Democratic Republic of Congo

Cette fois, l’aide s’éclipse : des réfugiés se débrouillent avec peu de moyens

En raison de la pandémie, l’aide internationale s’est étiolée. Et la conséquence, c’est que les réfugiés burundais en RD Congo – à l’instar d’autres réfugiés du monde entier –, ont du mal à survivre.

Read this story in

Publication Date

As Aid Vanishes, Refugees Make Do With Less

Noella Nyirabihogo, GPJ DRC

Aline Kwizerimana, réfugiée burundaise vivant dans le camp de Lusenda en RD Congo, bénéficie d’une aide de 10 dollars par mois, allocation sur laquelle elle et ses six enfants doivent compter pour s’acheter de quoi manger.

Publication Date

LUSENDA, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Des mois venaient de s’écouler sans assistance en espèces aux réfugiés. Aujourd’hui, en cette lumineuse matinée d’avril, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants se précipitent vers une tente au centre du camp. Là, comme des travailleurs humanitaires distribuaient de l’argent à ceux dont les noms figuraient sur une liste, on entendait des voix de réfugiés, tous originaires du Burundi, se chevaucher.

Parmi les chanceux figurait Aline Kwizerimana, 48 ans, mère de six enfants qui a fui le Burundi en octobre 2015.

« Mes enfants et moi cultivons pour des habitants d’ici pour gagner un peu de nourriture pour la survie », confie Kwizerimana, une femme timide au sourire pâle.

Comme celle des autres réfugiés du monde entier, la vie des résidents de ce camp à Lusenda – une cité de la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RD Congo – a été chamboulée par la pandémie de coronavirus. L’assistance en espèces n’arrive que quelques mois, voire jamais. Les réfugiés ont à peine accès aux soins de santé. La montée des tensions avec la population locale, telle est la réalité. Des familles passent des jours entiers sans manger.

Poussés par le désespoir, certains réfugiés burundais veulent retourner au bercail, malgré les violences politiques qui y sont persistantes.

« Il vaut mieux retourner chez nous même si nous ne savons pas ce qui nous attend là-bas », déclare Jean-Damascène Kubwimana, un réfugié burundais du camp de Lusenda. « Au lieu de mourir de faim ici ».

expand image
expand slideshow

Noella Nyirabihogo, GPJ DRC

Julienne Bwiza et sa mère, Olive Mukama, réfugiées burundaises vivant dans le camp de Lusenda en RD Congo, transportent des récoltes. En échange de leur travail, le propriétaire du champ leur donne du manioc.

« Alors que la situation continue de se détériorer pour tout le monde, la catastrophe est encore grave pour ces réfugiés qui n’ont absolument rien pour amortir leur chute », a indiqué le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial, David Beasley, dans un communiqué.

Selon un rapport du Conseil danois pour les réfugiés, un groupe humanitaire privé ayant vocation à, entre autres, défendre et à protéger les réfugiés, la pandémie a fait payer un tribut démesuré aux réfugiés dans le monde. Les restrictions destinées à contenir le coronavirus ont, lit-on dans ce rapport, privé les réfugiés de travail, d’éducation et de services psychosociaux, et leurs conséquences négatives se font particulièrement sentir dans des camps.

Didier Numbi, représentant, à Lusenda, de la Commission nationale pour les réfugiés de la RD Congo, l’agence gouvernementale qui protège les réfugiés et traite les demandes d’asile, explique que les États et organisations partenaires ont eu du mal à mobiliser des ressources.

« L’un des grands bailleurs, c’est les État Unis d’Amérique. Ironie du sort, c’est les mêmes États-Unis qui ont été le plus frappés par le coronavirus », s’alarme Numbi. « Du coup, les moyens qu’ils devaient envoyer pour assister les réfugiés sont canalisés pour les soins des Américains ».

Plus de 300 000 réfugiés burundais sont dispersés à travers l’Afrique orientale et centrale, principalement en Ouganda, en Tanzanie, au Rwanda et en RD Congo. La majorité d’entre eux ont fui une patrie en proie à la répression politique et à l’instabilité économique, qui ont suivi une tentative de coup d’État en 2015, selon un rapport de l’International Crisis Group, une organisation qui fournit des analyses et des informations visant à prévenir les guerres et autres conflits.

« Il vaut mieux retourner chez nous même si nous ne savons pas ce qui nous attend là-bas. Au lieu de mourir de faim ici ».

Dans ce camp, les réfugiés sont abrités dans des maisons en briques compactes. Des gens y font des va-et-vient : des enfants transportant du bois de chauffage sur leur tête, des hommes et des femmes armés de houes allant travailler dans des champs à l’extérieur du camp. D’autres reviennent avec de petits paniers de nourriture.

À l’entrée, des agents de santé du gouvernement y font un contrôle de température et s’assurent du lavage des mains.

Les restrictions liées au coronavirus n’ont pas été sans entraves à la liberté de mouvement des réfugiés, ce qui signifie qu’ils ne sont plus autorisés à aller chercher du travail dans des communautés environnantes. (Ils essaient du moins d’y aller).

En janvier dernier, des réfugiés ont marché jusqu’à Kavimvira, à la frontière entre la RD Congo et le Burundi, pour demander à être rapatriés, s’insurgeant contre les piètres conditions dans leurs camps. Radio Okapi, radio financée par la mission de maintien de la paix des Nations unies en RDC (Monusco), a, début avril, indiqué que le HCR avait rapatrié 239 réfugiés burundais. Cette année, le HCR envisage d’en rapatrier quelque 143 000 au Burundi.

Ces réfugiés retourneraient dans un pays où Human Rights Watch – un groupe de recherche et de défense basé à New York – a, depuis les élections de 2020, reçu des informations faisant état de meurtres, de disparitions, d’arrestations arbitraires, de menaces et de passages à tabac de membres réels ou présumés de l’opposition.

Si le gouvernement de la RD Congo ne peut prendre mieux en charge les réfugiés, ces derniers veulent « un rapatriement officiel pour que l’on retourne dans notre pays en toute sécurité », conseille Felix Cimpaye, réfugié burundais qui est chef de camp de Lusenda.

expand image
expand slideshow

Noella Nyirabihogo, GPJ DRC

Daphrose Nahimana, réfugiée burundaise enceinte de son sixième enfant et vivant dans le camp de Lusenda en RD Congo, essaie de survivre en vendant du charbon de bois et de l’huile de palme.

Selon Cimpaye, des actes de vol commis par de jeunes réfugiés à l’encontre des habitants de la cité de Lusenda ont conduit à l’effritement de la patience et de la confiance de la communauté.

« Les tensions ont pris un élan depuis que les moyens de survie au sein du camp sont devenus plus compliqués », raconte-t-il. « Trouver de quoi mettre sous la dent est devenu un casse-tête, ce qui pousse les uns à voler des vivres dans des champs voisins ».

Parallèlement, des routes boueuses criblées de nids-de-poule qui mènent au camp ont entraîné des retards considérables dans l’acheminement de l’aide alimentaire et médicale aux réfugiés. Des comprimés, des gants médicaux et des seringues y étant ainsi une denrée rare, les réfugiés sont obligés de s’en procurer dans des pharmacies à l’extérieur du camp. Pour ceux qui sont incapables de se le permettre, il n’y a d’autre choix que de s’en passer.

Avant la pandémie, à en croire les réfugiés, ils bénéficiaient d’une allocation mensuelle de 15 dollars, somme qui, aujourd’hui, a été réduite à 10 dollars et qui, souvent, accuse même des retards. En avril, Kwizerimana a décroché de petits boulots à l’extérieur du camp et ainsi empoché 5 000 francs congolais, ce qui lui a permis de nourrir sa famille pendant une semaine.

Souvent, confie Kwizerimana, ses enfants, âgés de 6 à 17 ans, ne peuvent pas manger la nuit. Et pour preuve : elle a montré sa cuisine de fortune, où ses ustensiles de cuisine donnés par le camp sont propres et bien rangés, car elle en fait rarement usage.

Noella Nyirabihogo est journaliste à Global Press Journal en poste à Goma, en République démocratique du Congo. Elle est spécialiste des reportages sur la paix et la sécurité.


NOTE À PROPOS DE LA TRADUCTION

Traduit par Ndahayo Sylvestre, GPJ.