000 habitants de Bukavu.

Kabiona précise que l’étude du CICR a permis à la REGIDESO d’avoir la cartographie du réseau de distribution d’eau de Bukavu, permettant ainsi la mise en œuvre de travaux de restauration des canaux d’eau dans cette ville.

Entretemps, le puits de Banyanga est devenu populaire auprès des voisins.

«Nous avions beaucoup souffert», déclare Maria Mushagalusa. «Nous pouvions passer des nuits à la belle étoile à la recherche d’eau et, dans la plupart des cas, nous rentrions mains bredouilles».

Aujourd’hui, dit-elle, «nous pouvons dormir tranquillement chez nous la nuit, sachant très bien que l’eau est tout près quand bien même il peut s’agir d’une petite quantité ».

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.