Democratic Republic of Congo

Des campagnes de sensibilisation pour exhorter les Congolais à se faire inscrire pour l’obtention des actes de naissance

Les guerres du Congo sont ce mal qui a dévasté la République démocratique du Congo à la fin des années 1990 et qui continue de compromettre la capacité des citoyens à accéder aux services publics pour déclarer les naissances avant d’obtenir des actes de naissance. Aujourd’hui, des organisations humanitaires exhortent les Congolais à déclarer les naissances en les amenant à comprendre ce à quoi l’acte de naissance peut servir.

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Awareness Campaigns Encourage DRC Citizens to Register for Birth Certificates

Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

En République Démocratique du Congo, la loi oblige les familles ou tuteurs à déclarer la naissance de leurs enfants dans les 90 premiers jours suivant cet heureux événement pour l’établissement des actes de naissance. Force gens dans ce pays sont dépourvus de ce document essentiel devant leur permettre de jouir de nombreux droits fondamentaux.

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KIRUMBA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO — À Kirumba, village du territoire de Lubero, au nord-est de la RDC, la propriété foncière est la recette de toute richesse. La terre, c’est aussi et surtout la source de la succession – des enfants héritent des terres de leurs parents.

Mais rien ne se fait sans acte de naissance.

Bea Masika, habitante de Kirumba, raconte une expérience qui incite à la prudence quant à la propriété foncière. Elle a grandi avec sa mère chez ses grands-parents. Sa naissance ayant été déclarée, elle a reçu un acte de naissance sur lequel figurait son grand-père au lieu de son père.

« C’est pour cela que l’on m’a refusé le droit d’hériter de mon père biologique », déplore Masika.

À l’en croire, elle déclarait les naissances de ses propres enfants pour faire établir leurs actes de naissance dès qu’elle le pouvait.

Ce document important n’est pas accessible pour certains enfants, et encore moins pour certains adultes.

Selon André Paluku Sengemoja, préposé à l’état civil à Kirumba, certaines gens habitant le territoire n’ont pas d’actes de naissance. Or, il confirme qu’avec l’absence de recensement récent, on peine à disposer des données démographiques. Et au nombre de ceux qui n’ont pas d’actes de naissance figurent ceux qui sont âgés de plus de 20 ans, ajoute-t-il.

Les affaires de succession portées devant les tribunaux sont monnaie courante ici, car l’absence d’actes de naissance reste à l’origine des querelles quant à la personne ayant droit aux terres en l’absence de preuve de filiation.

Pitchen Maseka, secrétaire administratif de Kirumba, a traité cinq litiges fonciers depuis le début de l’année. Selon ses dires, il a reçu huit litiges l’année dernière et 13 en 2016. Il affirme que la majorité de ces litiges impliquent un enfant dépourvu d’acte de naissance.

En RDC, les actes de naissance sont requis non seulement pour l’héritage du foncier, mais aussi pour l’identification, l’accès aux soins de santé, l’enseignement (dans certaines écoles) et l’obtention d’un passeport.

Un nombre croissant de Congolais reconnaissent l’importance de faire établir un acte de naissance, et ce, grâce aux efforts des associations humanitaires basées dans la région. Sengemoja affirme que 359 enfants à Kirumba ont été déclarés pour faire établir leurs actes de naissance depuis janvier. Dans la foulée, 397 naissances ont été déclarées en 2017.

En l’absence d’acte de naissance, rien n’est possible, ni la demande de passeport, ni l’accès à un certain enseignement, ni l’accès aux soins de santé. Plus incroyable encore, sans la preuve de filiation, l’héritage des terres ne reste qu’une chimère.

L’absence d’actes de naissance parmi les citoyens congolais, révèle Sengemoja, est attribuable à la première guerre du Congo survenue en 1996.

« Depuis plus de 20 ans, pas mal de gens sont dépourvus d’actes de naissance à cause des guerres qui ont ravagé ce pays », souligne-t-il. Le recensement ne s’effectuant plus, les gens se sont désintéressés de la déclaration pour l’obtention des actes de naissance.

Avant 1996, il était plus facile de se procurer un acte de naissance.

Kambale Ndaghala, opérateur économique à Kirumba, est père de trois enfants. Tous ses enfants ont des actes de naissance. Son enfant aîné est né en 1988 sous le régime de l’ancien président congolais Mobutu Sese Seko.

Selon Ndaghala, il a grandi dans une culture dans laquelle les gens avaient coutume de déclarer sans délai la naissance de leurs nouveau-nés pour faire établir leurs actes de naissance. Mais, au fur et à mesure, cette culture a volé en éclats à cause des conflits qui ont ravagé le pays.

« Si, en ces jours, plusieurs enfants n’ont pas d’actes de naissance, c’est à cause des guerres répétitives qui ont plongé les gens dans l’ignorance et d’une certaine irresponsabilité de l’Etat », lâche Ndaghala.

La loi congolaise fait obligation de déclarer l’enfant généralement au bureau d’état civil ou à la mairie dans les 90 jours suivant la naissance pour obtenir un acte de naissance. Et la déclaration dans ce délai légal se fait sans bourse délier.

De l’avis des groupes humanitaires, le premier pas vers la déclaration accrue des naissances pour l’obtention des actes de naissance consiste en la sensibilisation.

Antoinette Kanyere, habitante de Kirumba et mère de huit enfants, révèle qu’elle a déclaré un seul de ses enfants pour l’établissement d’un acte de naissance. Comme elle l’affirme, ce n’est que grâce à un spot sur une radio locale qu’elle a été dernièrement informée de la nécessité de déclarer la naissance.

« Si la naissance de ces sept autres n’a pas été déclarée, c’est parce que l’on ne savait pas », témoigne Kanyere.

Solidarité pour la Promotion des Métiers et de l’Action au Développement (SOPROMAD), une organisation non gouvernementale locale œuvrant pour le développement, a commencé ses activités dans la ville de Butembo en 2016 et les a ensuite étendues à Kirumba l’année dernière. Ce groupe diffuse de petites annonces à la radio et s’entretient avec les membres de la communauté pour encourager la déclaration pour l’obtention des actes de naissance. Le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) lui emboîte le pas dans cette région depuis 2016.

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Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC

Charles Mahwa, au centre, travaillant pour le groupe humanitaire SOPROMAD, est assis dans son bureau avec des parents ayant amené leurs enfants pour déclarer leur naissance en vue d’obtenir des actes de naissance. La SOPROMAD diffuse des spots radio depuis ces deux dernières années pour encourager la déclaration des naissances.

Charles Mahwa, représentant de la SOPROMAD, affirme que le groupe poursuit des objectifs multiples : encourager les gens à se faire délivrer des actes de naissance pour acquérir la nationalité congolaise et prévenir les conflits fonciers et d’héritage. Aussi l’organisation vise-t-elle à rendre disponibles les données démographiques.

« Quand les données sont disponibles, il devient plus facile pour les autorités de prendre de bonnes décisions en pensant aux programmes qui sont bénéfiques pour la population », assure-t-il.

Mahwa ajoute que les données démographiques permettront aux projets humanitaires de mieux servir le nombre de personnes dans le besoin.

Rachel Kyakimwa, habitante de Kirumba, a obtenu un acte de naissance pour l’un de ses enfants.

« [J’ai] obtenu son acte de naissance grâce aux sensibilisations que j’ai reçues du NRC au marché », dit-elle à propos des annonces diffusées à la radio.

Dans d’autres parties du pays, le processus n’est pas si facile.

« Tous mes quatre enfants ont des actes de naissance parce que c’est la règle », explique Odiver Sabuni, enseignante. « Certains parents négligent [la loi], mais dans les villages contrôlés par des groupes armés, les bureaux n’ouvrent même pas leurs portes, ce qui fait que les parents peuvent même oublier leurs devoirs civiques ».

Ceux qui peuvent accéder aux bureaux de déclaration des naissances sont conscients de l’importance que revêt l’acte de naissance.

Ezee Kanendu est un « notable » dans le territoire de Lubero. En RDC, un notable est une personne de confiance dans la communauté et qui représente cette dernière pour toutes les questions soumises aux autorités. Selon Kanendu, l’accès aux actes de naissance réduira les conflits liés à l’héritage des terres et à la succession.

Kahindo Mwandu, enseignante, dit qu’elle a cinq enfants, dont seulement quatre ont un acte de naissance. Mais elle a un plan pour son enfant.

« Je suis en train de voir comment le précipiter au bureau d’état civil pour qu’il ne soit pas victime de manque de nationalité et ne se sente pas victime de discrimination. Ainsi, je pourrai également prévenir les conflits d’héritage », confie-t-elle.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.