KISANGANI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — Véronique Lemba, 25 ans, fait des tournées à l’hôpital local, ce qui est une grande première pour un albinos à Kisangani.
Issue d’une famille de neuf enfants, Lemba affirme qu’elle a dû travailler dur pour franchir pas mal d’obstacles.
« Je suis née avec l’albinisme et me voyais moi-même différente de mes frères et sœurs et de mes parents. Mais je me sentais toujours aimée de chacun d’entre eux », raconte-t-elle. « Déjà à l’école primaire, j’avais toujours de bonnes notes et étais toujours la première de ma classe, m’attirant ainsi le respect des gens ».
Si elle est ce qu’elle est aujourd’hui, ce n’est que grâce à ses connaissances livresques.
« L’intégration au sein d’autres enfants à l’école n’était pas non plus chose facile pour moi parce que certains de mes camarades de classe voulaient m’éviter », déplore-t-elle. « Et malgré cela, j’avais un désir profond de changer la perception qu’avaient les gens de mon état qui n’est rien d’autre qu’un défaut de production de mélanine ».
Lemba, tout comme d’autres albinos, souffre de l’absence de pigments dans la peau, ce qui la rend sujette aux coups de soleil susceptibles de se transformer dare-dare en brûlures du troisième degré.
« La température tapant toujours très fort ici à Kisangani, cela n’est pas sans me contrarier car le soleil me brûle la peau », ajoutant que pour ajouter à ses malheurs, son incapacité à jouer en plein air durant son enfance renforçait son isolement.
Et pourtant, aujourd’hui, elle s’emploie à renforcer l’élimination de la discrimination: Lemba est en passe de devenir le premier médecin albinos dans la ville de Kisangani, affirment les responsables au sein de l’hôpital.
Partout en Afrique orientale, les albinos sont victimes de discrimination, abandonnés et même pourchassés pour des parties de leur corps. Aux dires de Lemba, les albinos à Kisangani, la troisième plus grande ville de la RDC, ne font pas exception à la règle.
De tous temps, les albinos à Kisangani ont lutté même pour l’éducation de base, déclare Servain Ndumba, président de l’Association pour la protection et le développement des personnes albinos à Kisangani. À l’en croire, le fait pour Lemba de devenir le premier médecin albinos local sera un excellent exemple pour les autres.
« Elle les lance sur la voie vers le courage d’être utiles à la société dans tous les aspects de la vie », raconte-t-il. « Elle est forte et se préoccupe toujours de la santé de ses collègues membres de l’association. Honnêtement parlant, on l’aime tous ».
Les membres de cette association locale sont plus de 200, mais seuls 48 d’entre eux ont été au banc de l’école, affirme Ndumba.
« Soixante-dix pourcent des [albinos] n’ont pas la moindre chance d’aller à l’école », révèle-t-il, faisant allusion aux données recueillies par l’association. Dans ces conditions, la majorité des albinos sont analphabètes.
Lemba, également membre de l’association, rappelle que l’éducation doit figurer en tête des priorités pour la communauté des albinos.
« Je vais bientôt devenir médecin », assure-t-elle. « Je ferai de mon mieux pour changer la situation des gens comme moi. J’espère qu’un jour ma communauté finira par comprendre qu’un enfant albinos n’est pas le produit d’une malédiction ».
Vincent Melangana, médecin exerçant à l’Hôpital Général de Référence Makiso, et supérieur de Lemba, affirme que celle-ci assume bien ses fonctions. Selon lui, Lemba se voit parfois confrontée à la dure réalité de la discrimination dans l’exercice de ses fonctions, et ce, en raison de la réticence montrée par certains patients à être traités par un albinos. Malgré cela, elle ne se décourage pas et fait en sorte que tous ses patients se sentent en sécurité et à l’aise.
« Elle traite ses patients avec amour », dit-il. « Elle ne se lasse jamais de s’occuper des personnes ayant besoin de soins médicaux. Vraiment, elle est un interne zélé.
François Lemba, son père, se dit fier de sa fille qui a su prouver que l’albinisme n’est pas un handicap.
« Ma fille est unique en son genre », lance-t-il, fier. « Pour moi, ce qu’elle fait est tout un exploit, et je me réjouis du fait que je suis si béni d’avoir une enfant si merveilleuse.
Aujourd’hui, lâche-t-il, je suis fier de voir ma fille devenir bien connue dans toute la ville de Kisangani. Il nourrit l’espoir d’être une source d’inspiration pour d’autres parents qui peuvent encore avoir du mal à accepter leurs enfants nés avec l’albinisme.
Des parents comme Charlie qui a demandé à ce que son nom de famille ne soit pas publié de peur d’accroître la stigmatisation dont est victime sa famille, font face à une multitude de difficultés à la maison.
« Depuis la naissance de mes deux enfants albinos, j’ai eu des problèmes dans mon mariage », confie-t-elle. « J’ai sept enfants, et deux d’entre eux sont nés avec l’albinisme, et mon mari a adopté des comportements apathiques à leur égard ».
Véronique Lemba émet l’espoir que le choix qu’elle a fait sien pourra atténuer la stigmatisation au sein de la communauté. Elle est en bonne voie pour terminer sa formation d’interne en médecine dans les 24 prochains mois.
« Je vais devenir médecin sous peu et enfin pouvoir lutter pour l’amélioration de la santé des [albinos] », annonce-t-elle.
Comme elle réussit dans sa carrière, elle affirme qu’elle entend aider d’autres enfants de sa communauté.
« J’attends avec impatience de pouvoir mettre en place un mécanisme qui facilitera l’accès de tous les albinos à la crème solaire », promet-elle.
Adapté à partir de sa version originale en français par Ndayaho Sylvestre, GPJ.