Haiti

Des failles dans la gestion des déchets solides, la capitale haïtienne à l’œuvre pour en venir à bout

L’aire métropolitaine de Port-au-Prince produisant entre 1 400 et 1 600 tonnes de déchets par jour, la gestion efficace de ces déchets reste une tâche bien titanesque et fort onéreuse. Ce que les autorités espèrent cependant, c’est que l’éducation des vendeurs et des étudiants sur les dangers ainsi que le durcissement des sanctions permettront d’affaiblir ce problème dans son ampleur.

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Haitian Capital Seeks Solutions to Insufficient Solid Waste Disposal

Marie Michelle Felicien, Haïti

Sylvia Janvier vend de la viande de porc et du lard sur le Marché de la Croix-des-Bossales, le plus grand et le plus achalandé marché d’Haïti. Elle se plaigne de l’insalubrité du marché.

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PORT-AU-PRINCE, HAÏTI — C’est en plein après-midi et ce grand marché qu’est le Marché de la Croix-des-Bossales est en train de battre son plein avec des clients qui font des détours à côté des vendeurs ambulants pour esquiver des déchets entassés en monticules ici et là. Sylvia Janvier, elle, vend de la viande de porc et du lard ici depuis 30 ans.

S’étirant sur une superficie de 70 000 mètres carrés, ce plus grand marché de Port-au-Prince, capitale d’Haïti, est aux prises avec de graves problèmes de déchets. Des déchets bloquent le passage et s’accumulent souvent près des produits frais, déplore-t-elle. Certains vendeurs usent de mauvaises pratiques d’élimination de déchets, précise cette femme âgée de 53 ans, mais les autorités sont aussi à pointer du doigt. Ces deux acteurs ne travaillent pas main dans la main, explique-t-elle.

« Chacun s’en va avec l’espoir que la situation d’insalubrité va changer demain, mais on voit la situation aller de mal en pis », déclare Janvier.

Le Service métropolitain de collecte de résidus solides (SMCRS) a vu le jour pour gérer la collecte des déchets solides dans la capitale et dans les régions métropolitaines avoisinantes. Or, depuis des années, l’insuffisance de ressources et de main d’œuvre met les bâtons dans les roues de ce service mis en place par le l’état qui peine à assurer la propreté de certaines zones. Dans un marché où l’on estime à 110 000 tonnes la nourriture vendue chaque jour, les autorités font appel à de nouvelles approches pour réduire les déchets solides : campagnes de sensibilisation et sanctions. Ces efforts sont allés jusqu’à d’autres marchés et espaces publics.

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Marie Michelle Felicien, Haïti

Mariette Paul vend des tomates et des oignons dans une partie du marché de la Croix-des-Bossales qui sert de dépotoir des déchets solides produits par des vendeurs. Elle porte des bottes de pluie pour protéger ses pieds contre des déchets et des flaques boueuses.

Selon Global Communities, une organisation internationale à but non lucratif, l’aire métropolitaine de Port-au-Prince produit entre 1 400 et 1 600 tonnes de déchets chaque jour, ce qui est une quantité plus élevée que celle déposée dans la décharge de Truitier, la plus grande décharge du pays. Les déchets ménagers représentent environ 80 pourcent de ces déchets alors que les 10 pourcent proviennent des marchés.

Bertrand Salomon, directeur de cabinet de la directrice du SMCRS, affirme que différents facteurs sont à l’origine de la difficulté à collecter de grandes quantités de déchets, et le manque de fonds en est un. Le gouvernement estime qu’augmenter la collecte des déchets de 20 pourcent à 90 pourcent d’ici 2020 coûterait 370 millions de dollars, selon un 2012 rapport du Ministère de la Santé Publique et de la Population.

D’après des experts, la quantité de déchets produits à Haïti ne cessera d’augmenter dans les années à venir. Aux dires de Salomon, il faut rectifier le tir en termes de pratiques de gestion des déchets.

Les gens jettent leurs déchets n’importe où sur les lieux de leur business ignorant que l’insalubrité peut être à l’origine des maladies surtout dans des endroits à forte densité de population, explique-t-il.

Selon Olrich Joly, porte-parole de la mairie de Port-au-Prince, de mauvaises pratiques de gestion des déchets sont aussi monnaie courante dans des ménages et des écoles. À l’en croire, la mairie mène des campagnes de sensibilisation pour apprendre aux vendeurs et aux étudiants comment éliminer efficacement les déchets.

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Marie Michelle Felicien, Haïti

Des élèves de l’École municipale Carl Brouard, une école publique, se joignent à un exercice de nettoyage organisé par des autorités.

Emanuse Osias, 16 ans, élève à l’École municipale Carl Brouard, école publique, participe à l’une des tâches de nettoyage de la mairie pour sensibiliser le public.

« Avant, je n’avais aucun problème à voir les gens jeter des déchets par terre », explique Osias. « Mais aujourd’hui, avec la formation que j’ai reçu dans mon école, je surveille de près les gens de ma communauté et je leur apprends à apprécier l’importance d’un milieu propre ».

Selon Dauphin Jean Wesner, conseiller pédagogique à cette école, l’introduction des campagnes dans les écoles est une bonne chose, car les gens apprendront à assurer la propreté de l’environnement dès leur jeune âge, bien avant qu’ils intègrent le marché du travail.

Outre ces campagnes, Ralph Youri Chevry, maire de Port-au-Prince, a annoncé que jeter des déchets sur l’espace public est passible d’une amende de 10 000 à 50 000 gourdes haïtiennes.

Salomon espère qu’avec cette annonce intervenue en mai, les déchets seront en baisse au Marché de la Croix-des-Bossales et dans d’autres centres commerciaux.

Adapté à partir de sa version originale en français par Ndahayo Sylvestre, GPJ.