KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Angel Saidi Gwabusu, 46 ans, a emmené sa fille Gracia d’urgence à une banque de sang. Ce bébé de 8 mois avait besoin d’une transfusion sanguine. Une fois arrivée, des responsables lui ont affirmé que le sang y faisait défaut. Puis, Gwabusu a trouvé un donneur volontaire pour sa fille, moyennant paiement de 15 dollars.
Gwabusu paya la somme, et Gracia fut transfusée.
Eh bien, ce n’était pas assez, lui disait le docteur. Gracia devait subir une seconde transfusion. Et pourtant, Gwabusu n’en avait pas les moyens. Une unité de sang dans cette banque exige aussi de débourser au moins 15 dollars, quelle que soit la gravité de la maladie du bénéficiaire éventuel.
« Il ne restait plus un sou dans ma gibecière », confie-t-elle.
Elle a plutôt choisi d’administrer à son bébé un sirop fait maison censé amoindrir l’anémie, cette condition liée au paludisme dont souffrait Gracia.
Tout récemment, en 2013, la banque de sang de Kisangani pouvait fonctionner sans heurt, offrant des poches de sang à quiconque en avait besoin. Ceci parce que la banque bénéficiait de l’aide des agences d’aide internationales, affirment les responsables locaux. Ceux qui en ont besoin aujourd’hui n’ont d’autre choix que de parcourir la ville à la recherche de donneurs de sang qui souvent exigent du fric.
Ce problème se pose partout dans la région. Dans certains pays, la transfusion reste un acte médical gratuit, mais dans d’autres, les bénéficiaires doivent trouver leurs propres donneurs ou payer le prix fort pouvant aller jusqu’à 100 dollars par unité pour recevoir le traitement dont ils ont besoin. (Lisez ici pour en savoir plus)
À Kisangani, des vies s’arrêtent par manque de don de sang.
Le Dr Chérubin Mbombo, coordinateur du Programme national de transfusion sanguine dans la province de la Tshopo, affirme que son centre ne dispose que de 10 pourcent du stock de réserve de sang requis.
« L’approvisionnement actuel en sang est si insuffisant qu’il est impossible de couvrir les besoins des habitants de la ville de Kisangani », renseigne Mbombo.
Selon lui, la demande de sang dans la région atteint le cap de 50 unités par jour. Et pourtant, la ville de Kisangani compte moins de 100 donneurs de sang, révèle-t-il, et la plupart d’entre eux font des dons de sang irréguliers.
La ville de Kisangani compte plus d’un million d’habitants, et certaines estimations vont même jusqu’à 1,6 million.
La banque de sang se voit obliger d’exiger le paiement d’au moins 15 dollars par unité parce qu’elle a besoin d’argent pour continuer à fonctionner, témoigne Mbombo.
Même les malades graves ayant besoin de sang doivent payer. Aucune exception ne peut être faite, souligne-t-il.
Bernadette Furaha, ministre provinciale de la Santé, a déclaré que le gouvernement central, basé à Kinshasa à une distance de plus de 2 500 kilomètres, pourra bientôt autoriser la province à gérer ses propres fonds destinés aux banques de sang.
Toutefois, elle n’a pas donné de précisions ni sur la date de ce changement ni sur le montant des fonds qui pourraient être disponibles.
Mais entre-temps, le manque de sang dans la province n’a pas été sans conséquences fatales. À l’en croire Furaha, l’absence de transfusion sanguine a été à l’origine de 32 décès dans la province, et ce, en 2017.
De l’avis des habitants, il est injuste de faire don de sang gratuitement alors que ceux qui en ont besoin doivent se dépocher.
Selon Hervé Kitambala Tabu, un père de 26 ans, il faisait régulièrement des dons de sang comme suite à une affiche qui encourageait les gens à faire don de sang. Pourtant, l’un de ses proches est mort des suites d’une hémorragie, déplore-t-il, parce que sa famille n’avait pas les moyens de lui faire une transfusion.
« Et pourtant, je faisais don de sang gratuitement », se désole-t-il.
Aujourd’hui, il ne fait plus don de sang.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.